Un article de Martine Arpin

Pour bien comprendre les fondements de l’approche par atelier d’écriture qui guide notre enseignement, il faut connaître la base de recherche sur laquelle s’appuient les travaux du TCRWP (Teacher’s College Reading and Writing Project). Et ceux de Hattie, et ceux, ici au Québec, de Steve Bissonnette et de ses partenaires. Ces méta-analyses qui ont recensé les études en éducation qui se font depuis des années pour en faire ressortir les pratiques gagnantes et efficaces à mettre en place pour favoriser l’apprentissage et la réussite des élèves, et qui sont à la base de toute intervention proposée par le TCRWP dans l’enseignement de la lecture et de l’écriture. Pas parce qu’il faut appliquer des principes parce que la recherche dit qu’il faut les appliquer. Parce que depuis des années, ils prennent en compte les résultats de ces recherches et expérimentent en classe, avec des enseignants et des élèves de tous les milieux, sur le terrain, pour voir comment cela peut se réaliser concrètement.

Tout d’abord, le TCRWP de l’Université Columbia de New York a été fondé et est dirigé par Lucy Calkins, une pionnière en éducation. Leur mission est d’ « aider les élèves à devenir des lecteurs et des scripteurs compétents et avides. »  Les valeurs qui les animent sont derrière tout ce qu’ils proposent aux enseignants :

« …les élèves deviennent des lecteurs et scripteurs puissants, qui lisent et écrivent pour de vraies raisons, c’est-à-dire pour défendre leurs idées et celles des autres, pour approfondir leurs connaissances et celles des autres, pour illuminer leurs vies et le monde qui les entoure. Notre travail vise à préparer les enfants, à en faire des lecteurs et des scripteurs pour la vie, ayant confiance en eux. On vise à fortifier une génération de lecteurs et d’auteurs. »

Ceci doit se faire dans un environnement riche en littératie et  équilibré. Travailler les habiletés de conscience phonologique, la lecture partagée, l’écriture partagée et interactive, en plus des leçons sur les habiletés, processus et comportements. Ces structures supportent les élèves pour développer les habiletés nécessaires pour lire et écrire des textes de façon autonome. Les enseignants enseignent aux élèves les stratégies et les processus, en leur donnant plusieurs opportunités pour s’exercer, en pratique guidée et en pratique individuelle (Allington, 2012). Les élèves sont engagés dans la lecture et l’écriture authentiques et font ainsi plus de progrès (Kasten et Clarke, 1989).

Qu’en est-il donc de ces fameuses pratiques efficaces prouvées par la recherche dont, heureusement, on entend enfin de plus en plus parler ici au Québec, et du lien direct avec l’approche du TCRWP?

-Les élèves ont besoin de temps pour écrire et pour penser. Cela mène à plus de fluidité et d’efficacité. Dans tout apprentissage, il y a une corrélation directe entre le temps consacré à la pratique et notre progression dans cet apprentissage. Alors les élèves écrivent beaucoup. Tous les jours. Plusieurs textes.

-Les élèves doivent pouvoir faire des choix. Dans l’atelier d’écriture, les élèves choisissent le sujet sur lequel ils écrivent dans un type de texte donné. Pendant 6 à 8 semaines, ils participent à des leçons  et écrivent chaque jour en respectant le type de texte, mais le choix du sujet est toujours protégé.

-L’enseignant doit avoir une intention pédagogique claire et l’annoncer clairement aux élèves. Celle-ci doit présenter un défi stimulant. Dans l’atelier d’écriture, on nous propose plus de 80 leçons par année d’étude sur le processus, les types de textes, les procédés littéraires, la structure, les conventions, la planification, la révision …  . Dans les leçons il y a le « point d’enseignement »,  dans lequel l’enseignante annonce clairement ce qu’elle va enseigner. On enseigne ce que les auteurs font, et quand et pourquoi ils le font.

L’enseignant enseigne de façon explicite : Avec l’atelier d’écriture, on enseigne explicitement les comportements, les stratégies et les processus.  Le lien avec les apprentissages précédents, la connexion, la démonstration et le modelage, l’engagement des élèves en pratique guidée et le lien pour favoriser le transfert sont omniprésents à chaque leçon.

-Il faut favoriser l’engagement des élèves : Quand les élèves sont engagés, ils sont en action. Cela favorise la rétention et le transfert des apprentissages. Cela leur fournit une autre occasion de s’exercer en pratique guidée. En faisant travailler les élèves ensemble on favorise l’apprentissage. L’atelier d’écriture mise sur ces partenariats à plusieurs étapes du processus d’écriture et dans les leçons.

-Les élèves ont besoin de rétroaction spécifique en lien avec leur zone proximale de développement. Les entretiens et l’enseignement en petits groupes ont une place essentielle dans l’atelier d’écriture. Les élèves reçoivent une rétroaction précise, positive et régulière, ce qui amène des progrès spectaculaires.

-Il faut encourager la métacognition :  Dans l’atelier d’écriture, les élèves sont encouragés à utiliser de façon efficace les listes de vérification en lien avec la progression des apprentissages. Ils se fixent des buts. Cela les aide à prendre en charge les stratégies qui leur sont enseignées.

-Les élèves ont besoin d’encouragements, de faire prendre conscience des réussites :  La perception qu’a un élève sur sa capacité à réussir a un impact important sur l’apprentissage. Dans l’atelier d’écriture, l’attitude de l’enseignante est mise en valeur et les propositions de leçons donnent des exemples concrets de la façon dont nos mots peuvent jouer sur l’ouverture des élèves face à ce qui leur est enseigné et face aux défis qu’ils ont à relever. Il faut offrir aux élèves un environnement où l’erreur est la bienvenue et source d’apprentissage.

-Les élèves ont besoin des organisateurs graphiques : Dans l’atelier d’écriture, les tableaux d’ancrage prennent vie sous les yeux des élèves. On leur enseigne à s’y référer et on les encourage à le faire de diverses façons tout au long du processus d’écriture. Dans le livre « Guide pour un enseignement durable au primaire », Shanna Schwartz compare l’utilisation des tableaux d’ancrage en classe avec la prise de notes que nous utilisons, comme adultes, pour nous aider à se rappeler de ce qui est important.

-L’enseignant dont avoir une gestion de classe impliquant des routines et structures simples pour favoriser l’autonomie et pour qu’il puisse se centrer sur le travail complexe de répondre aux besoins de chacun en faisant des entretiens individuels et de l’enseignement en petit groupe bien planifiés.

On indique aussi dans les recherches que, pour que les élèves apprennent,  l’enseignant doit être passionné, engagé et aimer le sujet qu’il enseigne.  Au TCRWP, j’ai rencontré des enseignants passionnés et engagés qui aiment enseigner. Au congrès De mots et de craie (puisqu’il est aussi question de ce congrès dans la lettre), j’ai rencontré des centaines d’enseignants passionnés et engagés qui aiment enseigner. Chaque jour, à travers le groupe « L’atelier d’écriture au primaire », j’échange, je partage et je discute avec des enseignants passionnés et engagés qui aiment enseigner. À chaque formation que j’ai donnée ou à laquelle j’assiste (puisqu’il est aussi question des formations dans la lettre), j’ai rencontré des enseignants passionnés et engagés qui aiment enseigner. À chaque jour, dans mon école, je travaille avec des enseignants passionnés, engagés, qui aiment enseigner. Je suis passionnée. Je suis engagée. J’aime enseigner. Et maintenant que j’ai pris de l’expérience et que j’ai de nouvelles connaissances qui me permettent de mieux enseigner l’écriture, c’est ce que j’aime le plus enseigner. Et quand je vois les textes de mes élèves de première année et ceux des autres élèves qui ont eu la chance d’avoir des enseignants passionnés et engagés qui aiment enseigner, et qui se penchent sur ces pratiques efficaces qui ont été si bien mises au service de l’enseignement de l’écriture par les gens compétents du TCRWP, c’est la meilleure réponse, finalement, à donner à ces messieurs qui s’indignent sans savoir. Ce que je souhaite aux enfants du Québec, c’est que de plus en plus de gens, dans le milieu de l’éducation, s’intéressent à ce qui se fait de mieux et donnent la chance à ces petits de devenir des citoyens avisés et éclairés qui peuvent avoir le jugement de ne pas se laisser berner par tout ce qu’ils lisent, et qui savent utiliser le pouvoir des mots pour faire avancer les choses. De devenir des gens passionnés, engagés et aimant ce qu’ils font au point de vouloir s’inspirer des meilleurs pour avancer.

Pour consulter les recherches dont s’inspirent les démarches du TCRWP:

http://readingandwritingproject.org/about/research-base

Pour lire sur les méta-analyses et les pratiques efficaces:

  • Enseignement explicite et réussite des élèves, La gestion des apprentissages, Clermont Gauthier, Steve Bissonette, Mario Richard, Éditions du renouveau pédagogique inc (ERPI), Saint-Laurent, Québec, 2013.
  • Visible learning, A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement, John A. C. Hattie, Routledge, New York, 2009.

Pour des idées concrètes pour appliquer certaines de ces pratiques en classe, directement en lien avec l’atelier d’écriture:

  • Guide pour un enseignement durable au primaire, Shanna Schwartz (adapté par Yves Nadon), Éditions D’eux, Sherbrooke, Québec, 2016.