Recherche

Les ateliers d'écriture et de lecture au primaire

Inspiré de la démarche des Units of Study du TCRWP

Catégorie

L’atelier d’écriture

Enseigner en classe multi

Une collaboration de David Lord, enseignant en classe multi

Quand je ferme les yeux et que je me revois en tant qu’élève au primaire, je vois 30 beaux petits pupitres en rangées avec 30 merveilleux enfants curieux qui travaillent dans un cahier et qui attendent que l’enseignante dessine des beaux gros B dans les marges. Loin de moi l’idée de dénigrer l’enseignement que j’ai reçu. Les enseignantes ne ressemblaient pas à de vieilles mégères grises. Mes souvenirs de mes années au primaire sont vivement colorés.

Toutefois, du moins dans mes souvenirs d’enfants, tout le groupe se suivait. Il n’y avait pas d’écart majeur entre les capacités et les besoins des élèves.

Depuis le début de ma jeune carrière, je constate que les groupes sont maintenant plus qu’hétérogènes. Pourtant, j’ose désormais lever une main timide pour dire à quel point j’aime les classes multiniveaux.

David, pourquoi aimez-vous enseigner les ateliers d’écriture et de lecture en classe multi?

  • La naïveté et la spontanéité des petits inspirent les plus grands à oser, sans censure. Très visible avec la poésie!
  • On cultive plus facilement la gloire de l’échec. C’est une évidence : nous n’aurons pas tous les mêmes forces.
  • Les petits peuvent apprendre les routines en imitant les plus grands qui connaissent déjà bien leur environnement et les comportements attendus.
  • L’endurance des plus grands encouragent les petits à lire plus longtemps, à écrire davantage, à développer leurs idées.
  • L’autonomie des plus grands nous permet d’accompagner davantage les petits en début de tâches. (Vivre les premiers ateliers et la gestion du coin écriture avec 20 élèves dont 8 en 1ère année est moins épuisant physiquement qu’avec 20 élèves de 1ère année.)
  • Les grands peuvent verbaliser les stratégies apprises antérieurement lorsqu’ils accompagnent les plus petits. L’enseignement par les pairs offrent un support supplémentaire aux petits. Les plus grands consolident leurs apprentissages en les enseignant à de jeunes lecteurs et auteurs.
  • Les auteurs plus expérimentés, par leurs expériences antérieures, moussent la culture des célébrations et la pertinence d’écrire.
  • La différenciation se fait plus aisément. Il est facile de moduler les sous-groupes selon les besoins en ayant une vision cycle ou même sur deux cycles. Pour certaines stratégies, il est possible de rassembler en sous-groupes des élèves de 1ère, 2e ou 3e et d’utiliser les mêmes outils d’intervention.

Différents dispositifs facilitent l’enseignement en classe multi et l’approche pédagogique des ateliers d’écriture et de lecture permet d’éviter le décloisonnement des différents niveaux et la surcharge de planification. Une classe, une famille, un groupe engagé qui développe des passions en diapason.

David, connaissez-vous quelques incontournables pour qu’une graine de bonheur prenne racines pendant les ateliers en classe multi?

Accepter que la zone proximale soit respectée à différents moments.

La zone proximale de développement sera respectée pour certains pendant la leçon explicite de début d’atelier, pendant la courte leçon de mi-atelier, pendant les rencontres individuelles ou de sous-groupes. Certaines interventions qui ne respecteront pas nécessairement la zone proximale demeurent de bonnes révisions ou peuvent niveler vers le haut les attentes que nous aurions pour certains petits curieux.

Revoir les dyades de partenaires pour des besoins ponctuels.

Les dyades de partenaires sont planifiées pour créer des petits groupes assez homogènes. Toutefois, il est possible à certains moments de jumeler de nouveaux auteurs ou deux dyades afin que des élèves puissent verbaliser à voix haute une stratégie enseignée ou pour modéliser une nouvelle fois une bonne habitude incontournable pour acquérir davantage d’autonomie.

Sélectionner une grande variété de livres modèles.

Avec une sélection de livres modèles plus diversifiée, il sera possible de mettre un livre différent en valeur chaque année. De plus, avec une bonne sélection faite à l’avance, les différents lecteurs et auteurs pourront réussir à se reconnaître ou à s’inspirer.

Créer des tableaux de micro progressions sur lesquels on peut déplacer la cible selon l’auteur ou le lecteur.

Il est possible de créer à l’avance, dans un scrapbook, des tableaux de micro progressions associés à une grande cible. Cette même cible peut être déclinée en plus d’un tableau qui comprend des micros objectifs. Donc, selon le niveau de l’enfant, il sera possible de visé un objectif réaliste et adéquat.

Utiliser des listes de vérification différentes selon les cycles pour un même module.

Pour un même module, il est possible d’avoir plus d’une liste de vérification. Ou une seule liste de vérification pour laquelle des enfants d’un certain niveau ne s’autoévalue pas pour tous les critères.

Miser sur le travail d’équipe, le partage des tâches avec différents intervenants.

Plus il y a d’écart, plus il y aura de sous-groupes à planifier et rencontrer. La réussite des élèves ne repose pas seulement sur les épaules du titulaire. L’orthopédagogue et les éducatrices spécialisées sont des alliées importantes.

Préparer des coins écriture avec des supports très variés.

Il est possible d’avoir plus d’un coin écriture. Les modèles de pages doivent être très variés. De grandes pages horizontales avec 2 lignes sous l’encadré pour le dessin. Des modèles verticaux qui contiennent de 7 à 9 lignes ou trottoirs. Des feuilles avec un mini encadré et de nombreux trottoirs. Des pages avec seulement des trottoirs.

Pour conclure, sous mes lunettes roses et mon cœur gonflé d’amour pour les classes multi, les défis peuvent être grands et causer de la haute pression ponctuelle. Mais, c’est aussi un univers familial où la culture de l’entraide peut être valorisé. Il est possible d’éviter la planification cloisonnée abusive avec les ateliers d’écriture et de lecture.

Et si on créait nos propres modules?

Un article de Martine Arpin

L’avantage des modules d’ateliers d’écriture ou de lecture publiés, c’est que des experts qui connaissent la didactique et l’écriture ont créé des séquences d’enseignement intentionnelles et réfléchies pour aider les élèves à devenir plus compétents et avides d’écrire, de partager leurs vies, de communiquer par l’écrit. Combinés à un programme de littératie complet, incluant du travail quotidien sur la langue et les mots, ils sont un outil clé en main parfait, nous permettant de suivre le rythme d’apprentissage de chacun, peu importe notre programme d’étude. On y travaille différents genres littéraires. L’écriture narrative, informative, les textes d’opinion, la poésie n’ont plus de secrets grâce à ces outils.

Cette année, en deuxième année, j’ai déjà travaillé en septembre le texte narratif à partir d’un nouveau module qui s’inspire des Petits moments. Comme j’aime travailler l’écriture narrative plus d’une fois dans l’année, parce que c’est un genre important mais aussi parce que les aptitudes des élèves changent beaucoup en cours d’année, j’ai décidé de créer un module hybride à travailler en février. J’ai utilisé les modules Écrire des séries d’histoires réalistes et S’inspirer des grands auteurs pour écrire pour proposer un module d’écriture narrative sur mesure pour mes élèves. On s’inspire des grands auteurs pour écrire des séries à partir de nos personnages préférés. Les élèves doivent créer un personnage (humain ou animal, mais à personnification humaine), de leur âge, à qui il arrive des problèmes/aventures/émotions fortes réalistes dans une série de deux (certains écrivent déjà des textes très élaborés!) livres ou plus.

Le même exercice pourrait être fait si vous voulez travailler un genre littéraire particulier et qu’il n’y a pas de module déjà créé pour celui-ci. Par exemple, on pourrait travailler le style journalistique pour créer un journal de classe, ou même créer un module « évaluation du ministère » ou « examen de fin d’année » pour enfin arrêter de se mettre la pression d’enseigner pendant un cycle de deux ans en fonction du fameux test et plutôt utiliser abondamment les ateliers d’écriture pour donner les outils aux élèves pour développer leur compétence à l’écrit et leur motivation à écrire,  mais aussi leur montrer « la recette » pour réussir un examen d’écriture formel sans en faire des cauchemars.

Comment faire un module d’écriture…

Il faut d’abord se demander si notre idée vaut la peine d’investir du temps de conception et d’y consacrer cinq à six semaines d’enseignement et de travail en classe. Parfois, il suffit d’inclure une ou deux leçons dans un module que nous utilisons déjà. Par exemple, le texte descriptif est prescrit au programme. Autant les textes narratifs, informatifs qu’argumentatifs comprennent des descriptions et sont enrichis par elles. La description est un procédé utile et important dans chacun des grands genres. Alors plutôt qu’en faire un module, pourquoi ne pas intégrer plus de leçons, si on pense qu’elles ne sont pas suffisantes pour nos élèves, dans chacun des modules de l’année?  

On doit aussi se demander si les habiletés que les élèves développeront dans le module créé sont importantes pour eux, pour leur apprentissage de l’écriture. Est-ce que le module créé s’harmonise avec ce qui a été enseigné avant et ce qui sera enseigné après en écriture, dans ce même genre littéraire et dans les autres genres? Le travail effectué sera-t-il transférable à d’autres textes, à d’autres genres littéraires, dans d’autres matières?

  1. Étudier

Quand on est convaincu.e que notre idée vaut la peine de s’y pencher, il faut alors commencer à étudier le genre de texte que nous voulons enseigner. Je veux travailler l’article journalistique avec mes élèves et créer un journal scolaire? Alors je vais étudier des articles de journalistes que j’admire et que j’aime lire. Rassembler des textes, en dégager les caractéristiques, se demander ce qu’ils font, comment et pourquoi. Trouver des constantes.

On peut commencer par regarder ce qui nous plait dans le texte que nous étudions, puis essayer de nommer les procédés. On essaie de trouver d’autres exemples, de dégager une façon de faire et de comprendre l’effet.  Nous pouvons ensuite choisir deux ou trois de ces textes qui serviront de textes modèles tout au long du module selon ce que nous voulons enseigner.

2. Penser au processus d’écriture

Ensuite, nous devons réfléchir à chaque étape du processus d’écriture, selon le moment de l’année et le niveau des élèves.

De quelles leçons les élèves ont-ils besoin pour apprendre à trouver des idées?

Pour planifier?

Pour écrire et réviser (les procédés)?

Pour corriger?

Combien de textes seront produits, environ, par les élèves? Combien de fois passeront-ils à travers du processus?

3. Écrire une liste de points d’enseignement

Puis, nous devons dresser une liste des points d’enseignement possibles qui deviendront soit des mini-leçons, des enseignements de mi-atelier ou des sujets de mise en commun. Certains seront aussi assurément abandonnés en cours de route. Nous devons construire une séquence logique qui respecte le processus d’écriture et qui inclue de la répétition.  Peut-être que certaines leçons des modules existants peuvent simplement être reprises ici? Pourquoi tout inventer… S’inspirer des modules que nous connaissons bien nous aidera à élaborer notre propre module.

4. Écrire

Et pour moi, l’étape la plus importante dans l’élaboration d’une séquence d’enseignement de l’écriture, même si elle n’est pas naturelle pour la plupart (comme pour nos élèves…), LA chose que nous devrions faire même lorsqu’on aborde un module déjà créé, mais encore plus nécessaire quand on veut en élaborer un, c’est d’écrire soi-même quelques textes du genre, pour comprendre le processus et le genre. S’observer en tant qu’auteur permet aussi de valider une certaine séquence et de prévoir les défis.  En plus de nous permettre de vraiment comprendre ce par quoi passeront nos élèves, ces textes deviendront des outils et des exemples pour notre module. Nous pourrons en effet utiliser ces textes, ou une partie, comme textes modèles avec nos élèves.

5. Paufiner

Il faudra penser aussi à une foule de petits détails essentiels pour un déroulement efficace de l’atelier :  les tableaux d’ancrage, une idée de texte de classe à écrire avec les élèves (très utile lors de l’engagement actif), réfléchir aux entretiens qui pourraient soutenir les élèves, aux outils comme les listes de vérification…

6 (ou 1!). S’entourer

Finalement (ou peut-être même d’abord),  il faut chercher des complices! Est-ce que des collègues ont envie de s’y pencher avec moi? À deux, trois ou quatre, les idées se multiplient et les réflexions s’enrichissent.

Les modules d’ateliers d’écriture ont été pour moi, comme pour plusieurs enseignant.e.s que je côtoie, l’image concrète de ce que l’enseignement de l’écriture pouvait être, la démonstration d’un enseignement d’une qualité sans pareille. La source de contenus qu’il m’était impossible d’enseigner « avant », parce que je ne les connaissais tout simplement pas. Qu’ils deviennent aujourd’hui une source d’inspiration pour créer des séquences d’enseignement me réjouis. Quand Benjamin, vendredi dernier, m’a lancé: « Quoi, il n’y a pas d’atelier d’écriture aujourd’hui? C’est parce que Max (son personnage) est tombé du mur d’escalade hier, je pensais l’aider aujourd’hui à régler son problème! », que Zoé a dit à Florence qu’elle aimerait que Charlotte (son personnage) soit dans notre classe, et que lors de la leçon de grammaire sur les adjectifs, Kyle a voulu ajouter deux caractéristiques à son personnage pour préciser sa personnalité, j’ai compris que les élèves étaient aussi emballés que moi par ce module qui, après tout, a été pensé et créé pour eux, pour répondre à leurs besoins. Et ça, ça fait ma journée!

Exemples de classe :

Réflexion sur le personnage de ma série : Je le connais comme s’il était mon meilleur ami!

Et

Planifier une série d’aventures pour mon personnage préféré

Comment aider les élèves à intégrer la correction plus naturellement au processus d’écriture (partie 1)

Un article de Martine Arpin (inspirée des idées de Kelly Laliberty, Teachers College Reading and Writing Project)

Tous les auteurs ont un processus d’écriture. Bien qu’il ne soit pas linéaire et qu’il puisse être unique à chacun, il est important que nos élèves en aient une image et l’intègrent le plus rapidement possible puisqu’il permet l’autonomie, réduit le stress et augmente la qualité du travail et le niveau de réflexion de l’auteur.

Lire la suite

Réflexions sur l’apprentissage de la langue

La grammaire pour favoriser l’estime de soi et le développement socio-affectif

Lorsque j’ai commencé cet article, je réfléchissais aux dommages que peuvent causer certaines pratiques traditionnelles répétées de l’enseignement du français sur le sentiment de compétence personnelle des élèves et leur rapport à l’apprentissage de la langue. Ce sont deux conditions qui doivent être essentiellement positives pour favoriser la disposition à l’apprentissage, la rétention et le transfert en contexte menant à la maitrise.

Lire la suite

Réinventer le livre informatif au 2e et au 3e cycle du primaire

Avec la collaboration spéciale d’Ariane Brunet

J’ai eu la chance d’aller à l’institut d’été De mots et de craie. Pendant 3 jours, j’ai eu la chance de vivre une expérience humaine des plus enrichissantes. Pendant 3 jours, Cheney Munson, formateur au Teachers College, nous a transmis une parcelle de ses nombreuses connaissances et compétences à enseigner l’écriture aux élèves du 2e et du 3e cycle du primaire. Je l’avoue, il est ma nouvelle idole 😉. Le prochain article est consacré à tenter de partager mes plus grands constats, ce qui s’est le plus imprégné dans mon cœur de prof. 

: Réinventer le livre informatif au 2e et au 3e cycle du primaire Lire la suite

Célébrer, un petit plus qui fait toute la différence…

C’est l’Halloween demain. Mes enfants sont grands, c’est avec leurs copains qu’ils célèbrent et se costument. On n’ouvre plus la porte depuis quelque temps déjà. Cette année, une autre étape: même pas de décoration à l’extérieur. Pourtant, au début du mois d’octobre, mes enfants m’ont demandé où était le bac d’Halloween. Avec le chat qui fait un bruit de sorcière qui nous fait faire le saut chaque fois qu’on monte l’escalier. Et les autres décorations qui leur ramènent des « Ah oui! Oh, c’est vrai! » chaque fois qu’ils sortent un nouvel objet. Ils m’ont aussi demandé si je ferais les biscuits à la citrouille (« Sinon, dis-le, on va les faire, nous autres… »), et le squelette en crudités. Demain, les lumières seront éteintes à l’extérieur, mais dans la maison, nous recréerons un rituel qui nous sert en fait de prétexte à être ensemble, à se rappeler de bons moments, à avoir du plaisir en famille et entre amis. Prendre le temps de célébrer, c’est créer et participer à un événement qui cimente nos identités familiales et sociales.

Lire la suite

Après six semaines, il est temps de s’y pencher sérieusement!

Un texte d’Isabelle Robert

Septembre, on ne le voit jamais passer. Faire connaissance, installer les routines et bâtir les fondations sur lesquelles se déposeront nos habitudes, nos façons de faire, notre travail acharné, nos expériences, nos moments de joie, nos doutes et tout ce qu’on sera en tant que communauté font que les journées s’enchainent et défilent à toute vitesse.

Octobre, on se dépose un peu. Toutefois, dans ma classe de première année, c’est le moment de se pencher sérieusement sur un élément clé du travail d’écriture : la capacité de se relire pour réviser.

Lire la suite

La poésie, reflet du coeur

Un article de Martine Arpin

Quand j’écris de la poésie( extrait, Mireille Levert)

La poésie

c’est avoir des yeux

dans le trou des yeux

dans la paume des mains

au bout des doigts

sur le ventre

Mais surtout

dans le coeur (…)

La poésie

c’est voir ce qui est invisible

J’aime entendre et voir des experts parler du sujet qui les animent.

Que ce soit Kim Thuy qui parle d’écriture, Romain Druris jouant le rôle d’un Gustave Eiffel qui s’enflamme devant les ouvriers et qui a réponse à tous ceux qui s’opposent à son idée, mon fils qui parle de sa dernière pratique de hockey ou mon élève de première année qui me parle de son chien, ils ont tous en commun que leur gestuelle parle autant que leurs mots, et leurs yeux ont la même lueur… C’est magnétique et inspirant.

Entendre Georgia Heard parler de l’importance de la poésie dans la vie de nos jeunes élèves m’a créé cet effet. En ce début de dernier droit de l’année scolaire, alors que j’aime bien aborder ce genre littéraire avec les élèves, je partage aujourd’hui avec vous mes réflexions après avoir assisté à une conférence de Georgia Heard offerte par le Teacher’s College en mars dernier.

Pourquoi la poésie?

Nous avons tous une vie intérieure, et sans cette vie intérieure, nous serions une coquille vide. C’est ce qui nous rend humain, unique. La poésie est le reflet de cette vie intérieure. En éducation, nous devons porter attention au cœur des enfants autant qu’à leur esprit. Cela permet de reconnaitre et de respecter l’être humain qu’ils sont. Les enfants doivent savoir que nous vivons toutes sortes d’émotions à l’intérieur, que c’est normal, et qu’on peut écrire à ce sujet.

Pour certains enfants, la poésie sera la porte d’entrée dans l’écriture et dans la littératie. Comme la poésie est un genre littéraire habituellement plus court, certains verront à travers le travail de poète qu’ils peuvent exprimer des idées complexes et démontrer leurs aptitudes. Parfois, c’est le genre qui leur permet de briller enfin. Je n’oublierai jamais l’étincelle dans les yeux de K., une enfant de 8 ans avec de grandes difficultés d’apprentissage, mais surtout d’estime de soi, le jour où elle a écrit son premier poème, en s’inspirant d’une émotion forte qu’elle avait vécue et s’est exclamée: « C’est moi qui a écrit tout ça? Je ne savais pas que j’étais capable! » Quand un enfant réalise qu’il peut écrire, alors il apporte avec lui son identité d’auteur compétent dans les autres genres et les autres aspects de son écriture. En poésie, notamment, on utilise des procédés littéraires empruntés à tous les autres genres (certains diront que ce sont plutôt les autres genres qui empruntent à la poésie…), ce qui en fait un terreau fertile pour le transfert des apprentissages.

[Sans titre]

Je suis couchée
sur le lit
j’attends le docteur. J’ai peur.

Peur de mourir.
Mais ce que je sais,
C’est que je veux
Faire confiance au docteur
Alors

Je prends la main de ma mère
Je serre fort.
Je peux faire confiance au docteur. Inspire. Expire. Cœur.
J’ai confiance au docteur.

K., 8 ans.

Aussi, la poésie donne de l’espace et du temps à chacun pour réfléchir, ressentir, se connecter avec soi-même. Nous connaissons les bienfaits de la pleine conscience.  La pleine conscience, ce n’est pas d’être toujours heureux. C’est d’être en vie, présent, empathique envers soi-même et envers les autres. C’est ralentir, prêter attention à ses émotions, aux petits moments. Voir la beauté dans l’ordinaire. La poésie fait exactement la même chose.

Trucs pour les enseignants

Un poème, c’est exprimer sa propre voix. C’est dire la vérité sur ses expériences et ses émotions, sur sa vie. Nous sommes tous des poètes!

Lorsqu’on construit une maison, les poutres, les fondations et le revêtement extérieurs sont essentiels, mais ce n’est pas ça qui en fait un endroit où il fait bon vivre. Il y a une différence entre une maison et un « chez-soi ». C’est la même chose en poésie. Il y a des règles, des formes, des procédés que l’on peut enseigner, mais ils ne font pas le poème. Ils sont au service de ce que l’auteur veut exprimer, au service du cœur.

Une recette pour écrire de la poésie :

Écrire chaque jour

Regarder et observer

Penser aux émotions que l’on vit

Penser aux questions que l’on se pose

Écrire

Laisser reposer

Revenir

Il faut penser à ce qui se passe à l’intérieur de soi, à ce qui fait battre notre cœur plus fort:

Quelqu’un qui aime, quelqu’un qui meurt, regarder les étoiles, observer ses enfants…

On peut faire du modelage à partir d’un poème que l’on veut écrire.

Explorer.

Écrire beaucoup de poèmes que nous avons envie d’écrire

Parfois, il faut aussi s’enlever du chemin et laisser l’imagination des enfants se déployer librement… (oh que j’aime cette image…)

Où trouver de la poésie?

Demandez à un, dix ou mille poètes, ils vous répondront sensiblement la même chose. J’avais d’ailleurs fait l’exercice au moment d’adapter le module Écrire de grandes pensées en poésie (Collection Les ateliers d’écriture, Chenelière) :  Elle est partout. En nous, et autour de nous.

Poésies pour la vie (extrait, Gilles Tibo)

La poésie habite dans les livres mais aussi dans les étoiles,
sur la lune,
dans les arbres.

La poésie
ressemble à la vie,
celle des jours
comme celle des nuits
La poésie c’est :
lancer un ballon sur le soleil,
attraper un poisson sous l’arc-en-ciel,
faire un tour de vélo
dans les bras de l’été,
attraper une coccinelle
et la laisser danser,
boire tout l’océan
dans un petit verre d’eau,
et détacher le ciel pour qu’il s’envole très haut […]

On peut trouver de la poésie dans notre cœur, notre regard sur le monde, nos observations, nos préoccupations à propos du monde qui nous entoure, nos émerveillements, notre curiosité, notre mémoire et nos souvenirs. On peut aussi inviter les élèves à écrire avec la perspective (la voix) de quelque chose. Parfois, ce masque peut aider à provoquer une étincelle pour l’imaginaire.

Comment amener la poésie dans le quotidien de la classe

(et pas seulement dans un module précis)

-Étudier un poème une fois par semaine et en discuter (15 à 30 minutes)

-Utiliser un poème comme lecture partagée ou lecture à voix haute, ou comme modèle lors de l’atelier de lecture.

-En lecture partagée ou interactive, aller plus loin, plus en profondeur : voir si au fil des jours on ressent la même chose à travers ce poème, remarquer les images/métaphores, remarquer la ponctuation… Souvent, cela permet d’aimer le poème encore plus!

-Lire un court poème chaque jour

-Lire différentes sortes de poèmes, sur différents sujets

-Demander aux élèves de collectionner ceux qu’ils aiment, ceux qui leur parlent particulièrement

-Inclure la poésie dans nos rituels (par exemple, pour les transitions, au lieu d’une chanson)

-Commencer la journée avec un poème et en discuter

-Avoir un « bac de poèmes » sur les tables des élèves à différents moments dans l’année.

-Ajouter de courts poèmes aux sacs de lecture

-Relier les poèmes aux autres matières

-Relier les poèmes à l’actualité

La poésie et le vocabulaire

En poésie, on doit trouver les mots justes pour dire que ce que l’on veut exprimer de la bonne façon. C’est un contexte idéal pour travailler le vocabulaire. On doit trouver l’image, et surtout le son, pour que tout colle ensemble. La rime n’est pas la seule « colle », on peut même chercher à s’en éloigner au départ, pour que les enfants n’associent pas que cet aspect à la poésie.

Comme les poèmes sont des textes courts, il s’agit d’une bonne opportunité pour s’attarder aux sons, à la précision, à l’orthographe, au vocabulaire, aux façons de jouer avec les mots et avec la langue (assonance, allitération…). Par exemple, porter attention au son du serpent, sssssss, et l’intégrer dans un poème qui parle du serpent.

Le requin

Le requin
Attentttttion !
Le requin s’avancccccce.
Il glissssssse douccccccement vers sa proie. Il a faim.
Il sssss’approche. Il ouvre la gueule.
Chlak ! Clic ! Clac !
À l’attaque !
Il croque sa proie calmement.

Raphaël, 8 ans

Et aussi…

Pour être confortable pour enseigner la poésie, il faut souvent se placer en posture d’apprenant :  apprendre aux côtés de ses élèves. Vous devez trouver un poème que vous aimez, et vous demander pourquoi vous l’aimez et ce qu’il vous fait ressentir. On peut aussi faire cet exercice avec les élèves :  présenter quatre poèmes sur des sujets différents, et écrits différement. Chacun chosit son poème préféré, et ils se placent en petits groupes et en discutent :  que ressentent-ils? Que signifie-t-il pour eux? L’enseignant peut aussi se placer dans un groupe.

Il n’y a pas d’intérêt à faire de la poésie si on ne fait pas de lien avec le cœur. Pour parler des procédés littéraires, on peut se demander : « Comment ce poème nous a fait ressentir ___ (la peur, la peine, la joie, la beauté…) ». On relit, et on le découvre ensemble. On doit partir de l’intérieur.

On peut aussi enseigner à bien lire un poème :  les strophes (c’est le nombre de parties à ton poème, le nombre de « salles »), les brisures de lignes (petites pauses entre les strophes), les espaces blancs (les poètes jouent avec les silences, il faut les honorer en lisant), mais aussi, pour bien lire un poème, il faut le connaitre, le comprendre et le ressentir. Il faut saisir sa « personnalité », c’est ce qui dictera la façon de le lire. C’est une jeu d’interprétation.

Publication

En poésie, (presque) tout est permis. Lors de la publication, on veut s’amuser!  Jouer avec les polices d’écriture, afficher des poèmes dans la ville, créer un café littéraire, ou un événement de lecture de poèmes…

La poésie doit être vivante, naturelle.

Elle doit venir de l’intérieur.

Elle peut faire partie de la classe.

Écrire sur les émotions permet de se comprendre soi-même, de comprendre les autres et de tisser des liens. C’est une façon de se connaitre, de créer la communauté (oui, cette expression est en surexposition dernièrement, mais il n’y a pas d’apprentissage sans lien, sans cette communauté, alors utilisons bien les outils que nous avons déjà pour la rendre plus forte…). Elle peut être une base solide pour connecter de nombreux apprentissages qui seront transférables dans toutes les sphères d’un environnement d’apprentissage riche, équilibré et surtout efficace en littératie. Il n’y a pas de meilleure raison pour l’intégrer à la routine de la classe bien avant le module du mois d’avril, mai ou juin…

Et vous, qu’est-ce qui fait battre votre cœur plus vite et plus fort?

Références et suggestions

Écrire de grandes pensées en poésie, Collection Les ateliers d’écriture, Chenelière Éducation

Quand j’écris avec mon coeur, Mireille Levert, Éditions de La Bagnole

Poésies pour la vie, Gilles Tibo et Manon Gauthier, Éditions de l’Isatis

autres suggestions littéraires en poésie (mai 2021) :https://www.demotsetdecraie.ca/wp-content/uploads/2021/04/Amanda-Suggestions-de-po%C3%A9sie.pdf

Une nouvelle série documentaire sur la poésie, animée par David Goudreault, Du monde des mots, première le 6 mai, sur ICI ARTv. (https://ici.artv.ca/emissions/du-monde-des-mots/

La danse, Savannah, 8 ans.

Il y a de la musique qui joue dans l’air La danse
Les bras bougent avec le cœur

La danse
Les pieds bougent les cheveux volent dans les airs
La danse
La danse

La chicane, J. 8 ans

Tu es comme un volcan qui est en éruption

Un volcan et la lave coule. C’est tes larmes.
Tu es comme
du tonnerre

qui grogne dans les airs avec ses amis éclairs de pluie explosion explosion explosion

L’univers, Laurie D., 8 ans

  • –  Maman, pourquoi l’univers a des planètes ?
  • –  Ma chérie, c’et pour y habiter.
  • –  Maman, pourquoi dans l’univers il y a des trous noirs ?
  • –  Ma chérie, c’est pour nous aspirer.
  • –  Maman, pourquoi dans l’univers il y a un soleil ?
  • –  Ma chérie, c’est pour qu’il fasse plus chaud.
  • –  Maman, pourquoi il y a des milliers d’étoiles ?
  • –  Ma chérie, c’est pour que la nuit soit plus belle.
  • –  Maman, pourquoi l’univers est tout noir ?
  • –  Ma chérie, c’est pour la nuit.
  • –  Maman, pourquoi l’univers est infini ?
  • –  Ma chérie, c’est pour que les parents aiment leurs enfants

à l’infini…

Écrire, c’est du gâteau!

Un article de Martine Arpin

Les groupes d’élèves sont toujours différents. Malgré des pratiques que l’on sait exemplaires, malgré une séquence d’enseignement qui a fait ses preuves et avec laquelle j’ai de plus en plus d’expérience, des défis se présentent chaque année, et chaque année, ils sont différents.

Cette année, je sens que l’engagement est particulièrement difficile pour mes élèves. Le temps de disponibilité lors des mini-leçon est au minimum. Peu d’élèves semblent mettre en pratique le contenu des leçons. Je l’explique de différentes façons (parce que le premier pas vers une solution efficace est de trouver la cause du problème…): l’âge des élèves (plus du tiers des élèves sont nés en juillet, août et septembre, et personne en octobre, ni en novembre… à 6 ans, ça fait une grande différence!), les différents besoins particuliers, dont plusieurs en lien avec l’aspect réceptif de la communication, les fragilités affectives, les effets de la gestion de la pandémie…

Lire la suite

L’autoévaluation des élèves et les ateliers d’écriture

Un article d’Amélie Beaudoin

J’ai eu la chance de vivre plusieurs journées de formation avec mon équipe des ressources éducatives en compagnie de François Massé, dont la présentation n’est plus à faire en ce qui a trait à la mise en place des communautés d’apprentissage professionnelles et l’harmonisation des pratiques efficaces au sein des écoles.  En tant que conseillère pédagogique, ces journées furent extrêmement riches en apprentissages, notamment en ce qui concerne l’évaluation et tout particulièrement, l’autoévaluation des élèves.  Si votre milieu ressemble au mien, l’évaluation est un sujet bien présent dans les discussions entre collègues; un sujet d’actualité et avouons-le, un sujet parfois sensible.  Par contre, nous parlons peu d’autoévaluation.  Est-ce si important?  Peut-elle réellement faire une différence dans la progression de l’élève?  En quoi les ateliers d’écriture favorisent-ils l’autoévaluation des élèves?  J’aimerais vous partager mes réflexions du moment à ce sujet.

Lire la suite

Aider les élèves à faire mieux

Un texte d’Isabelle Robert

Ça y est! L’année scolaire est bien commencée maintenant. Il est étonnant de constater à quelle rapidité les élèves font de nouveaux apprentissages. Chaque jour, mes élèves de première année apprennent quelque chose de nouveau. En lecture… en écriture… en mathématiques… et dans toutes les autres matières, sans oublier les relations sociales avec leurs pairs.  Ça fait de nombreux apprentissages pour une seule journée. Beaucoup d’apprentissages à chaque semaine. Il est normal de répéter, car les enfants oublient des choses parmi toutes celles qu’ils apprennent.

Lire la suite

Telle une feuille qui tourbillonne dans le vent

Un texte d’Isabelle Robert

Voilà! Les sept premiers jours d’école viennent de défiler au milieu d’un grand tourbillon. Des jours précieux à faire connaissance, à installer des routines, à permettre aux élèves de s’approprier leur nouvel environnement et l’horaire d’une journée de première année, à instaurer de nouvelles façons de faire, à mener les premières activités d’apprentissage et surtout, à créer des liens entre nous. Des jours essoufflants, des jours pleins d’espoir, des jours inégaux, des nuits courtes à revoir mon plan de match.

Mais chaque jour, nous avons lu des histoires (d’ailleurs, Mathieu Lavoie est la vedette de l’heure de la classe!!!), parlé des auteurs que l’on connait, parlé de nos livres préférés, des endroits où nous aimons lire, des sujets de documentaires qui nous intéressent. Nous avons parlé de la chance que nous avons de pouvoir choisir des livres qu’on a le gout de lire. Et j’ai enchainé, jour après jour, les premières leçons de lecture ainsi que des moments de lecture seuls et en tandem.

Lire la suite

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑