Un article de Martine Arpin (inspirée des idées de Kelly Laliberty, Teachers College Reading and Writing Project)
Tous les auteurs ont un processus d’écriture. Bien qu’il ne soit pas linéaire et qu’il puisse être unique à chacun, il est important que nos élèves en aient une image et l’intègrent le plus rapidement possible puisqu’il permet l’autonomie, réduit le stress et augmente la qualité du travail et le niveau de réflexion de l’auteur.
Le processus d’écriture, plus dirigé alors que les élèves sont plus jeunes afin de leur permettre d’intégrer chacune des parties, et devenant de plus en plus personnel alors que les scripteurs sont plus fluides, comprend la recherche d’idées, la planification, l’écriture, la révision, la correction et la publication. Ces étapes sont plus ou moins ordonnées ou linéaires selon le cas, il n’y a pas un seul chemin et il est possible de revenir à certaines parties du processus en cours de route. Le processus d’écriture est flexible. En effet, une fois que les élèves ont acquis un répertoire de stratégies pour chaque partie du processus d’écriture, ils doivent apprendre comment passer de l’une à l’autre, puis y revenir avec flexibilité en écrivant un texte. Par exemple, ils peuvent devoir réviser quelques fois pour communiquer leurs idées de façon plus efficace ou appropriée. Ils peuvent aussi corriger un mot alors qu’ils viennent de l’écrire, sans attendre à la fin.



Peu importe l’âge de nos élèves, plusieurs enseignant.e.s constatent que les étapes de révision et de correction sont probablement celles que les élèves esquivent le plus dans le processus d’écriture. Pourtant, ce sont celles qui permettent de mieux communiquer notre intention et notre message avec le lecteur!
Nous devons d’abord nous assurer que les élèves connaissent la différence entre la révision (structure du texte et développement en lien avec l’intention) et la correction (conventions de la langue et de l’écrit).
Nous devons ensuite reconnaitre que la correction est la partie la moins populaire auprès des élèves. C’est une étape longue et ardue pour plusieurs. Il faut donc clarifier l’utilité et la nécessité de la correction. Dans ma classe, quel message est véhiculé? Les élèves savent-ils la date de la publication finale/célébration? Savent-ils que des lecteurs liront leur texte? Ont-ils compris qu’on n’écrit pas « pour le prof, parce que le prof a dit de le faire ou pour les notes? ». Qu’on écrit pour partager sa vie, ses connaissances, ses histoires, prendre part au monde qui nous entoure? Et que si on veut être lu et entendu, il faut que notre texte soit lisible et compréhensible?
Il faut aussi ajuster ses attentes. Dans l’atelier d’écriture, on vise le volume pour développer les compétences à écrire, à utiliser les stratégies dans tout le processus, pas seulement la correction. Si on oblige les élèves à corriger tout, tout le temps, on risque de produire l’effet contraire : certains élèves comprendront rapidement qu’ils n’ont qu’à écrire moins pour éviter de corriger. En ajustant nos attentes, par exemple en ciblant un nombre de mots, ou, encore mieux, certains aspects précis à corriger à certains moments durant le module, ou dans un texte, ou selon l’enseignement sur la langue en dehors des ateliers, nous nous assurons à la fois d’un meilleur engagement et d’un développement plus optimal et durable de l’habilité à corriger, donc de son intégration plus naturelle et graduelle au processus d’écriture de façon autonome. Dans le référentiel en écriture du ministère de l’Éducation, la directive est d’ailleurs précise : « L’enseignant ou l’enseignante ne doit pas s’attendre à ce que ces derniers corrigent tout ce qui doit l’être dans un texte. Il ou elle doit plutôt avoir pour objectif que les élèves s’approchent, dans la mesure de ce qu’ils connaissent individuellement, des connaissances orthographiques énoncées dans la Progression des apprentissages. L’enseignant ou l’enseignante doit donc proposer des objectifs accessibles et raisonnables et opter pour quelques corrections déterminées. »
Finalement, nous devons aussi s’assurer de créer des habitudes et de fournir des occasions multiples de s’exercer, et c’est un aspect concret sur lequel l’enseignante a un levier d’action. L’une des façons d’aider les élèves à mieux intégrer la correction au processus est de créer des habitudes de correction dans la classe.
Voici quelques différentes façons de le faire:
Nous pouvons cibler un aspect précis de la correction pour une semaine ou une journée précise et l’indiquer dans le tableau d’ancrage du processus d’écriture. Par exemple, nous pourrions dire : « Cette semaine, lorsque vous êtes rendus à l’étape de correction, vous pourriez vérifier s’il n’y a pas de lettres majuscules au milieu des mots. » ou « Cette semaine, nous avons travailler les accords dans le groupe du nom, n’oubliez pas de vérifier cela lorsque vous corrigez votre texte! ». Isoler un aspect permet un meilleur focus (Brissaud et Cogis, 2001).

Nous devons être spécifiques. Utiliser une lentille à la fois aide à centrer son attention sur cet aspect et à mieux l’intégrer. Par exemple, nous pourrions dire aux élèves, durant différentes parties de l’atelier d’écriture, comme la pause de mi-atelier et le moment de mise en commun :
On relit et on vérifie les espaces entre nos mots.
On relit et on pense à l’accord des verbes.
(ou n’importe lequel aspect des conventions que nous voulons travailler)
Nous pourrions aussi prévoir un « sac de correction ». Dans ce sac, nous avons placé différents éléments à corriger. Lorsqu’il est à l’étape de correction, l’élève prend un sac et pige un élément à vérifier à la fois. Lorsqu’il a pigé et vérifié tous les éléments, sa correction est terminée. Ces sacs pourraient même être personnalisés pour chaque élève selon ses besoins.
Pour choisir les éléments à corriger, il faut penser aux attentes de notre niveau scolaire selon notre programme d’étude, à ce que nous avons enseigné, et à la progression du développement de l’écrit. Nous pouvons aussi étudier les textes de nos élèves pour relever les constantes à enseigner et à réviser, et cibler ces éléments pour l’étape de correction. Cela pourra aussi nous aider à décider de la modalité d’enseignement : en groupe, en petit groupe ou individuellement.






Fournir l’outil approprié ou un objet motivant aux élèves peut aider pour l’engagement, la motivation et la compréhension du travail à faire. (batôn pour espaces entre les mots, enveloppe ou sac de correction, crayon de couleur différente, mini-post-it de ponctuation…
Aussi, nous devons penser à intégrer l’étape de correction à d’autres moments dans la journée. Dans les modules d’enseignement de l’atelier d’écriture, il y a quelques ateliers où nous nous arrêtons avec les élèves pour cibler la correction, mais trop peu. Nous devons inviter les élèves à le faire plus souvent, et ce, durant l’atelier d’écriture (par exemple durant l’enseignement de mi-atelier ou la mise en commun), mais aussi en dehors de l’atelier d’écriture.
Durant l’écriture indépendante ou à d’autres moments de la journée :
Nous pourrions proposer des Pauses de correction. Par exemple : « Haut les mains! On arrête tout! On vérifie nos espaces entre les mots! » ou bien « Haut les mains, On arrête tout! On prend notre sac de correction et on corrige pendant 5 minutes!) ».
Aussi, comme nous faisons des lectures partagées et de l’écriture partagée, nous pouvons aussi faire de la correction partagée! En groupe ou en petits groupes, nous pouvons jouer à « 0 erreur » à partir d’un texte commun. Par exemple, nous pourrions dire aux élèves : « Il y a 10 erreurs dans ce texte, il faut les corriger pour se rendre à 0! » Comme nous fournissons le texte aux élèves, nous pouvons contrôler le genre et le nombre des erreurs selon les besoins et le niveau de notre classe ou du groupe rencontré. Nous devons bien sûr encourager la réflexion et l’utilisation de la « technique » de correction souhaitée (mot à mot, phrase par phrase…).

Ce dont nous devons nous rappeler, c’est que la correction ne peut pas vouloir dire de rendre tout parfait.
C’est rendre son texte le meilleur possible selon son âge, son stade de développement de l’écrit et selon les connaissances apprises.
Il nous faut donc enseigner les règles de la langue et les contextualiser rapidement dans les textes des élèves. De plus, enseigner explicitement la correction et isoler parfois ce travail durant et à l’extérieur de l’atelier d’écriture permet aux élèves de mieux le « voir », de mieux le comprendre et de tranquillement l’intégrer à leur processus d’écriture d’une façon plus naturelle, tout au long du développement des compétences.
Suite de l’article à venir avec d’autres exemples et réflexions.