Une collaboration de David Lord, enseignant en classe multi

Quand je ferme les yeux et que je me revois en tant qu’élève au primaire, je vois 30 beaux petits pupitres en rangées avec 30 merveilleux enfants curieux qui travaillent dans un cahier et qui attendent que l’enseignante dessine des beaux gros B dans les marges. Loin de moi l’idée de dénigrer l’enseignement que j’ai reçu. Les enseignantes ne ressemblaient pas à de vieilles mégères grises. Mes souvenirs de mes années au primaire sont vivement colorés.

Toutefois, du moins dans mes souvenirs d’enfants, tout le groupe se suivait. Il n’y avait pas d’écart majeur entre les capacités et les besoins des élèves.

Depuis le début de ma jeune carrière, je constate que les groupes sont maintenant plus qu’hétérogènes. Pourtant, j’ose désormais lever une main timide pour dire à quel point j’aime les classes multiniveaux.

David, pourquoi aimez-vous enseigner les ateliers d’écriture et de lecture en classe multi?

  • La naïveté et la spontanéité des petits inspirent les plus grands à oser, sans censure. Très visible avec la poésie!
  • On cultive plus facilement la gloire de l’échec. C’est une évidence : nous n’aurons pas tous les mêmes forces.
  • Les petits peuvent apprendre les routines en imitant les plus grands qui connaissent déjà bien leur environnement et les comportements attendus.
  • L’endurance des plus grands encouragent les petits à lire plus longtemps, à écrire davantage, à développer leurs idées.
  • L’autonomie des plus grands nous permet d’accompagner davantage les petits en début de tâches. (Vivre les premiers ateliers et la gestion du coin écriture avec 20 élèves dont 8 en 1ère année est moins épuisant physiquement qu’avec 20 élèves de 1ère année.)
  • Les grands peuvent verbaliser les stratégies apprises antérieurement lorsqu’ils accompagnent les plus petits. L’enseignement par les pairs offrent un support supplémentaire aux petits. Les plus grands consolident leurs apprentissages en les enseignant à de jeunes lecteurs et auteurs.
  • Les auteurs plus expérimentés, par leurs expériences antérieures, moussent la culture des célébrations et la pertinence d’écrire.
  • La différenciation se fait plus aisément. Il est facile de moduler les sous-groupes selon les besoins en ayant une vision cycle ou même sur deux cycles. Pour certaines stratégies, il est possible de rassembler en sous-groupes des élèves de 1ère, 2e ou 3e et d’utiliser les mêmes outils d’intervention.

Différents dispositifs facilitent l’enseignement en classe multi et l’approche pédagogique des ateliers d’écriture et de lecture permet d’éviter le décloisonnement des différents niveaux et la surcharge de planification. Une classe, une famille, un groupe engagé qui développe des passions en diapason.

David, connaissez-vous quelques incontournables pour qu’une graine de bonheur prenne racines pendant les ateliers en classe multi?

Accepter que la zone proximale soit respectée à différents moments.

La zone proximale de développement sera respectée pour certains pendant la leçon explicite de début d’atelier, pendant la courte leçon de mi-atelier, pendant les rencontres individuelles ou de sous-groupes. Certaines interventions qui ne respecteront pas nécessairement la zone proximale demeurent de bonnes révisions ou peuvent niveler vers le haut les attentes que nous aurions pour certains petits curieux.

Revoir les dyades de partenaires pour des besoins ponctuels.

Les dyades de partenaires sont planifiées pour créer des petits groupes assez homogènes. Toutefois, il est possible à certains moments de jumeler de nouveaux auteurs ou deux dyades afin que des élèves puissent verbaliser à voix haute une stratégie enseignée ou pour modéliser une nouvelle fois une bonne habitude incontournable pour acquérir davantage d’autonomie.

Sélectionner une grande variété de livres modèles.

Avec une sélection de livres modèles plus diversifiée, il sera possible de mettre un livre différent en valeur chaque année. De plus, avec une bonne sélection faite à l’avance, les différents lecteurs et auteurs pourront réussir à se reconnaître ou à s’inspirer.

Créer des tableaux de micro progressions sur lesquels on peut déplacer la cible selon l’auteur ou le lecteur.

Il est possible de créer à l’avance, dans un scrapbook, des tableaux de micro progressions associés à une grande cible. Cette même cible peut être déclinée en plus d’un tableau qui comprend des micros objectifs. Donc, selon le niveau de l’enfant, il sera possible de visé un objectif réaliste et adéquat.

Utiliser des listes de vérification différentes selon les cycles pour un même module.

Pour un même module, il est possible d’avoir plus d’une liste de vérification. Ou une seule liste de vérification pour laquelle des enfants d’un certain niveau ne s’autoévalue pas pour tous les critères.

Miser sur le travail d’équipe, le partage des tâches avec différents intervenants.

Plus il y a d’écart, plus il y aura de sous-groupes à planifier et rencontrer. La réussite des élèves ne repose pas seulement sur les épaules du titulaire. L’orthopédagogue et les éducatrices spécialisées sont des alliées importantes.

Préparer des coins écriture avec des supports très variés.

Il est possible d’avoir plus d’un coin écriture. Les modèles de pages doivent être très variés. De grandes pages horizontales avec 2 lignes sous l’encadré pour le dessin. Des modèles verticaux qui contiennent de 7 à 9 lignes ou trottoirs. Des feuilles avec un mini encadré et de nombreux trottoirs. Des pages avec seulement des trottoirs.

Pour conclure, sous mes lunettes roses et mon cœur gonflé d’amour pour les classes multi, les défis peuvent être grands et causer de la haute pression ponctuelle. Mais, c’est aussi un univers familial où la culture de l’entraide peut être valorisé. Il est possible d’éviter la planification cloisonnée abusive avec les ateliers d’écriture et de lecture.