Un article de Martine Arpin

Inspiré de diverses formations du groupe Advancing Literacy, dont un atelier de Kelly Laliberté

La rétroaction en cours d’apprentissage est l’un des éléments qui a le plus d’effets sur les compétences en écriture, comme dans le développement de plusieurs compétences ou habiletés. Mais c’est aussi l’un des éléments les plus complexes à mettre en pratique efficacement dans une classe. 

Quand vous imaginez la période d’écriture autonome idéale, vous voyez des élèves au travail et quelques perturbations normales dans une salle de classe. Vous travaillez sérieusement avec un petit groupe d’élèves pendant une dizaine de minutes, puis circulez allègrement d’un élève à l’autre pour réaliser quelques entretiens puissants qui aideront vos élèves à franchir une étape importante dans leur travail d’auteur. Vous entendez presque le bruit des oiseaux chanter pour célébrer cette classe d’auteurs au travail qui reçoivent un enseignement exemplaire. 

Dans la réalité, les élèves sont bel et bien au travail. Quelques perturbations normales ont bel et bien lieu. Mais vous sentez une certaine pression (mise par nul autre que vous-même) lorsque vous tentez de circuler d’un élève à l’autre pour l’aider du mieux que vous pouvez. Des élèves lèvent la main ou vous tapotent le bras même si vous avez déjà enseigné à se débrouiller. Vous auriez besoin d’autant de bras qu’une pieuvre a de tentacules, et d’être aussi vite que Connor Mc David[1] sur vos patins. Vous auriez aussi besoin d’œillères pour ne pas tout voir ce qui se passe et rester bien centré.e sur le travail que vous voulez faire avec l’élève que vous rencontrez. 

Les entretiens en cours d’apprentissages efficaces demandent de la pratique. Comme nous demandons aux élèves d’écrire plus pour devenir meilleurs, plus nous ferons d’entretiens, plus nous serons habiles à les faire. Il n’y a pas d’autre secret.

Par contre, tout comme nous fournissons des outils appropriés aux élèves pour les soutenir dans leurs apprentissages, concevoir un coffre à outils pour nos entretiens et créer les outils qui en feront partie peut être vraiment utile pour augmenter la confiance, l’efficacité et la réactivité lorsque nous travaillons individuellement avec un élève, ou avec un petit groupe.

Les outils sont utiles pour :

  1. Maximiser le transfert des apprentissages (les élèves font dans leurs textes ce que j’enseigne)
  2. Servir d’aide-mémoire (une réponse à : « Je ne sais pas quoi faire! »)
  3. Favoriser l’élaboration (même pour les élèves qui font déjà tout!)
  4. Soutenir ceux pour qui ce que j’enseigne en groupe est souvent hors de leur zone proximale de développement (ne rampe de lancement pour eux).

Certains outils que nous utilisons en classe sont nécessaires au bon déroulement de la période d’écriture, et soutiennent le travail pour chacune des étapes du processus d’écriture. Nous pouvons prévoir que ces outils serviront souvent aux élèves. Ils sont un peu comme les outils de base du coffre à outils que j’ai offert à ma fille lors de son déménagement en appartement : le marteau, le tournevis à plusieurs embouts, le ruban à mesurer. Ce sont ceux qu’elle utilisera le plus souvent. Elle les a à portée de main. Elle sait comment ils fonctionnent, même si elle a parfois besoin de nous pour les utiliser, selon ce qu’elle a comme projet ou juste parce qu’elle s’ennuie de nous… En classe, les crayons, les bandes de révision, les différents gabarits de papier, le ruban adhésif etc sont ces outils de base qui devraient toujours être à portée de main des enfants. Ils doivent savoir rapidement où ils sont, comment les utiliser et pourquoi. Certains entretiens peuvent porter sur l’utilisation de ces outils bien utiles pour l’autonomie des élèves.

Il y a aussi des outils qui servent à encourager certains apprentissages, certaines habiletés ou actions plus spécifiques. Ils aident à soutenir l’autonomie pour un moment. Chaque élève n’a pas besoin du même outil, ils sont liés à un besoin spécifique. Et surtout, les enfants n’en ont pas besoin pour toujours. Un peu comme le petit banc qui permet aux petits de se rendre au comptoir ou à l’établi. Quand l’enfant grandit, il n’a plus besoin de cet outil (quoi que ma fille, qui mesure 1 mètre et demi, a encore besoin d’un petit escabeau pour atteindre l’armoire au-dessus du réfrigérateur… ). Dans l’atelier d’écriture, il pourrait s’agir de morceaux de tableaux d’ancrage, de micro-progressions, de tableau du processus d’écriture…

Des outils parmi les plus utiles à avoir sous la main proviennent de votre enseignement de niveau 1. Pas besoin d’inventer! Reprenez ce que les élèves connaissent déjà, que vous avez utilisé lors des mini-leçons.

-Les tableaux d’ancrage

Par exemple, je trouve intéressant d’avoir une copie complète du tableau d’ancrage créé avec les élèves durant les mini-leçons, une partie seulement selon le moment du module, ainsi qu’une copie découpée en partie pour pouvoir travailler des stratégies spécifiques ou la révision active avec les élèves. 

-Les listes de vérification

Je fais la même chose avec la liste de vérification.  Je m’assure d’en avoir une copie complète, une copie coupée en parties (début, milieu, fin ou structure, élaboration, conventions), et aussi une copie où chaque élément est découpé, un par un. 

-Les textes modèles (livre publié utilisé lors des leçons pour démontrer des stratégies enseignées et/ou qui peuvent être utilisés durant les entretiens ou l’enseignement en petit groupe pour faire une étude de stratégies à essayer)

-Les textes de démonstration (le texte personnel ou de classe que vous utilisez pour démontrer comment utiliser plusieurs stratégies enseignées. C’est un texte « squelette », c’est-à-dire qu’il y a de la place pour enseigner et ajouter certaines stratégies)

-Les textes exemplaires (un texte d’un ancien élève, ou un texte que vous avez écrit, ou qui provient du module en cours, qui démontre un texte d’un élève du niveau de vos élèves qui aurait fait tout ce qu’on peut faire pour écrire un texte « presque parfait ». C’est un texte que nous étudions avec les élèves pour en dégager les éléments à essayer)

Au fil du temps, vous pouvez aussi rassembler différents outils qui vous seront des plus utiles. 

Vous pouvez penser aux problèmes prévisibles qui surviennent chaque année dans chaque classe du monde entier :  un élève (ou un groupe d’élève) n’aura pas d’idée. Un élève (ou un groupe d’élèves) oubliera comment réviser. Un élève (ou un groupe d’élève) ne saura pas quoi faire quand il a terminé. Un élève (ou un groupe d’élève) aura de la difficulté avec la ponctuation…  Quand vous créez un outil pour aider un élève, gardez-en une copie pour enrichir votre coffre. Vous savez qu’il sera utile pour un autre enfant, dans un autre module, ou une autre année. 

Vous pouvez aussi penser aux petits groupes prévisibles que vous pouvez former pour travailler un aspect de l’écriture et garder les outils d’une année à l’autre.

Cette structure reproductible est particulièrement intéressante pour étayer le soutien menant vers l’autonomie :

Et l’organisation?

Chacun.e doit trouver l’organisation qui lui semble la plus pratique et la plus utile. Quatre considérations à garder en tête peuvent vous aider à choisir l’organisation qui vous convient :

Par genre littéraire

Par habileté

Par partie du processus d’écriture

Par préférence (qu’est-ce qui me convient le mieux, à moi?)

Un cartable avec différentes sections peut être utile. Ces sections pourraient inclure: structure, élaboration, conventions, processus, partenaires…

Pensez à vous laisser de l’espace pour réviser votre coffre outils et ajouter des éléments. 

Après avoir lu cet article, vous pourriez prendre un temps de réflexion, pour imaginer la suite. Avec des collègues, c’est encore mieux!

-De quoi aurait l’air votre coffre à outils?

-Quel pourrait être un but raisonnable d’ici la fin de l’année pour l’amorcer?

Année après année, le coffre à outils s’enrichit et se construit. Mieux vaut assurément avancer un pas à la fois que de prendre des heures à assembler un coffre à outils que l’on abandonnera en cours de route. Les outils que vous utilisez doivent être signifiants pour vous et pour vos élèves. Ils peuvent être un appui sur lequel vous pouvez compter quand le tourbillon de l’écriture s’empare de la classe. Ils peuvent vous aider à prendre des décisions et aider les élèves à comprendre et à mettre en pratique ce que vous leur enseignez. Ils seront vos tournevis, vos petits bancs, vos tentacules, vos patins bien aiguisés. 

Surtout, ils vous permettront de vous centrer sur l’élément le plus important de la rétroaction en cours d’apprentissage : l’enfant.


[1] Gagnant du concours de vitesse du match des étoiles 2023 et 2024 de la ligue nationale de hockey.