Un article de Patricia Forget
Cet été, j’ai fait des rencontres marquantes. Plusieurs auteurs de littérature jeunesse m’ont partagé leur processus d’écriture, de l’émergence d’une idée à la publication. C’est ainsi que j’ai su que, pour Robert Soulières, « le plus difficile n’est pas d’écrire, mais de commencer à écrire ». Gilles Tibo est du même avis : «Le plus difficile est de s’asseoir. La moitié du travail est fait lorsque je suis assis.» Est-ce aussi ce que chaque enseignant vit à l’approche du premier jour de l’atelier d’écriture? Le plus ardu n’est-il pas de prendre le risque de plonger?
Bientôt, vous souhaiterez que vos élèves prennent aussi le risque de se lancer en saisissant toutes les possibilités d’enseignement que vous leur aurez soumis. Vous voudrez qu’ils osent et vous féliciterez leur audace. Vous tiendrez à ce qu’ils écrivent avec confiance et autonomie, qu’ils persévèrent et ce, malgré les difficultés qu’ils rencontreront.
Vous savez déjà que SEPTEMBRE est synonyme d’adaptation et d’organisation. Vous apprenez à connaître vos élèves. Ils apprennent aussi à vous connaître. Petit à petit, une nouvelle communauté se crée… Il faut donner du temps au temps. Quel bel adage !
Avant de débuter l’atelier d’écriture, vous prendrez probablement quelques jours pour enseigner vos attentes à vos élèves. Vous aurez envie de leur partager votre enthousiasme : «J’ai si hâte ! Bientôt, nous écrirons des livres !!!» Dès les premières journées de classe, vous leur demanderez sans doute d’écrire pour voir ce que chacun peut faire en tant qu’auteur et, si vous avez des écrits de vos anciens élèves, vous voudrez leur présenter de façon à ce qu’ils puissent se dire: «WOW ! Moi aussi, je peux écrire comme ça !»
Mais, une question persiste: «Suis-je prêt pour ce premier jour de l’atelier d’écriture?»
Pour vous aider à répondre à cette question et pour guider votre enseignement des premières semaines, Lucy Calkins et ses collègues du Teacher College Reading and Writing Project suggèrent d’imaginer la séquence chronologique de l’atelier d’écriture et de se questionner pour chacun des moments-clés. Essayons !
C’est le premier jour de votre atelier d’écriture. Vous avez lu et relu la leçon du jour. Vos élèves reviennent de la récréation. L’atelier d’écriture débutera sous peu… C’est le temps de les rassembler tout près de vous.
-Comment direz-vous à vos élèves que c’est le temps de se réunir ? Quel geste, quel mot, quelle phrase vous permettra d’amorcer ce grand moment d’écriture ? *
Peut-être aurez-vous déjà réuni vos élèves en leur disant: « Bientôt, lorsque vous reviendrez de la récréation, nous allons nous réunir une dizaine de minutes pour vivre un grand moment d’écriture. Tous les jours. Toute l’année! Nous apprendrons ensemble ce que font les grands auteurs que nous admirons.»
-Est-ce qu’ils auront des places assignées dès le premier jour ? Si oui, comment allez-vous leur faire savoir où ils doivent s’asseoir ?
Certains enseignants préfèrent attendre quelques jours avant de créer des équipes de partenaires. Cela leur permet d’observer et d’être à leur écoute de leurs élèves pour former des duos complémentaires.
-Devront-ils apporter leur crayon et leur chemise d’écriture avec eux ? Si oui, où déposeront-ils leur matériel pendant le temps d’enseignement? Sous leurs fesses, devant eux ? *
Continuez à visualiser cette première journée… Vos élèves sont assis devant vous. Ils sont prêts. Vous pouvez débuter votre enseignement.
-Comment allez-vous faire savoir à vos élèves que vous avez besoin de toute leur attention ? Comment réagirez-vous si certains élèves veulent intervenir ou ne sont pas attentifs pendant votre enseignement ?
Vous pourriez expliquer à vos élèves que ce sera souvent vous qui aurez la parole durant les dix premières minutes de l’atelier d’écriture. Dix petites minutes importantes où vous leur enseignerez une stratégie d’écriture qu’ils ont VRAIMENT besoin d’apprendre pour devenir de meilleurs écrivains.
-De quelle façon amorcerez-vous les temps d’échanges ? *
Pourquoi ne pas impliquer les élèves dans le choix de ce signal particulier ? Il ne vous restera qu’à vous pratiquer à le respecter rapidement !
-Est-ce que vos élèves sauront comment échanger deux à deux ?
Vous pouvez inviter un collègue ou demander à un élève de la classe de jouer le rôle du partenaire le temps de rendre visible ce qu’est un bon échange.
Votre enseignement est terminé. Vous invitez les élèves à aller écrire…
-Est-ce que les élèves écriront à leur place ou s’ils pourront écrire à différents endroits dans la classe ?
-Est-ce que le matériel sera connu des élèves ? Avez-vous prévu un coin écriture où tout ce qui peut être nécessaire sera accessible ?
Souvenez-vous que le matériel peut faire toute une différence ! Vous pouvez motiver tous vos auteurs avec quelques crayons de révision spéciaux ou du papier aux couleurs et aux formats variés.
-Est-ce qu’ils sauront ce qu’ils ont à faire et comment le faire ?
« Les auteurs, après notre petite rencontre quotidienne, vous aurez la CHANCE d’aller travailler sur vos propres projets d’écriture. Vous aurez au moins trente minutes pour écrire, écrire et écrire ! N’est-ce pas fantastique?! Trente minutes pour des auteurs, c’est si vite passé !»
-Si certains ont des questions, sauront-ils qu’ils peuvent demander l’aide d’autres élèves ?
Les échanges sont cruciaux ! C’est par le langage que les élèves peuvent rendre leurs pensées concrètes. Même les grands auteurs le font ! Marianne Dubuc, une auteure que j’admire énormément, me disait qu’elle trouve souvent ses idées en parlant avec les autres.
-Comment leur ferez-vous comprendre votre rôle pendant ce temps d’écriture ?
Vous pouvez expliquer à vos élèves que, pendant les premières semaines, vous circulerez d’un élève à l’autre. N’oubliez pas de leur mentionner que vous ne voulez surtout pas qu’ils arrêtent d’écrire parce que vous êtes près d’eux. Vous voulez justement voir ce qu’ils font et comment ils le font !
L’écriture laisse sa place au partage. C’est déjà la fin de l’atelier d’écriture.
-Se déplaceront-ils pour le partage ou vous préférerez qu’ils restent à leur place ?
-Comment féliciterez-vous les efforts de chacun ?
Les élèves ont écrit. Ils sont déjà des auteurs ! Vous voudrez probablement leur dire que vous êtes fier d’eux !
-Allez-vous faire un retour sur les difficultés rencontrées ?
Après quelques jours, vous voudrez peut-être prendre le temps de faire un retour sur le déroulement des ateliers d’écriture. Vous aurez observé vos élèves et identifié quelques problèmes récurrents. La prochaine leçon d’enseignement (ou les deux prochaines leçons) vous permettra de trouver des solutions en établissant, avec vos élèves, une liste d’objectifs clairs.
-Vos élèves sauront-ils où ranger leurs textes et comment le faire ?
Cartable, dossier à pochettes, petits paniers de plastique, … Ce qui importe, c’est que vos élèves puissent avoir accès à leurs textes facilement, qu’ils soient terminés ou non.
Je pourrais poursuivre encore et encore cette liste de questions. Chaque décision que vous prendrez permettra à votre atelier d’écriture de vous ressembler. C’est votre personnalité qui doit transparaître à travers les choix que vous ferez.
Faites-vous confiance! Et, pour le reste, puisqu’il est impossible de prévoir tout ce qui arrivera lors du premier jour de votre atelier d’écriture, je vous invite maintenant à prendre le risque de plonger!
Alors, prêt pas prêt, j’y vais!
* Les questions suivies d’un astérisque se retrouvent aux pages 21-22 de l’ouvrage suivant :
CALKINS. HARTMAN. WHITE. One to One: The Art of Conferring with Young Writers. Heinemann. 2005.
Je me suis aussi inspirée de :
WOOD RAY. CLEAVELAND. About the Authors – Writing Workshop with Our Youngest Writers. Heinemann.