Une participation de David Lord
C’est la rentrée scolaire et je me perds dans mes « to do list » qui s’entrecroisent. Les réflexions se bousculent tout en se faisant la bise. Tous les tiroirs de ma commode cérébrale sont ouverts en même temps. Cette ambiance de la rentrée donne parfois un petit vertige. Mais pas le genre de vertige qui donne un haut le cœur. Celui qui fait palpiter le cœur de bonheur.
Bien excité de recevoir mes nouvelles bibliothèques, je suis allé reclasser mes livres à l’école (je sais, je pourrais le faire avec mes élèves). J’enseigne au premier cycle et je préfère de loin classer la bibliothèque par thèmes que par niveaux de lecture. J’ai fait ce choix après avoir lu La zone lecture (D’eux).
Un grand ménage de la bibliothèque permet de dresser un inventaire de ce qui manque pour séduire tous les petits lecteurs qui grandiront dans notre micro-société cette année. Chaque fois que je prends le temps de dresser la liste des forces et des faiblesses de mon inventaire littéraire, je dois me battre contre mes propres intérêts afin de planifier des achats.
Les types de livres sont variés autant en ce qui concerne le contenu que le contenant. Visuellement, de vrais œuvres d’art. Sans m’en rendre compte, je peux facilement aller sur Les Libraires (s’il-vous-plait, achetez dans les petites librairies indépendantes et surtout celles près de chez vous), remplir mon panier selon mes intérêts en oubliant les petits creux du ventre bibliographique scolaire. Je regarde ma sélection et elle est remplie d’albums ayant des illustrations en aquarelle et en techniques mixtes. Elle se compose de livres touchants qui nourrit les réflexions et de livres drôles (surtout ceux qui parlent de crottes et de pets). J’ai rarement le goût de dépenser pour un livre à couverture rose avec des licornes et des paillettes, des bandes dessinées chevaleresque ou des mangas.
Puis, soudainement, j’ai la voix de Simon Boulerice qui me chuchote à l’oreille qu’il a tellement aimé et lu les Archie. Que nous ne devons dénigrer aucun livre. Effectivement, je ne sais pas quel livre viendra faire une brèche dans le cœur d’un futur lecteur réticent dans mon groupe cette année. Je ne sais pas quelle collection fera que la brèche s’agrandira afin de faire place à la naissance d’un nouveau lecteur passionné. Alors, je mets une bande dessinée de Garfield près celle Le facteur de l’espace de Guillaume Perreault.

Une fois que j’aurai terminé le ménage de ma bibliothèque, en classant les livres par thèmes ou par collections, je fermerai les yeux sur les sections qui débordent et je mettrai la loupe sur les cases presque désertes. Je dresserai une liste des catégories affamées afin de les nourrir un peu cette année.

Voici quelques questions que je me poserai :
- Est-ce que cette thématique interpellait les jeunes lecteurs dans les dernières années et mérite un investissement?
- Est-ce que cette catégorie est habitée par des livres de différents niveaux?
- Pour répondre aux besoins de mes tout-petits, est-ce que je leur offre ici plusieurs livres avec une typographie facilement lisible?
- Puis-je ajouter des livres sans textes?
- Est-ce que cette section contient des livres informatifs et narratifs?
- Devrai-je poursuivre l’achat d’une collection pour laquelle nous avons quelques titres?
- Avons-nous des livres qui nous permettent d’enrichir notre vocabulaire, même avec de courtes phrases (comme la collection Tatsu Nagata)?
- Les illustrations nous permettent-elles de découvrir des techniques variées en arts visuel?
- Puis-je découvrir différents formats (format carré, paysage, portrait, format de poche, grand format, à rabat)?
- Avons-nous des livres qui répondent à différents besoins : nous détendre, nourrir l’imaginaire, rire, apprendre, réfléchir, remettre en question nos valeurs?
- Puis-je sélectionner un de ces livres pour une lecture feuilleton, une lecture interactive, un club de lecture?
- Abordons-nous des valeurs actuelles et avons-nous des livres jeunesse inclusifs?
- Pouvons-nous découvrir différents styles, différentes voix, différentes structures
Je me contrôlerai dans mes achats (on peut toujours se mentir) afin de garder une partie de mon budget pour acheter selon les intérêts des élèves que j’accueillerai. Après quelques conversations pendant la lecture autonome, nous pouvons davantage cibler leurs intérêts. Je pourrai également consulter des libraires, des collègues, des amis, des parents et les réseaux sociaux afin d’élargir mes horizons.

Avec tous les défis que nous donnons à nos élèves, nous devons nous en donner nous-même. Cette année, je me donne le défi de lire des livres que je ne sélectionnerais pas habituellement. Je me donne le défi de discuter avec plus de partenaires de lectures afin de ne plus reconnaître mes PAL habituelles. Je me donne le défi de me surprendre.

Je vous invite à faire comme moi. Oubliez un peu vos intérêts habituels sans leur manquer de respect et faites-vous une PAL éclectique. Cela vous permettra de rejoindre plus facilement les petits curieux qui cohabitent avec vous. Leur engagement s’enracinera plus profondément et leur chemin vers la réussite sera moins cahoteux.

