Par Martine Arpin
Cette série d’articles vise à réfléchir sur l’enseignement du vocabulaire en classe.
Chaque semaine, suite à mes lectures, je résumerai leur contenu, espérant nous aider à construire une meilleure vision de l’importance de l’enseignement du vocabulaire, à développer une compréhension approfondie ainsi qu’à partager des idées concrètes pour la classe.
Pourquoi est-ce important de travailler le vocabulaire?
Le vocabulaire joue un rôle important dans la vie de tout le monde. Un vocabulaire riche aide à apprendre sur le monde, à percevoir de nouvelles idées, à apprécier la beauté du langage, à s’exprimer plus précisément, autant à l’oral qu’à l’écrit, à comprendre les jeux de mots et à s’amuser avec la langue. De plus, un vaste répertoire de vocabulaire facilite les apprentissages dans toutes les matières puisqu’il est directement lié à l’efficacité en lecture et à la réussite éducative en général. La classe est le milieu idéal pour rééquilibrer les écarts qui commencent à se creuser dès l’âge de trois ans.
Aussi, le répertoire de vocabulaire des enfants a un impact important sur les habiletés de compréhension en lecture. Comme pour d’autre sujets d’enseignement, proposer des activités intéressantes pour apprendre du vocabulaire n’a pas comme objectif que les enfants aiment les activités proposées. Ce serait si simple! Au contraire, l’important est qu’ils développent un intérêt et une conscience des mots élevés pour bien construire et enrichir ce répertoire. Les élèves doivent continuer d’utiliser les mots appris pour en venir à « s’approprier » les mots. Ils doivent remarquer les mots qu’ils ne connaissent pas. Ils doivent devenir conscients et explorer les relations entre les mots pour raffiner et développer complètement leur signification.
Une approche rigoureuse pour enseigner le vocabulaire implique l’explication directe de la signification des mots aux côtés d’activités amusantes qui provoquent la réflexion et d’un suivi interactif. Une telle approche est efficace pour apprendre le sens des mots, mais a aussi un impact sur la compréhension en lecture.

Quels mots enseigner?
Penser aux tiers :
Premier tier : les mots de base. Mots qui apparaissent habituellement dans les conversations orales. Les enfants y sont exposés souvent dès leur jeune âge. Ils sont familiers avec ces mots, donc ce sont des mots qui ont rarement besoin d’être enseignés. Par exemple : chien, regarde, fatigué, parle, fête, nage…
Deuxième tier : Mots d’une grande utilité en grandissant, et qui se retrouvent dans une variété de domaines. Ce sont des mots caractéristiques des textes écrits, qu’on entend rarement dans une conversation. Donc, les élèves ont moins de chance de les apprendre de façon indépendante. Ces mots jouent un grand rôle dans le répertoire langagier, alors leur connaissance peut avoir un impact important. L’enseignement direct des mots du 2e tier peut donc être très productive. Par exemple : précède, contraire, indépendante, circonstance…
Troisième tier : Mots dont l’utilisation est peu fréquente et souvent limitée à des sujets ou domaines spécifiques. Les mots des contenus en univers social et en sciences font partie de ce tier. Ils ont intérêt à être appris quand le besoin précis se présente, puisque la compréhension approfondie de ces termes n’est pas nécessaire pour la majorité des apprenants. Par exemple : flibustier, panthéon, épiderme…
Nous pouvons donc penser que les mots du 2e tier sont ceux les plus importants à enseigner de façon directe et rigoureuse.

Connaitre ou ne pas connaitre un mot, là n’est pas la question!
« Connaitre un mot » est complexe. Il y a un degré de compréhension du sens (un peu jusqu’à beaucoup) et il y a différents degrés de valeur des sortes de connaissance au sujet des mots.
- Stade de connaissance d’un mot :
- Jamais vu avant. Aucune connaissance
- Déjà entendu, mais ne sait pas ce qu’il signifie. Connaissance du sens général, par exemple, « fallacieux » a une connotation négative.
- Reconnu en contexte comme ayant un lien avec ____. Connaissance limitée liée au contexte.
- Bien connu. Connaissance riche, décontextualisée du sens d’un mot, ses relations avec d’autres mots, et ses extensions métaphoriques.
- Importance des connaissances au sujet des relations entre les mots ou sur la relation entre un mot et d’autres concepts, les connaissances sur le registre (formel, informel), la forme grammaticale, les connotations affectives.
- Représentation mentale des mots (plus on en a, plus ces représentations sont interconnectées, plus on « maitrise » le mot)
- Sens (ou représentation sémantique), prononciation (représentation phonologique) orthographe (représentation orthographique). En lecture, on relie ces trois représentations.
- Morphologie et à la syntaxe dans la représentation mentale des mots.

Quelques idées pour améliorer notre enseignement du vocabulaire et le rendre plus puissant, souvent avec des changements mineurs aux pratiques que nous utilisons déjà :
-Proposer des activités ludiques avec limite de temps.
-Plutôt que de faire relier des mots avec des définitions, ou de faire chercher des définitions (preuve étant faite que les impacts de cette activité son quasi nuls sur l’appropriation du vocabulaire), nous pouvons relier un mot nouveau avec un mot connu. Par exemple, pour comprendre complice, l’enseignante fait le lien avec voleur. Les élèves pourraient ajouter banque, police, vol. L’enseignante peut élargir avec bandit, illégal, crime, scélérat, fripouille… (selon l’âge des élèves!). Elle pourrait aussi faire le lien avec ami, amitié, surprise. Le principe étant que plus il y a de connections sémantiques dans le réseau mental d’une personne, plus riche et flexible devient leur compréhension des mots.
-Avant de faire écrire des phrases avec le nouveau mot, proposer aux élèves de compléter des amorces phrases qui contiennent déjà le mot. Cela propose une direction et soutien la réflexion.
Par exemple :
Le complice a promis qu’il ne recommencerait plus jamais parce que…
Le complice était fier d’avoir…
-Quand c’est possible, associer la dimension affective à la réflexion. Par exemple, si on parle du mot « philanthrope », ils doivent dire « Yé! » ou « Bouh! » (ou placer le pouce vers le haut ou vers le bas), selon le sentiment qu’ils éprouvent face à une personne philanthrope. Connaitre l’idée générale d’un mot peut être très utile quand rien d’autre ne nous aide à le comprendre totalement.
-Proposer des activités qui s’appuient sur les relations sémantiques et affectives entre les mots ciblés et des mots connus.
Par exemple, le lien entre grégaire et ermite. Comment ces deux mots peuvent-ils aller ensemble? Les élèves pourraient dire : une personne grégaire aime être avec d’autres personnes, une ermite préfère être seule.
On pourrait préparer une douzaine de cartes avec des mots appris précédemment, et les élèves, en équipe, doivent classer par piles ceux qui vont ensemble. Au moins 2 mots dans une pile, et les élèves doivent pouvoir expliquer leur raisonnement.
-Jéopardy : L’enseignante dit un mot (par exemple virtuose) et l’élève répond par une explication personnelle sous forme de question. Par exemple : « Comment appelle-t-on quelqu’un qui joue vraiment, vraiment, très, très bien du violon? »
-Encourager les élèves à utiliser/remarquer/voir/entendre les mots ciblés en dehors de la classe en ayant un espace, un moment, où ils peuvent dire ou écrire dans quel contexte. On collectionne ces mots. On pourrait nommer cet « espace/moment » Les génies des mots, ou tout autre nom. Les élèves pourraient ensuite placer dans un chapeau ou une boite trois cartes où est inscrit sur chacune un mot qu’ils maitrisent maintenant, et circuler dans l’école à la recherche d’un adulte. L’adulte pige une carte et l’élève explique la signification du mot, puis se dirige vers un autre adulte.
Idées et réflexions à suivre dans un prochain article…
Source: Bringing Words to Life, Robust Vocabulary Instruction, Beck, McKeown et Kucan, 2011
