Un article de Martine Arpin
En début d’année, en périphérie du module de lecture Grandir comme lecteur (Chenelière éducation, 2e année), nous avons fait pousser des haricots (puisqu’un lecteur peut grandir comme un haricot magique!). Notre expérience nous a amenés à se poser la question suivante : « Est-ce qu’un haricot peut pousser sans la terre? ». Notre expérience nous a démontré qu’une graine de haricot peut commencer à germer sans la terre si elle a de l’eau, du soleil et de l’oxygène, mais que pour continuer à grandir, pour verdir et pour produire des feuilles, elle a ensuite besoin de la terre et des nutriments (une élève qui jardine avec sa mère a enseigné ce mot à la classe au lieu de vitamines) qu’elle contient.

Le lien avec l’apprentissage vocabulaire, vous demandez-vous à ce point de votre lecture?
Le premier départ dans l’apprentissage d’un mot est important pour la suite. Il ne suffit pas de savoir la définition d’un mot. Pour avoir une compréhension approfondie et durable d’un mot, pour qu’il soit permanent et flexible dans le répertoire de vocabulaire d’une personne, il faut le rencontrer souvent, il faut qu’il prenne racine. C’est là que l’amorce, la présentation des mots, est importante.
Quand, combien et comment?
Quand? La réponse est souvent avant de lire un texte. Cela a du sens si l’enfant doit lire le texte de façon autonome, puisque ça rend le mot accessible lorsqu’il le rencontre dans le texte en lisant. Mais si on lit en groupe, il est préférable de présenter le sens d’un mot au moment où on le rencontre dans le texte.
Si on le présente en cours de lecture, alors on peut seulement donner une brève définition (souvent un synonyme ou courte explication). Par exemple, en lisant le mot calamité, on peut dire : calamité, ça veut dire un désastre. En pleine lecture, on ne devrait pas donner plus d’informations ou d’exemples supplémentaires parce que le focus est de comprendre le texte, pas d’apprendre du vocabulaire. Le sens du mot est présenté pour soutenir le but de compréhension.
Ce but de compréhension doit aussi influencer le nombre de mots présenté avant ou durant la lecture. Quelques mots seulement. Les mots qui peuvent potentiellement perturber la compréhension ou les idées principales. Cela n’empêche pas de présenter d’autres mots d’intérêt ou d’utilisé générale après la lecture du texte.
Quand le travail avec les mots se passe après la lecture, le focus passe de la compréhension de texte au développement du vocabulaire. C’est à ce moment que des contextes ou activités différents peuvent être offerts.
Le cœur d’une approche qui vise l’enseignement robuste du vocabulaire est de choisir des ensembles de mots à être présentés et soutenus sur quelques jours. Certains chercheurs, dont les auteures du livre, proposent 5 à 9 mots, 10 pour les plus grands. Ils suggèrent de présenter entre 3 et 5 mots dans une leçon, puis de présenter les autres plus tard dans la journée ou dans la leçon suivante.
Comment présenter les mots?
D’abord, les pièges à éviter :
Éviter de demander aux élèves : « Qui peut me dire ce que X signifie? » surtout quand vous savez que le mot est nouveau pour la plupart des élèves. Il faut éviter cela car la plupart des élèves tentent de deviner le sens, ou donnent un sens erroné, et on passe de l’un à l’autre, et les tentatives s’accumulent (j’ai une image très claire de moments où cela m’est arrivé dans la classe!). Cela a deux conséquences : beaucoup de temps perdu (qui pourrait être utilisé à étudier le sens du mot), et, encore plus problématique, les élèves vont retenir des associations incorrectes et il deviendra alors plus difficile d’apprendre ce que le mot veut réellement dire.
Éviter de donner d’abord la définition traditionnelle. Ce n’est pas un véhicule efficace pour apprendre la signification d’un mot puisqu’elle contient souvent des mots inconnus elle-même, ou est peu précise.
Éviter de demander d’abord aux élèves d’écrire une phrase avec le mot, puisque selon des études, 63% de ces phrases sont « étranges » ou « incorrectes ».
Alors nous pouvons plutôt, pour présenter initialement le mot:
- Expliquer le sens d’un mot de façon adaptée aux enfants, dans un langage simple et accessible pour eux, facile à comprendre, plutôt que d’en donner la définition.
Il n’est pas facile d’expliquer la signification d’un mot, même ceux que nous connaissons bien. Deux principes peuvent être suivis : D’abord, capturer l’essence du mot et de la façon dont il est habituellement utilisé. Ensuite, expliquer le sens dans un langage familier.
L’essence du mot : quel est son rôle dans la langue et qu’est-ce qui est communiqué quand on utilise ce mot? Par exemple, pour le mot controverse, le dictionnaire dit : discussion marquée par des opinions divergentes, désagrément. Ce n’est pas faux, mais pour des élèves de 2e année (ou même de 6e!), cela serait plus compréhensible de dire : Une controverse, c’est quand on n’est pas d’accord sur quelque chose, et ça implique souvent beaucoup de discussion, d’incompréhension et de la colère.
Utiliser les mots comme : une chose, une personne ou décrit permet aux enfants de commencer à avoir une idée de la façon d’utiliser le mot. Expliquer comment on utilise le mot et donner des exemples. Par exemple, après avoir abordé les deux sens du mot distinction, on pourrait demander : « Est-ce qu’il y a une chose que tu aimerais faire avec distinction? » et « Est-ce qu’il y a une distinction entre la façon dont les enfants et les parents se sentent au sujet des tâches à la maison? Pourquoi? »
- Offrir des opportunités pour les élèves d’interagir avec les sens du mot d’une façon qui les oblige à réfléchir à ce que le mot signifie. Des activités courtes et amusantes et engageantes qui permettent d’atteindre cet objectif.
Activités suggérées :
Associations de mots
Après avoir présenté des explications pour 4 mots (par exemple complice, philanthrope, virtuose et novice), demander aux élèves de les associer avec d’autres mots ou groupe de mots présentés, par exemple : Quel mot va avec escroc? Quel mot va avec « un cadeau pour construire un nouvel hôpital? Quel mot va avec piano? Quel mot va avec la maternelle?
Les élèves doivent expliquer pourquoi ils ont décidé de lier les mots ensemble. C’est ce qui renforce la compréhension et la rétention.
Remarquez que les mots associés ne sont pas des synonymes, mais ils développent une relation entre les mots.
As-tu déjà…?
Cette activité aide les élèves à associer les mots nouvellement appris à des contextes et activités de leur propre vie, de leurs expériences. Cela aide les élèves à comprendre que ces mots ont une place dans leur vocabulaire. Par exemple, on peut demander : « Décris un moment quand tu pourrais presser quelqu’un, rendre hommage à quelqu’un, plaisanter avec quelqu’un… »
Parler à propos d’un mot (tiré des nouveaux modules de lecture, traduction libre Isabelle Robert) :

Une bonne main d’applaudissement!
Les élèves sont invités à taper dans les mains pour montrer à quel degré ils aimeraient (très fort), moyennement ou pas du tout être décrits par les mots ciblés. Par exemple : honnête, espiègle, inutile, sévère, égoïste, généreux…. Évidemment, ils sont aussi amenés à expliquer la raison pour laquelle ils se sentiraient ainsi.
Ceci ou cela?
Proposez des questions autour des mot ciblés en offrant des alternatives.
Par exemple
Lequel aimerais-tu mieux anticiper : ton anniversaire ou un rendez-vous chez le dentiste? Pourquoi?
Avec lequel aimerais-tu mieux interagir? Requin ou ours polaire? Pourquoi?
Lequel serait plus facile à domestiquer? Papillon ou chat? Pourquoi?
Plusieurs variations d’activités que vous connaissez/utilisez probablement déjà peuvent être utilisées ou légèrement modifiées pour permettre aux élèves de s’engager avec la signification des mots. De simple questions comme :
-Quand pourrais-tu…
-Comment pourrais-tu…
-Pourquoi pourrais-tu… ou ferais-tu…
Plus les élèves comprennent que le langage est un phénomène vivant plutôt qu’une liste d’items avec des limites, moins ils ont de problème à comprendre qu’il y a différents sens et à y faire face.
Apprendre le vocabulaire, c’est apprendre à interagir avec la langue. Pour réussir à y naviguer, il faut de nombreuses occasions de s’exercer à utiliser les mots, et de nombreuses discussions à leur sujet.
Comprendre complètement et spontanément un mot nouveau et l’utiliser de façon appropriée se développe graduellement, mais un départ fort est essentiel pour permettre à ce processus de survenir. Tout comme pour une graine de haricot magique…
