Un article de Martine Arpin
Contrairement aux autres modules, je ne me suis pas lancée avec enthousiasme. Je ne l’ai pas aimé tout de suite celui-là… Les élèves arrivent avec leur collection, on en discute, on travaille à l’oral (ça, j’aime: on enrichit le vocabulaire, on réfléchit ensemble, l’oral est en contexte authentique). Puis ils choisissent leur préféré, le meilleur, le plus…, le pire… de leur collection. Ce n’est pas évident. Qu’auront-ils de vraiment intéressant à dire sur les Littlest Pet Shop, les bonhommes Légos, les joueurs de hockey, les princesses? J’ai l’impression que malgré les leçons qui passent, on tourne en rond, ils se répètent. Je ne sens pas que ça lève. Mais en fait, on met la table pour la deuxième partie du module : les critiques. Le choix de sujets se resserre. C’est le seul module de première année où le choix de sujets est limité : restaurants, jeux, films, vacances, villes, livres. Les leçons se poursuivent. Et un jour, en ouvrant la reliure d’un élève, bien calée dans mon divan pour préparer mes entretiens de la semaine, je lis ceci :
Je vous aurais bien mis l’original, mais il est affiché au restaurant du coin…
En donnant du vocabulaire aux élèves pour exprimer et appuyer leur opinion, en leur enseignant à accrocher leur lecteur, à organiser leur discours, à faire des comparaisons, à parler de sentiments forts, à bien choisir leurs mots, à raconter une anecdote et à évaluer pour convaincre, on découvre que même à 6 ans, ils peuvent vraiment écrire des textes d’opinion intéressants et convaincants.
Imaginez un moment que de la maternelle à la sixième année, ils apprennent ainsi à développer leur pensée critique et leur discours de façon explicite et rigoureuse. Imaginez les citoyens articulés, capables de changer les choses. De prendre et de défendre des décisions importantes. De comprendre et réfléchir sur le monde qui les entoure…
Je l’aime bien, finalement, le module des textes d’opinion…
*réflexion 2020*
J’enseigne maintenant en 2e année. Le module des textes d’opinion, Écrire sur nos lectures, est l’un de mes préférés. Le lien avec les livres que les élèves lisent et se font lire en classe, le contexte (on écrit des lettres à des destinataires réels), la profondeur des aspects d’un livre, d’une histoire, d’un texte à examiner lorsqu’on veut développer son opinion. Les échanges. Le lien possible avec les auteurs et illustrateurs…
À la maternelle, les élèves sont invités à s’exprimer sur des problèmes qui les touchent dans l’école, dans leur vie. J’ai vu des affiches qui disaient: « Attache tes lacets si tu ne veux pas tomber dans l’escalier! », ou « Ne jette pas les déchets par terre. Beurk! Ce n’est pas bon pour la Terre! », « On aimerait un autre module de jeu dans la cour »et même: « S’il te plait, Camille, peux-tu arrêter de mettre mes jouets dans ta bouche, parce qu’après ils sont tous gluants. OUACHE! »
Chez les plus grands, ils sont invités à écrire au sujet d’une problématique, d’une cause, d’un besoin qui leur tient à coeur. J’ai lu des lettres adressées au maire d’une ville pour installer un Skate Park, à la direction pour ajouter du temps d’activité physique à l’école, à la responsable de la cafétéria pour limiter les déchets…
Exprimer son opinion de façon adéquate et convaincante est l’une des habiletés personnelles, sociales et citoyennes les plus puissantes pour changer le monde, ou du moins « son » monde. Je suis persuadée que l’écriture est le passage idéal pour apprendre à s’exprimer. Vivement le retour de la relâche pour entamer mon nouveau module!