Un article de Martine Arpin

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Lors de l’enseignement en petits groupes, on peut comparer le rôle d’un enseignant  à celui d’un chef d’orchestre :  on dirige des élèves qui travaillent tous sur un texte différent (leur instrument), en visant un objet d’apprentissage commun (la pièce musicale). Debbie Diller (L’enseignement par petits groupes, 2001), précise que lorsque l’on mène un petit groupe de travail, on offre à chacun une aide soutenue, en visant toujours à diminuer ce support petit à petit pour mener vers une plus grande autonomie des élèves.

Pour mener vers plus d’autonomie et m’assurer d’un meilleur transfert des apprentissages, j’essaie de toujours utiliser le même vocabulaire, peu importe le dispositif que j’utilise pour enseigner : pendant la mini-leçon, lors des entretiens individuels, sur les tableaux d’ancrage et lors de l’enseignement en petits groupes. Plus on harmonise le vocabulaire que l’on utilise et plus on répète en utilisant les mêmes mots pour les mêmes concepts, plus on s’assure de la compréhension et du transfert. Aussi, il est important d’établir des liens entre ce que les élèves font en petit groupe et les autres activités de la journée. Par exemple, j’associe toujours ce travail avec les connaissances antérieures en faisant référence aux tableaux d’ancrage déjà réalisés et j’adore utiliser les exemples de ce que les élèves ont travaillé en petit groupe pour une démonstration lors d’une leçon suivante avec le groupe entier : quelle fierté ressentent les élèves lorsque l’on présente leurs réussites pour servir de modèles aux autres!

Le choix des élèves qui constituent le groupe ainsi que le travail que l’on  fait avec eux doit être réfléchi et planifié. On pense à des groupes flexibles en fonction des besoins des élèves. Lorsque je rassemble un groupe d’élèves, je dois avoir en tête un objectif de travail. On peut choisir de revenir sur tout enseignement qui a déjà été fait en grand groupe et pour lequel quelques élèves auraient encore besoin de soutien, de pratique guidée et/ou de répétition. On peut aussi  décider de les aider à résoudre certains problèmes auxquels ils font face en tant qu’auteurs. Pour les élèves qui maitrisent déjà facilement ce qui a été enseigné, on peut voir avec eux ce qui viendra plus tard dans le module,  mais qu’ils sont prêts à apprendre.  Il est important de leur fournir, à eux aussi, un enseignement à leur mesure;  l’enseignement  en petits groupes permet de le faire.

Plusieurs outils m’aident à prendre ces décisions importantes pour planifier les objectifs à travailler et choisir les élèves qui bénéficieront le plus d’un enseignement en petits groupes:

– l’observation du  texte « sur demande » que les élèves écrivent en début de module.

– mes notes d’entretiens et d’observation de travaux d’élèves

-la liste de vérification du genre de texte travaillé

-les attentes de fin de cycle

-le document « If…then… » accompagnant les modules d’enseignement de l’atelier d’écriture (adapté en français au printemps 2017 dans l’ouvrage L’atelier d’écriture, fondements et pratique).

-les modules d’enseignement de l’atelier d’écriture (pour chaque atelier, des notes à l’enseignante sont précisées pour faciliter l’organisation des entretiens individuels et de l’enseignement par petits groupes.)

– la mini-leçon :  pendant que les élèves se tournent vers leur partenaire et discutent, j’écoute. Lorsque vient le temps d’aller travailler, je commence tout de suite au tapis avec ceux qui en ont besoin.

-inscription de l’élève. Par exemple, je pourrais dire aux élèves :  « Je vais travailler sur … Si tu es rendu là, si tu en as besoin, tu viens me rejoindre. Si tu as mis une étoile sur ta liste de vérification, si c’est ton défi, viens me voir. »

On doit aussi penser à la méthode d’enseignement la plus appropriée pour que les élèves profitent le plus de la leçon :

-Démonstration :  Regarde-moi le faire dans mon texte!

-Exemple et explication :  Je te montre dans un texte modèle.

-Pratique guidée :  On le fait ensemble, dans mon texte ou celui d’un élève du groupe.

-Recherche : Essaie de le trouver dans un texte modèle

Toutes ces observations m’aident à choisir le genre de leçon que je vais offrir. L’une de ces modalités est la leçon de stratégie. Je l’utilise lorsque je veux revenir sur une stratégie en particulier qui a déjà été enseignée et que les élèves commencent à appliquer avec approximation, sans le faire tout à fait bien. Je m’assure ainsi que l’élève est prêt à apprendre ce que je vais lui enseigner, avec du soutien.

La session se déroule comme une mini-leçon, en version accélérée. Tout d’abord, j’établis une connexion en disant précisément aux élèves  la raison pour laquelle je les ai rassemblés. Ensuite, je nomme le point d’enseignement puis je donne un enseignement rapide (démonstration, pratique guidée ou exemple avec explication, selon le besoin de soutien plus ou moins élevé). Ensuite, les élèves s’exercent tout en bénéficiant de « coaching » précis, d’incitations de ma part, de phrases-clés pour les soutenir tout en leur permettant d’être engagés. Finalement, je fais le lien entre le travail qu’ils viennent d’accomplir, ce qu’ils ont déjà appris et ce qu’ils vont faire après, pour m’assurer qu’ils transfèrent cela dans leurs prochains textes. J’aime leur laisser une note autocollante qui illustre la stratégie que nous venons de travailler de la même façon qu’elle est illustrée dans le tableau d’ancrage de la classe.

Pour être efficace, la leçon de stratégie doit avoir un bon rythme. Et pour avoir un bon rythme, je dois être bien préparée :  décider à l’avance de ce que je veux enseigner, développer le point d’enseignement, décider du niveau de soutien, trouver des idées de phrases-clés pour aider les élèves et les diriger lorsqu’ils s’exerceront (montre-moi, dis-moi, fais-le avec ton corps, c’est ça, écris-le, et après?, tourne la page, essaie encore…) , rassembler et créer le matériel nécessaire au besoin (texte modèle, texte de démonstration, travail d’élève, matériel de révision, mini tableau d’ancrage, …). Tout est là, tout est prêt, surtout moi!

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Prête à faire une Yannick Nézet-Séguin de moi-même et à relever le défi de mener ces élèves qui travaillent tous sur un texte différent en les guidant sans trop les gérer, en les orientant sans trop les diriger. C’est ainsi que l’on travaille l’auteur et non le texte, un principe de base de l’atelier d’écriture qui permet aux élèves de mieux intégrer les apprentissages et de mieux comprendre que ce qu’ils font ici, avec nous, ne s’applique pas seulement au texte sur lequel ils travaillent présentement :  ils peuvent le faire aussi quand ils sont seuls et cela peut être transféré d’un texte à l’autre. C’est ce qui rend notre enseignement plus puissant et durable.

À suivre…