Un article d’Isabelle Robert

J’ai toujours hâte en septembre de voir le point de départ de mes élèves en écriture. Parfois certains ont déjà des connaissances sur les lettres, sur les sons qu’elles font, sur la correspondance entre les sons qu’on entend et les lettres qu’on écrit sur la feuille. Il y a peut-être même des indices qui nous montrent un début de conscience du mot.

D’autres élèves partent de plus loin. Ils sont à l’étape précommunicative, c’est-à-dire qu’ils utilisent des lettres sans faire de correspondance avec les sons, et même sans s’occuper d’écrire de gauche à droite. Mais c’est déjà bien car ils écrivent. C’est ce que je souhaite. Ma première mission est de donner confiance à ceux qui ne veulent pas écrire car ils disent qu’ils ne savent pas faire, qui ont peur d’essayer… Je travaille fort pour y arriver. J’encourage, je félicite, je mets en valeur même les petites tentatives, je célèbre les approximations, et surtout je m’intéresse à ce qu’ils écrivent. Je veux qu’ils se sentent libres de prendre des risques et je veux voir naître le goût de l’écriture.

Écrire, c’est communiquer. L’écriture doit être centrée sur des expériences signifiantes et authentiques (Lise St-Laurent, 2007). Alors, on n’attend pas. On écrit de vrais messages à chaque jour. Et on partage ce qu’on écrit avec les autres. Rasinski et Padak (2004) le disent aussi :« Vous aiderez les élèves à avoir confiance en eux et à croire que ce qu’ils écrivent est important en les invitant à écrire tous les jours, et cela, dès le premier jour de classe. »

Quand le goût d’écrire est présent, les activités de conscience phonologique deviennent plus signifiantes et le transfert vers les écrits se fait naturellement. Bientôt, l’exercice d’écriture sera moins ardu et ils apprendront tranquillement les conventions car tout ceci prendra du sens pour atteindre un but: se faire lire.

Je vous présente donc le parcours d’un élève, en trois temps: début septembre, 3e semaine de septembre  et mi-octobre. Six semaines en première année.

1er septembre

C’est la première journée d’école. Tout de suite, j’annonce aux élèves qu’ils sont des auteurs et qu’ils auront la chance d’écrire chaque jour. Aujourd’hui, je souhaite les connaitre davantage et une façon de faire c’est d’écrire sur eux. Je fais une modélisation. Ils m’aident un peu. Je leur mentionne d’utiliser tout ce qu’ils savent de l’écriture. Plusieurs connaissent des lettres, il y a eu de la conscience phonologique à la maternelle. Avant de les inviter à aller écrire, je leur dis que j’ai hâte d’en apprendre plus sur eux, que j’ai hâte de lire ce qu’ils écriront.

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Alors voici où il en est :

  • Il a déjà une idée et met des détails (il illustre une construction de Légo) dans son dessin.
  • Il utilise une étiquette pour expliquer son idée.
  • Dans son étiquette, on voit qu’il connaît le son de quelques lettres lorsque j’étire le mot pour lui.
  • Il tente d’écrire son nom à l’endroit où on écrit le message.

20 septembre (en bleu) 26 septembre (révision en rouge)

Les occasions d’écriture sont quotidiennes dans ma classe. Des leçons explicites d’écriture sont présentées. Les élèves ont du temps pour écrire et pour montrer leur travail, soit à la classe, soit au partenaire.

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Je m’habille. Je suis habillé. Je joue au hockey.

Mon élève en sait plus sur l’écriture :

  • Il écrit une phrase simple par page.
  • Les phrases font du sens (tous les mots sont présents).
  • Il raconte son histoire sur trois pages (début, milieu, fin).
  • Il commence à utiliser les mots du mur de mots (Je).
  • Il étire les mots pour écouter les sons des lettres afin d’écrire les mots qu’il ne connait pas. Ose prendre des risques.
  • Plusieurs sons sont présents dans les mots.
  • Début de la présence d’espaces entre des mots.
  • Il utilise parfois la ponctuation.
  • Il veut se relire.
  • Il a le souci de se faire lire. Révise: il reprend les phrases car il s’aperçoit qu’il ne peut pas se relire.

14 octobre (en noir) 17 octobre (en bleu)

Des leçons d’écriture au niveau de l’élaboration sont enseignées et le temps d’écriture est plus long maintenant. Parfois les élèves peuvent écrire 30 minutes. Le répertoire de stratégies pour écrire les mots s’est élargi aussi. Les idées ne manquent pas!

Le 17 octobre, les élèves sont amenés à se choisir un défi, c’est à dire se choisir une stratégie à essayer dans un texte. Dans les jours précédents, j’avais enseigné plusieurs stratégies pour mettre de la vie dans un texte mais certains n’avaient pas essayé encore donc c’était l’occasion de le faire, et même peut-être d’essayer une deuxième stratégie. Lyam, lui, révise un texte.

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(p.1)Je vais à la poste avec maman d’amour et mes frères. (p.2) On est arrivé. Je débarre le casier. Je prends le courrier. (p.3) On rentre à la maison avec mes frères. J’étais content.

Voici où en est mon élève en écriture maintenant, après environ 6 semaines en première année :

  • Il écrit des phrases plus élaborées.
  • Il fait des espaces entre les mots.
  • Il utilise la ponctuation.
  • Il utilise plusieurs mots du mur de mots (Je, avec, mes, le).
  • Il écrit correctement un mot travaillé en classe (maman).
  • Il étire les mots qu’il ne connaît pas et écrit généralement tous les sons.
  • Il ajoute des détails importants dans son texte lors de la révision.
  • Pour rendre son texte plus vivant, il décrit ses actions, étape par étape (page 2).
  • Pour rendre son texte plus vivant, il ajoute un sentiment (page 3).
  • Il se soucie du lecteur et souhaite faire une histoire captivante.

Lyam a encore beaucoup de choses à apprendre sur l’écriture mais il a déjà fait un bon bout de chemin. Tout ça en offrant des occasions d’écriture signifiantes et authentiques à chaque jour. Offrir beaucoup de temps pour pratiquer est important. Aussi, avec l’expérience, j’ajouterais l’importance de laisser du temps pour apprendre, respecter le rythme d’apprentissage de chacun, tout en ayant des attentes élevées. Quand je dis « Utilise tout ce que tu sais de l’écriture », c’est sérieux! Chacun est amené à faire de son mieux selon ses capacités.

Malgré tous les efforts qu’implique l’écriture au fil des jours pour mes élèves, l’atelier d’écriture est un beau moment de la journée d’école. Ils travaillent pour les lecteurs, ils ont une intention: se faire lire… Et ça, c’est incroyablement puissant!