Un article de Martine Arpin

Demain, c’est l’Halloween… Pas le temps! Une journée d’activités à l’école, les élèves qui ont déjà la tête ailleurs, dans l’attente de la soirée, le lendemain dans la fatigue et le survoltage après tous ces bonbons mangés… (oui, oui, je l’avoue, je suis celle-là, celle qui n’aime pas se costumer et qui n’aime pas l’Halloween…). Avouons-le, ce ne sont pas les deux journées les plus productives de l’année côté enseignement…

Et les autres jours… on le sait, il y a toujours quelque chose!

Aller à la salle de toilettes? Pas le temps!

Terminer les deux centres d’apprentissage en mathématiques?  Pas le temps! Le cours d’éducation physique va commencer!

Partager les textes des élèves qui ont réussi à intégrer une stratégie d’écriture enseignée aujourd’hui?  Dringggg!… c’est le dîner, on n’a pas vu le temps passer…

Combien de fois sommes-nous confrontés à cela dans une journée?

L’horaire de la journée, ou « menu du jour », est un outil visuel sécurisant pour les enfants. Autant pour les petits que pour les grands, cette « liste des situations d’apprentissage et autres événements de la journée », incluant même parfois la durée de ces activités, permet de « favoriser un milieu d’apprentissage où les élèves savent à quoi s’attendre, ce qui les aide à ajuster leur rythme de travail. » (Frey, 2016).

Le format utilisé doit correspondre au niveau langagier des élèves auquel il s’adresse. Une enseignante de maternelle pourrait utiliser des objets pour illustrer chaque partie de la journée: Un crayon pour l’atelier d’écriture, le livre qui sera lu à l’heure de l’histoire, … On peut aussi utiliser des photos, des illustrations, accompagnées de mots-clé, ou des mots seulement pour les plus grands. La précision aide les élèves à cibler les apprentissages:  plutôt que d’écrire « français », on pourrait, par exemple, écrire exactement ce qui sera travaillé durant la période: atelier d’écriture, atelier de lecture, grammaire:  l’accord du nom, lecture à soi, centres d’apprentissage,…

Et lorsqu’en plus cet horaire est routinier, c’est-à-dire que chaque activité revient toujours au même moment chaque jour, on aide les élèves à s’organiser, on les sécurise, on facilite les transitions, etc. Pour l’enseignant, c’est aussi une façon de bien gérer son temps, de miser sur les priorités et d’aider à faire tout ce qu’on veut faire dans une journée…

Ça, c’est pour le côté technique. Mais la question revient souvent…comment faites-vous pour entrer tout ça dans votre horaire? Quand on connaît l’atelier d’écriture, on devient rapidement dépendant… Comme pour les élèves, la motivation est à son comble, l’enthousiasme est là, on voit les bénéfices. Mais les changements de pratique demandent beaucoup d’investissement, beaucoup de temps. Lire les leçons (souvent en anglais…vivement le printemps pour les nouvelles parutions en français de Chenelière Éducation!), s’approprier la philosophie, être efficace dans la classe, offrir un enseignement de qualité…où trouver le temps de tout faire? Comment arriver à faire tout ce que je veux faire et que je trouve important dans une journée, dans une semaine?

D’abord, il faut choisir. Quand on change ses pratiques, cela doit venir avec une réflexion. Changer pour changer, ça n’apporte rien de plus. Faire parce que ça l’air intéressant, parce qu’il y a un engouement, ça n’apporte rien. Suivre un guide, tout le monde peut faire ça. Mais quand on réfléchit sur nos pratiques, quand on connaît ce qui fonctionne à long terme, on peut alors choisir les éléments qui deviendront nos « intouchables », nos priorités.

Et quand on a bien choisi, on planifie…

Des exemples d’horaires, il pourrait y en avoir des dizaines. J’aime discuter avec mes collègues, aller voir comment elles fonctionnent. Ça m’aide à réfléchir, à optimiser mon organisation. Il faut trouver ce qui nous convient, en pensant toujours à l’efficacité. On a une phrase clé à notre école pour cela: « Faire moins, mais mieux! » Faire moins…pas pour ne pas faire beaucoup, mais pour prioriser, arrêter de s’éparpiller. Et faire mieux, donc se questionner sur ce qui est efficace, ce qui fonctionne le mieux, ce qui est payant pour l’enseignement et les apprentissages. Faire moins, mais mieux, pour avoir du temps pour ce qui est « mieux »!

Voici un exemple pour une classe de première année.

8h00 Arrivée des élèves
Les élèves arrivent en classe, on se dit bonjour, ils déposent leur agenda sur leur table et consultent le tableau des centres d’apprentissage pour savoir par lequel ils vont commencer aujourd’hui. Dès qu’un élève est prêt, il commence à travailler.
(Pour d’autres enseignants, les élèves arrivent et font l’étude de mots de façon individuelle, dans certaines classes, c’est la lecture à soi. Il faut choisir en pensant à mettre les élèves en action tout de suite.)

Centres d’apprentissage
Je place la minuterie pour 10 minutes. Les élèves, en équipe de deux, sont installés dans différents coins de la classe, prédéterminés pour chaque centre. Les centres d’apprentissage sont majoritairement des activités pour l’étude de mots. En début d’année, on travaillait les lettres, là, la lecture globale, bientôt, l’étude des mots d’orthographe. Lettres magnétiques, tableaux effaçables, marqueurs sur les fenêtres, calligraphie sur le Ipad à partir de nos listes de mots, domino des mots, tic-tac-mots, Pige dans le lac des mots-étiquettes, mots à piger, pêche aux mots, … ce sont des jeux pour apprendre. Il y a aussi un centre de lecture à deux et parfois un centre où travailler autre chose, comme les sons, la confusion bdpq, etc. Pendant que les élèves travaillent, je vérifie les messages puis je peux rencontrer des élèves en individuel ou en petit groupe pour travailler en tenant compte de leurs besoins.
La minuterie sonne. Chaque équipe prépare le centre pour l’équipe suivante et on change d’activité. Un autre 10 minutes de travail. Moi je continue mes entretiens.
La minuterie sonne a nouveau. Les élèves rangent leur matériel puis se dirigent vers le coin rassemblement. Ils s’assoient autour du tapis, prêts pour la « jasette ».  Ceci est nouveau dans ma routine du matin. J’ai pris exemple sur ma copine Josée. Chaque matin, trois ou quatre élèves prennent la parole. Ils parlent d’eux, ils racontent ce dont ils ont envie. Les autres posent des questions, ajoutent, enrichissent la discussion. C’est un partage, une discussion. J’y vois plusieurs avantages: On apprend à se connaître, à découvrir des intérêts communs. Ainsi, on favorise les liens. Aussi, pour les élèves qui ont toujours quelque chose à dire, ils ont « leur » moment, ils sont écoutés. Si ce n’est pas leur tour, ils peuvent participer à la discussion. On dirait qu’après, durant la journée, le besoin est moins là. Ils sont plus à l’écoute. Et comme on parle ici d’atelier d’écriture, et bien en favorisant la prise de parole, en permettant aux élèves de raconter leurs « petits moments » à l’oral, ou en leur permettant de nous parler des choses qu’ils connaissent, qu’ils préfèrent, on leur permet de développer leur pensée et de pouvoir mieux s’exprimer ensuite par écrit. On favorise la   création d’idées, on aide à organiser le discours,on enrichit le vocabulaire. Pour les élèves qui ont de la difficulté à trouver des idées, je peux me servir de ces discussions pour les aider en entretien. Et tous ces bénéfices en 5 minutes!
L’horaire de la journée. L’assistant (ou l’élève du jour), présente l’horaire de la journée. Il doit faire des phrases complètes. On peut travailler le vocabulaire, l’expression orale, la lecture de l’heure.

Le « réchauffement » On fait une lecture en groupe d’une comptine, d’un court texte, le même pour une semaine. On prépare notre cerveau pour la lecture. En le faisant, on travaille le rythme, la fluidité, la reconnaissance globale, … Je prends aussi du temps pour travailler la conscience phonologique, tellement importante, surtout en début d’année.

Message du matin ou lecture interactive ou lecture partagée
Pour le moment, c’est moi qui écris le message. C’est l’espace qui me permet de travailler plusieurs notions selon les besoins du groupe: reconnaissance globale, sons, le mot, la phrase, stratégies de lecture, … Bientôt, ce seront les enfants qui l’écriront. Il deviendra un centre d’apprentissage. Et on y travaillera alors les stratégies de révision et de correction, la structure, les conventions. Pour d’autres classes ou niveaux, ça peut se faire avec la phrase du jour ou un autre dispositif.

Collation et histoire
L’assistant s’assoit près de moi sur le divan, les autres sont rassemblés devant nous. On plonge dans les histoires de nos auteurs préférés. J’essaie de lire des histoires dans le même type de texte que ceux qu’on travaille en écriture. Ce n’est pas toujours le cas et je n’en fais pas une obligation, mais j’y suis plus attentive qu’avant dans mes choix de livres, car je sais que d’avoir plusieurs modèles amène des avantages quand ils écrivent. Après avoir assisté à un atelier avec Sharon Taberski en 2014, j’essaie aussi maintenant de faire la lecture à voix haute de plus de textes informatifs (et pas que sur les animaux…).  Et aussi de lire des livrets de lecture du même niveau que mes élèves débutants. Pour leur montrer que ce sont aussi des textes qui peuvent et méritent d’être lus de façon intéressante. Lors de la lecture à voix haute, je suis un modèle de fluidité et d’expression, d’amoureuse des livres, de la littérature, des auteurs et des illustrateurs. Parfois, c’est une lecture à voix haute qui permet de travailler et revoir certaines stratégies, en groupe. Parfois, c’est la lecture répétée d’albums, pour travailler, entres autres, le vocabulaire et les diverses stratégies. Souvent, c’est une lecture que pour le plaisir.

Atelier de lecture
Mini-leçon, lecture à soi, lecture à deux, partage. Tous les jours, c’est la routine. On travaille les bonnes habitudes des lecteurs, les stratégies de décodage et de compréhension, et on développe l’amour de la lecture, pour que les élèves apprennent à lire, oui, mais surtout pour qu’ils deviennent des lecteurs avides (Shanna Schwartz). Si vous aimez l’atelier d’écriture, vous deviendrez des adeptes de l’atelier de lecture:  des modules d’enseignement explicite dans le même format que l’atelier d’écriture… Wow! Un coup de coeur!

Il n’est que 10h15!  Ça passe vite! Allez hop, dehors!
Récréation

Atelier d’écriture
En début d’année, quand l’atelier d’écriture ne dure pas 60 minutes, je fais de la calligraphie ou de la conscience phonologique. Sinon, l’atelier dure toute la période.
Mini-leçon, écriture autonome (entretiens et enseignement en petit groupe), partage. Je réussis à faire quatre périodes par semaine, maintenant parfois 5. Mais un minimum de trois dans les semaines plus tourbillon….sinon, je perds tous les avantages que la routine, la rigueur et le volume de production des élèves apportent.

Des enseignantes du 2e et 3e cycle, qui ont plus de temps prescrit pour d’autres matières que le français et les mathématiques, nous ont partagé leur façon de faire que je trouve vraiment intéressante: Pendant les 6 à 8 semaines d’un module d’écriture, elles consacrent plus de périodes à l’écriture, puis prennent une pause de deux semaines avant un autre module et font plus de sciences, univers social, etc. C’est leur façon de faire. Cela leur permet d’être efficaces et d’offrir la régularité et le rythme soutenu pour pouvoir retirer tous les bénéfices de l’atelier d’écriture.

Dîner

13h50 Détente, lecture à soi. Pendant ce temps, je fais des entretiens ou de l’enseignement en petits groupes.

Calendrier et mathématiques.  Au calendrier, on aborde certaines notions d’univers social ou de mathématiques, puis il y a une leçon de groupe en mathématiques ou des centres d’apprentissages (activités de manipulation).

Histoire

Période de spécialiste Je sais, elle n’est pas toujours placée ici, mais si elle est ailleurs, on déplace ce qui devait se trouver à l’horaire. Sans oublier les arts, l’éthique, les sciences, l’univers social, qui sont souvent intégrés dans les autres matières.

15h05:  La journée est terminée! Les élèves savent que demain, après-demain et le mois prochain, l’horaire de la journée sera le même… C’est notre routine.

Chaque enseignant, ou chaque équipe, doit trouver ce qui lui convient en pensant à ce qui fonctionne.

Comme il y a mille et une choses qui arrivent dans une journée, un nez qui saigne, une chicane à régler, la visite des animateurs de l’Écomuséum, la visite de l’infirmière, l’exercice de feu, des prises de données pour le modèle RAI, une sortie au théâtre, une rencontre pour un plan d’intervention, … j’aime bien prévoir plus pour être certaine de faire ce qui est prioritaire.

Mais une chose est sûre, c’est que chaque chose que je fais est importante. Je n’ai pas de temps à perdre dans une journée, une semaine, un mois, une étape. Et pour pouvoir offrir tout ce que je veux offrir et faire tout ce que je veux faire, je priorise et je m’organise.

Et vous, quels sont vos intouchables? Vos priorités?

*Surveillez la section « matériel et organisation » du blogue, plus tard aujourd’hui, et au courant de la semaine, vous y trouverez des exemples d’horaire pour d’autres niveaux.*

Référence:

Frey, Nancy (adapté par Francine Bélair), 50 stratégies efficaces pour gérer sa classe, Guide pour favoriser l’engagement et l’interaction, Chenelière Éducation, 2016. (page 53). On y trouve aussi une partie qui permet de bien comprendre l’importance de l’engagement des élèves dans leurs apprentissages, indispensable et mis de l’avant dans l’atelier d’écriture, et un chapitre sur les partenariats pour favoriser l’engagement des élèves.