Un article d’Isabelle Robert

Mélanie et Isabelle nous attendaient, Suzane (une super CP) et moi, dans leur petite école de St-Damien. Deux jours avant, nous avions reçu un courriel disant qu’elles avaient bien hâte de nous voir, car elles s’étaient filmées, l’une et l’autre, lors d’entretiens avec des élèves. Elles souhaitaient recevoir une rétroaction de notre part, même si elles avaient déjà, plusieurs fois, regardé leurs vidéos et évalué les forces et les aspects à améliorer pour chacun d’eux. Elles ne voulaient pas nous montrer des entretiens parfaits, elles voulaient s’améliorer, bâtir à partir de ceux-ci.

En revenant de cette rencontre, je repensais à après-midi très riche que je venais de passer avec cette belle petite équipe. Je réfléchissais et me rappelais les échanges que nous avions eus. Des échanges basés sur la confiance et sur le désir de faire toujours mieux. En réalité, nous avions mené, toutes ensemble, un entretien sur les entretiens!

J’étais ravie et impressionnée de voir cette ouverture. Elle ne craignent aucunement le jugement. Aussi, j’ai remarqué à quel point le désir de faire mieux est important pour Isabelle et Mélanie. J’ai constaté, encore une fois, leur niveau d’engagement. Je crois que tout ça est possible car la confiance est là.  Il y a une confiance absolue entre nous!

Je lisais récemment le livre Confering with Young Writers : What to do When You Don’t Know What to Do de Kristin Akerman et Jennifer McDonough. Cet ouvrage rappelle justement l’importance de cette relation de confiance pour arriver à des conversations riches sur l’écriture. On demande aux élèves de se livrer, d’écrire sur eux, de montrer leurs connaissances, de donner leur opinion, etc. Certains enseignants hésiteraient à le faire eux-mêmes. Il doit d’abord y avoir une relation positive pour se dévoiler de la sorte. L’écriture, avec toutes les décisions personnelles qu’on prend lorsqu’on écrit, est justement très personnelle! Mais comment bâtir une relation positive afin de développer cette confiance qui nourrira les conversations autour des écrits des élèves? Ces auteurs y ont réfléchi.

On est soi-même un(e) auteur(e)

Le fait que nous soyons auteur (et pas besoin d’être un auteur célèbre!) nous permet de faire preuve d’empathie face à ce que vit l’élève. On peut partager nos stratégies et on peut prévoir les difficultés de l’élève.  Le fait d’avoir vécu des difficultés semblables en tant qu’auteur permet d’être plus explicite pour accompagner l’élève dans ses difficultés. On sait ce que c’est de réviser et réviser encore et encore. On partage nos expériences d’écriture, on vit le processus d’écriture et on sait être explicite lorsqu’on parle d’écriture. On pourra dire à l’élève: « Je sais que ça peut parfois être difficile de trouver comment rendre son texte meilleur, mais je peux te donner un truc simple qui fonctionne pour moi. » Savoir qu’il est compris et qu’il peut être supporté par quelqu’un qui vit le même processus que lui a beaucoup de valeur.

On reconnait les forces

Souvent, les aspects qui clochent dans un texte d’élève nous sautent aux yeux. Parfois, on a même l’embarras du choix! Si on veut développer une relation positive avec l’élève, il vaut mieux passer par dessus certaines conventions, quelques majuscules et chercher plutôt à comprendre ce que l’élève a tenté de faire en tant qu’auteur. On doit trouver ce qu’il fait de bien. Il y a toujours quelque chose! Reconnaitre les forces de l’élève est important! Ensuite, on devra trouver comment on peut le guider pour aller plus loin.

 On donne des compliments qui sont durables

Lorsqu’on reconnait les forces de l’élève en tant qu’auteur, le temps est venu de lui faire un compliment qui sera durable. Se livrer sur papier mérite d’être souligné. Ce compliment permet de célébrer une force et incitera l’élève à réinvestir cette habileté dans les textes à venir. Il permettra de créer une petite ouverture avant de lui enseigner quelque chose qui le fera grandir en tant qu’auteur.

On écoute, avec une oreille très attentive, ce que l’élève dit

Lorsqu’on fait des entretiens, on souhaite aider l’élève dans quelque chose de précis, mais on oublie parfois de l’écouter. Poser une question ouverte comme « Que fais-tu en tant qu’auteur aujourd’hui? » pour ensuite se taire et écouter est une bonne façon de commencer notre conversation avec l’élève.

D’autres questions intéressantes :

« Quelle partie de ton texte te rend fier aujourd’hui? »

« Qu’essaies-tu de nouveau dans ton texte aujourd’hui? »

Et lorsque la question est posée, il ne faut pas oublier d’écouter ce que l’élève répondra.

Bien sûr, il faudra entretenir cette relation positive et créer des moments de joie régulièrement. Mais, c’est avec ces conditions que les élèves évolueront le plus.

Et pendant ce temps, à St-Damien…

Si on revient à Mélanie et Isabelle, on s’aperçoit que ces conditions sont aussi présentes et ont un effet direct sur l’engagement qu’elles ont à améliorer leur pratique. Elles n’hésitent pas à se livrer. Notre relation de confiance permet, ensemble, d’analyser, de reconnaitre et de souligner les forces de chacun des entretiens afin de bâtir sur celles-ci pour améliorer cette pratique. L’écoute est au rendez-vous lorsque vient le temps de s’exprimer sur nos perceptions et sur les pistes d’interventions possibles.

C’est un exercice vraiment enrichissant. Ces conversations nous amènent vers des réflexions profondes. Elles permettent aussi de développer notre répertoire d’interventions. On recherche ensemble des façons de rendre l’enseignement efficace et signifiant.  J’apprends beaucoup au sein de ce petit groupe. On discute en toute confiance. Dans la joie en plus! On grandit tous. Tellement.

Et vous savez quoi? Une autre rencontre est prévue très bientôt! Avec d’autres vidéos d’entretiens! On grandira encore ensemble!


ACKERMAN K. et McDONOUGH J., Conferring with Young Writers, What to Do When You Don’t Know What to Do, Stenhouse Publishers, 2016