Un article de Céline Beloeil
Les premiers ateliers d’écriture de l’année scolaire sont parmi mes préférés. D’abord parce que j’adore la rentrée des classes et son atmosphère enthousiaste, mais aussi parce que ces ateliers cruciaux sont le fondement d’une année d’écriture couronnée de succès !
Motiver les élèves
En début d’année scolaire, les élèves sont souvent motivés et curieux de connaitre leur nouvel enseignant et ses méthodes de travail. Ils sont bien souvent très attentifs. C’est le moment parfait pour leur donner envie de faire de leur mieux, et ce pour toute l’année ! C’est le moment pour l’enseignant de faire allusion à quelques-uns des projets de l’année pour éveiller leur curiosité : « Et en décembre, … ah, je ne devrais peut-être pas vous le dire, car c’est trop tôt,… mais en décembre, nous inviterons les parents pour une grande célébration. » Et les enfants de poser des questions sur cette mystérieuse célébration qui le restera jusqu’au début de l’unité correspondante. C’est aussi le moment de titiller les ambitieux : « L’année dernière, mes élèves ont écrit des histoires de fiction historique tellement intéressantes que nous les avons transformées en pièces de théâtre que les autres classes sont venues applaudir. Peut-être ferons-nous la même chose ? À moins que vous ne souhaitiez inventer un autre projet ? Qu’en pensez-vous ? » Il est important que les enfants comprennent que l’atelier d’écriture est entre leurs mains et qu’il deviendra ce qu’ils en feront : il peut être considéré comme une matière scolaire comme les autres, mais sera bien plus riche s’il permet aux enfants de jouer un rôle dans leur communauté, à eux de décider lequel.
Après avoir donné un aperçu de l’année à venir, il est fort à parier que certains élèves se sentiront anxieux. Ils ne l’exprimeront peut-être pas, mais vous lirez leurs pensées sur leur visage : « Moi, écrire une pièce de théâtre, mais je ne sais pas comment faire ! » ou « Ouch, la 4ème année, ça a l’air drôlement plus difficile que la 3ème, moi qui avais déjà des difficultés… ». C’est le moment de les rassurer, tout d’abord en prenant l’habitude d’expliquer avant chaque session de travail individuel les outils et stratégies que les enfants peuvent utiliser lorsqu’ils auront besoin d’un coup de pouce : tableaux d’ancrage, fiches de stratégies, discussion avec l’enseignant ou un partenaire … Il est crucial de clarifier l’idée que chacun aura des moments difficiles et que c’est normal : c’est ainsi que l’on apprend !
Apprendre à connaitre les élèves
Un autre objectif des ateliers d’écriture en début d’année est pour l’enseignant d’apprendre à connaitre les auteurs de sa classe. Lors des premiers instants d’écriture individuelle et des pré-évaluations (les textes « sur demande »), l’enseignant se promène dans la classe et observe en silence. Il est important de ne pas intervenir trop rapidement – même si cela est très tentant – pour pouvoir récolter des informations pertinentes. Quels sont les élèves qui peinent à trouver une idée ? Quels sont les élèves qui effacent sans cesse les quelques mots écrits sur leur feuille et recommencent, insatisfaits de leur travail ? Quels sont ceux qui abandonnent rapidement, croisant leurs bras et poussant leur feuille le plus loin possible ? Quels sont ceux qui au contraire écrivent des lignes et des lignes sans jamais relever la tête – ni même relire ce qu’ils ont déjà écrit ? Quels sont ceux qui ont planifié avant d’écrire leur brouillon ? Qui réfléchissent après chaque groupe de mots couchés sur la page ? Le champ des observations possibles est large.
L’enseignant prend des notes rapides qui lui permettront de prendre ses premières décisions d’enseignement de façon stratégique : Avec qui devrait-il avoir une entrevue rapidement ? Avec qui pourrait-il travailler en petit groupe sur la recherche d’idées ou la planification de son texte ? Ce temps d’observation est crucial : c’est grâce à lui que l’enseignant pourra, dès le 2ème ou 3ème atelier, enseigner de façon plus efficace.
Mettre en place les routines
Le début de l’année est aussi un moment stratégique pour la mise en place des routines. Mieux vaut prendre le temps de les expliciter, modéliser, et mettre en place correctement dès le premier jour. Les bénéfices de ce travail se feront sentir toute l’année.
Parmi les routines à mettre en place, il y a bien sur la transition de la mini-leçon au travail individuel, mais aussi les temps de partage avec son partenaire ou en petit groupe. Les attentes doivent être explicitées par l’enseignant, et si possible listées sur des tableaux d’ancrage auxquels les enfants pourront se référer. Par exemple, pour le partage avec son partenaire, j’attends de mes élèves de 4ème année qu’ils :
- Soient tournés l’un vers l’autre et se regardent en se parlant.
- Discutent d’un texte à la fois, placés entre eux deux, de façon à ce que les deux élèves puissent le lire.
- Parlent à voix basse.
- Discutent en pointant des exemples spécifiques du texte.
- Allongent la discussion en utilisant des structures de phrases telles que « Je ne sais pas comment améliorer cette partie. Peux-tu m’aider ? », « J’ai écrit « … », qu’en penses-tu ? », «Et toi, qu’as-tu fait aujourd’hui ? ».
- Aient une discussion équilibrée (les deux enfants parlent autant l’un que l’autre).
Afin de mettre en place ces routines, il ne faut pas craindre la répétition. Par exemple, lors des premières mises en commun, j’explique de façon très explicite les consignes et montre aux élèves le tableau d’ancrage, puis demande aux élèves de s’exercer. Je les arrête après seulement quelques minutes pour leur donner de la rétroaction, les inviter à regarder un tandem qui suit bien les consignes, ou à critiquer de façon constructive un autre tandem. Ensuite, je demande aux enfants de s’exercer à nouveau et je circule dans la classe pour les rediriger au besoin. Ce cycle peut être répété autant de fois que nécessaire pendant les premières semaines d’école.
Mettre en place les routines de cette manière est chronophage, et cela me rend souvent anxieuse, car il reste parfois peu de temps aux enfants pour travailler de façon individuelle, mais mon expérience m’a souvent prouvé qu’accepter cette « perte de temps » en début d’année en faisait gagner beaucoup par la suite : Quel bonheur lorsque les élèves se mettent au travail en moins de 30 secondes, et que chaque moment de l’atelier d’écriture est riche !
Comme vous le voyez, les premiers ateliers d’écriture de l’année sont importants, à la fois pour mettre en confiance et motiver les élèves, pour apprendre à les connaitre et pour mettre en place la structure de l’atelier. Alors, un, deux, trois, planifiez vos ateliers!