Collaboration spéciale de Josée L’Italien, enseignante.
Lorsque vous entrez dans la classe de vos collègues, êtes-vous curieux comme moi? Votre œil est-il attiré par tout ce qu’il y a sur les murs, par les tableaux qui y sont affichés? En un coup d’œil, en quelques secondes, on a le privilège d’accéder aux valeurs pédagogiques de ces enseignants et de sentir le pouls de leur classe. Donc, que vous soyez un as dans la fabrication de tableaux d’ancrage ou que vous les considériez comme un mal nécessaire, ils demeurent néanmoins de puissants outils. Bien construits et exploités, ils peuvent même faire office de deuxième enseignant dans la classe. Une aide précieuse!
Si on y pense bien, les tableaux d’ancrage apprennent aux enfants à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent durant leurs apprentissages. Ils favorisent donc l’autonomie de nos petits auteurs et lecteurs. Par exemple, lorsque Zach se demande quoi faire après avoir écrit la dernière page de son histoire, il peut regarder le tableau intitulé « Tu crois avoir fini? » et ainsi se relire pour réviser son texte. Et qu’en est-il de Lucas, pour qui trouver un sujet demeure un défi de chaque jour? Il peut assurément trouver des idées en consultant le tableau intitulé « Sur quoi pourrais-je écrire? ». En titrant mes tableaux à l’aide de questions ciblant des problèmes concrets, je m’assure de capter l’attention de mes élèves. De plus, ces questions leur serviront de guide pour les aider à déterminer le tableau dont ils auront besoin.
Aussi, lorsque j’élabore mes tableaux, je prends soin d’utiliser un vocabulaire qui reflète les habiletés langagières de mes élèves. Pour ce faire, je les écoute lors des échanges, particulièrement lorsqu’ils nomment et expliquent ce qu’ils apprennent. Cela m’aide à trouver les bons mots, les mots qui leur seront accessibles. Parfois, pour permettre à mes élèves de mieux s’approprier le contenu d’un tableau, il m’arrive d’y associer des gestes ou une comptine afin d’activer davantage leur mémoire. Et souvent, j’invite mes élèves à s’impliquer dans la fabrication des tableaux d’ancrage comme lorsque je demande à Emma de coller une copie de son texte sur un tableau afin d’illustrer un procédé littéraire. Non seulement elle en retirera une grande fierté, mais toute la classe se sentira considérée et tout à coup, le tableau deviendra plus important.
Et que dire du tableau illustrant la routine de l’atelier d’écriture dans lequel j’ai inséré des photos de mes petits auteurs? Sans nul doute, ce tableau méritera toute leur attention et deviendra même leur préféré (et le mien aussi!). Tous ces petits trucs m’aident à construire des tableaux qui ne seront pas seulement des objets de décoration, mais bien des outils aidants, appréciés et surtout utilisés.
Construire un tableau d’ancrage peut prendre du temps, surtout lors de nos premiers essais. Est-ce réaliste de créer un tableau devant mes élèves? Seront-ils capables de maintenir leur attention durant tout ce temps? Lorsque je planifie la conception d’un tableau, je dois faire des choix. Certaines parties seront faites au préalable et d’autres seront faites devant les élèves, car je ne veux pas utiliser toutes les minutes de la mini-leçon pour faire un tableau et surtout, je ne veux pas empiéter sur le précieux temps au cours duquel mes élèves écrivent et lisent. Aussi, il est rare que je construise un tableau en entier, lors d’une mini-leçon. Il sera plutôt construit point par point, une puce à la fois, au fil de mes leçons.
Que faire si on doute de nos talents artistiques? Si on a peur que nos élèves ne reconnaissent même pas le croquis que l’on a dessiné? Ne vous inquiétez pas, car nos dessins sont plus efficaces lorsqu’ils ressemblent à ce que nos élèves pourraient faire eux-mêmes. De plus, nos élèves sont la plupart du temps très indulgents et trouvent très beau tout ce que nous faisons (ou presque!) Aussi, avez-vous remarqué que dès que l’on prend un crayon et que l’on commence à dessiner, un silence s’installe, les yeux sont grand ouverts et les oreilles réceptives. C’est un moment précieux au cours duquel nous avons toute l’attention de nos élèves.
Dans une classe, il est facile d’être submergé par trop de stimuli visuels. Un amoncellement de tableaux n’est pas préférable à une absence de tableaux! Il faut donc les choisir avec soin et les retirer ou les modifier avec les élèves, dès qu’ils ne sont plus utiles, d’autant plus que l’espace mural d’une classe a beaucoup de valeur parce qu’il est limité. Que faire cependant avec les tableaux retirés? Pour ma part, je les conserve sur des cintres à jupes que je suspends sur un crochet. Mes élèves peuvent s’y référer à leur guise. Parfois, je préfère les prendre en photos afin de les insérer dans un grand cahier à spirale que mes élèves pourront consulter. D’autres enseignants en insèrent des copies réduites dans les dossiers d’écriture et de lecture de leurs élèves. Une classe de première année peut même offrir aux élèves du préscolaire un tableau qu’ils n’utilisent plus, tel un legs précieux! Quel beau cadeau riche de sens!
Il y a tant à dire et à faire à propos des tableaux d’ancrage! Par exemple, je peux les lire avec mes élèves lors de la lecture partagée. Aussi, je peux les utiliser pour soutenir mon enseignement en petites groupes et surtout, les tableaux d’ancrage peuvent guider mes questions lors des entretiens de lecture et d’écriture. Les élèves peuvent également utiliser les tableaux d’ancrage pour s’autoévaluer en ayant avec eux des copies réduites sur lesquelles ils peuvent cocher les stratégies qu’ils ont utilisées. Voilà un excellent moyen pour observer les stratégies trop ou pas assez utilisées afin d’orienter nos prochaines mini-leçons et nos entretiens. Et si, à l’aide de papillons adhésifs, j’invite mes élèves à venir coller leur prénom à côté de la stratégie qu’ils comptent utiliser aujourd’hui, mon tableau devient tout à coup interactif. Les possibilités sont infinies!
Enfin, une fois mes tableaux affichés, j’aime prendre le temps de m’arrêter et d’observer comment mes élèves les utilisent. Cela m’en dit beaucoup quant à l’efficacité de mes tableaux et à celle de mes mini-leçons. Et j’en profite pour poser des questions à mes élèves:
-Quel tableau t’a aidé le plus aujourd’hui?
-Sur quoi travailles-tu? Y a-t-il un tableau qui peut t’aider?
-Peux-tu me montrer, dans ton texte, un endroit où un tableau t’a aidé?
-Quel tableau utilises-tu le plus? Pourquoi?
Finalement, peu importe vos talents artistiques, n’oubliez jamais que les meilleurs tableaux seront ceux que vous ferez dans le but de soutenir et d’aider vos élèves afin qu’ils accèdent à de bonnes stratégies et qu’ils soient en mesure de résoudre les petits problèmes qu’ils rencontrent dans leurs apprentissages. Les meilleurs tableaux seront ceux qui les guideront vers l’autonomie!
Et maintenant, à vos crayons!
Pour en savoir plus:
MARTINELLI Marjorie, MRAZ Kristine, (2017), Les tableaux d’ancrage : Des référentiels dynamiques pour maximiser l’apprentissage (adaptation Josée L’Italien), Montréal, Chenelière Éducation.