Série Réflexions pédagogiques en temps de pandémie
Un article de Martine Arpin
Vendredi soir, 17 h.
Un verre de vin à la main, assise devant mon écran d’ordinateur, je suis fébrile.
J’entre dans la salle virtuelle Zoom. Je suis la première. Je suis souvent la première. C’est comme ça au restaurant, c’est comme ça virtuellement aussi.
Une première fenêtre s’ouvre à côté de moi, puis une autre, et une autre.
Une à une, les copines arrivent. Un verre à la main, comme moi.
Un grand sourire aux lèvres, comme moi.
— Salut !
— Salut !
— Allume ton micro ! En bas, à gauche. Tu vois le micro ?
— Comment je fais pour voir tout le monde ???
— Wouah ! Je suis tellement contente de vous voir !
En pyjama, en robe ou en « mou », nous sommes toutes là.
Comme « avant », on parle de tout et de rien : de nos familles, beaucoup d’école, beaucoup de nos enfants, un peu de notre grand ménage du printemps. Peut-être un peu plus de nos parents, aussi. Évidemment, on rit beaucoup. On a cette capacité de pouvoir passer d’un sujet sérieux aux folies qui nous font pleurer de rire en deux secondes.
Le son coupe un peu, c’est parfois chaotique, mais c’est beau, et vrai, et chouette.
Comme « avant ».
C’est virtuel, mais c’est intime, personnel et puissant.
À la fin, après les bises virtuelles et les signes de la main, on se donne déjà rendez-vous pour une prochaine fois.
À ce moment, après cette expérience et celle d’un souper Facetime en famille, j’ai compris l’importance de faire des rencontres virtuelles avec mes élèves.
Plus que jamais, nous avons besoin de nous regrouper, de nous voir, de nous parler, d’échanger et d’avoir du plaisir ensemble. De garder le lien avec ceux que nous aimons. Comme « avant ». Si c’est vrai pour les adultes, c’est encore plus vrai pour les enfants.
Ils ont besoin de repères, de routines, de relations. Pour mes élèves, l’un de ces points d’ancrage, c’est moi. C’est aussi la communauté que nous avons créée ensemble depuis septembre. Empêcher ce contact visuel, sonore et personnel à ceux qui bénéficient des ressources nécessaires, pas question! Mais ne laissons personne de côté pour autant: si l’accès à la technologie est plus difficile dans certains milieux, faisons preuve de créativité. Utiliser le téléphone ou le courrier postal pour un contact personnel. Nous pouvons leur fournir des enveloppes réponses, préaffranchies, pour s’assurer d’un retour. Nous pouvons aussi les mettre en contact avec leurs copains par téléphone ou courriel postal. Si les familles ont un téléphone cellulaire, nous pouvons aussi proposer différentes options.
Ce moment que nous vivons présentement, collectivement, mais dans l’individualité, c’est le moment où les enfants ont le plus besoin de nous. Par vidéoconférence, préenregistrement, téléphone, lettre, ils ont besoin de savoir que leur enseignante est présente, d’abord émotionnellement. Chaque enfant mérite que cette personne signifiante, qui a fait partie de son quotidien pendant plusieurs mois, soit là et lui demande : « Comment vas-tu ? Et ta famille, ils vont bien ? Ton chien, comment réagit-il au fait que tu sois toujours à la maison, maintenant ? Comment ça se passe pour toi à la maison ? » Chaque enfant a besoin de ce lien intime, personnel et puissant. Et qu’il y ait une prochaine fois.
Réflexions personnelles alimentées par ma participation à l’institut virtuel : Rising to the Challenge, Teaching Litteracy Virtually and with Magic, Teachers College Reading and Writing Project, 8 au 10 Avril 2020.