Un article de Marlyn Grant

L’orthographe est un sujet épineux. Nous venons d’un système où l’apprentissage de l’orthographe se faisait essentiellement à la maison, pour les dictées. Et après, on accuse les élèves d’être « faibles en orthographe ». Heureusement, il  y a un changement intéressant depuis quelques années dans les pratiques. On comprend mieux le rôle de la dictée traditionnelle :  l’une des nombreuses façons d’évaluer. Ce n’est pas de l’enseignement, ni de l’apprentissage. Les dictées réflexives (dictée phrase du jour, dictée zéro faute…) ont fait leur apparition. La question importante à se poser est :  Comment faire pour qu’en contexte d’écriture, les élèves transfèrent ce qu’ils ont mémorisé? Et que peuvent -ils faire lorsqu’ils veulent écrire des mots qui ne font pas partie de leur répertoire mémorisé, si on ne veut pas qu’ils écrivent simplement « au son », sachant que très peu de mots de notre lexique francophone peuvent s’appliquer à cette façon de faire?

On doit enseigner aux élèves la façon dont fonctionne notre langue. On doit enseigner aux élèves à réfléchir, à se questionner et à choisir quand vient le temps d’écrire les mots.

L’étude de mots est à l’horaire tous les jours dans ma classe. C’est un complément essentiel à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

En grand groupe, on apprend comment les mots et la langue fonctionnent, comment les manipuler, et ce, de plusieurs façons. Quand on parle d’étude de mots, on parle des mots fréquents qu’on appelle aussi « mots du mur », des mots avec des sons simples et complexes, de la conscience phonologique, de la fusion, des lettres, du vocabulaire, des régularités, etc. L’étude de mots englobe donc plusieurs éléments importants qu’on doit aborder avec les élèves au sujet des mots. On veut que nos élèves deviennent efficaces et soient capables de se débrouiller face à leurs difficultés quand ils sont en situation d’écriture ou de lecture, sans « essayer n’importe quoi ».

Tout d’abord, on veut que nos élèves soient engagés pendant l’étude de mots, que cela soit un moment agréable et amusant (chansons, comptines, jeux, etc.). Il faut varier nos activités, leur travail.

En début de première année, je travaille souvent les mots fréquents, et une fois qu’on a vu quelques mots, j’intègre rapidement les sons. Notre semaine d’étude de mots peut ressembler à 2 ou 3 jours sur les mots du mur, et 2 ou 3 jours sur les sons étudiés.

Je choisis ce sur quoi je vais travailler en fonction des textes de mes élèves et des notes prises lors des entretiens de lecture et d’écriture. Dépendamment de ce dont ils auront besoin, on pourra le retravailler à quelques reprises dans la semaine en grand groupe (étude de mots) ou en petit groupe. On peut même y revenir dans le mois ou l’année , tout dépendra du niveau d’acquisition des élèves. Et même une fois acquis, je reviens à l’occasion sur certains mots ou sons  plus embêtants, ou justes pour m’assurer qu’ils n’oublient pas.

 

À quoi peut ressembler une période d’étude de mots :

 

  • Environ 15 minutes chaque jour, il faut donc le mettre à l’horaire. Je préfère le matin. L’étude de mots n’est pas une partie d’un atelier d’écriture ou de lecture, elle ne se passe donc surtout pas pendant l’atelier d’écriture ou de lecture. Ils s’agit d’un autre dispositif de notre environnement équilibré en littératie.
  • Les élèves sont assis au coin rassemblement, généralement à côté d’un partenaire (ça peut être celui d’écriture ou de lecture), car parfois ils auront à échanger et/ou à écrire.
  • On présente le mot ou les mots (lettres, sons) à l’oral. Je modélise à l’aide de quelques affiches, les élèves pratiquent en grand groupe et/ou avec leur partenaire. Ça ne sera pas nécessairement quelque chose de nouveau tous les jours, parfois on étudie, on revoit des sons ou des mots déjà vus, mais on les travaille différemment.
  • On commencera par étudier les mots en grand groupe, pour ensuite le faire avec un partenaire, et finalement arriver à le faire seul.
  • J’utilise souvent des petits tableaux blancs avec des marqueurs effaçables, des lettres magnétiques, on écrit aussi « dans les airs », sur son bras, sur le plancher…. J’utilise presque toujours ma caméra à document pour m’assurer que tous voient bien ce que l’on est en train de travailler. Sinon, on peut utiliser de grands cartons.
Tiré du module Les détectives de mots, série Les ateliers de lecture, Chenelière

 

 

 

Tiré de modules de la série Les ateliers d’écriture, Cheneliere.

Des sons illustrés par des mots choisis avec les élèves. On peut y ajouter les prénoms et photos des élève dont les prénoms contiennent ces sons.

Évidemment, on veut que les élèves transfèrent. On travaille donc les mots dans plusieurs contextes : lecture partagée, écriture interactive, petits groupes, et aussi dans les ateliers du matin où ils ont la possibilité de pratiquer l’étude de mots à l’aide de jeux, de calligraphie, pratique guidée, etc, et ce dès que cela s’y prête. On tend vers un équilibre, j’évite d’enseigner seulement hors contexte. Je prends soin de noter dans le plan de travail les mots ou les sons de la semaine à l’étude en suggérant fortement aux parents de les travailler avec leur enfant à la maison, de façon informelle de préférence.

Durant la période d’ateliers, je me sers aussi de l’enseignement de mi-atelier et de la mise en commun pour rappeler aux élèves d’utiliser ce qu’ils savent sur les mots pour bien orthographier, dans le but que leurs lecteurs soient capables de lire leur texte et d’en apprécier le contenu, et non pas de se contenter d’essayer de lire ce que l’auteur a écrit.

En résumé, l’étude de mots (ou le travail sur les mots) se doit d’être bref, ciblé, pas complexe à préparer, engageant pour nos élèves, facilement transférable. Si vous constatez que vos élèves ne transfèrent pas dans leurs écrits ce que vous croyez qu’ils savent de l’orthographe, alors il faut trouver comment réviser votre enseignement: Manquent-ils de pratique, de répétition? Connaissent-t-ils des notions de base sur le fonctionnement de la langue adaptées à leur niveau et aux mots à apprendre? Connaissent-ils certaines régularités qui pourraient les aider? Ont-ils la chance de s’exercer en groupe, en petit groupe, en contexte? Et par-dessus tout, apprennent-ils comment réfléchir sur les mots pour prendre de bonnes décisions quand vient le temps des écrire, parce que nous savons que tout ne peut pas reposer sur la mémoire.

 

Un module intéressant pour apprendre comment fonctionnent les mots.