Un article de Charlotte Therrien, enseignante à Montréal

Pour ceux qui comme moi ont eu la chance de participer au si enrichissant et pertinent congrès De Mots et de Craie 2021, vous avez peut-être remarqué un discours commun de nos chers collègues américains. Autant Shanna Schwartz qu’ Amanda Hartman ou même le grand Peter Johnston nous ont rappelés avec conviction l’importance de l’enseignement des habiletés socioémotionnelles à travers notre pédagogie. Oui, former des lecteurs et des auteurs pour la vie, mais surtout, former des petits êtres humains tolérants, ouverts d’esprits et empathiques.

Et ce n’est pas pour rien qu’on en parle autant. Les deux dernières années ont été marquées par le mouvement BLM (black lives matter), les féminicides, les droits des autochtones jusqu’aux injustices qui se déroulent présentement en Palestine, et j’en passe plusieurs. Des conflits éclatent chaque jour à travers le monde. Et il faut se questionner. Quels apprentissages puis-je intégrer à mon enseignement afin de créer des meilleurs mini humains?

C’est alors que je me suis lancée dans cette démarche dès le lundi suivant le congrès. Comment faire pour intégrer ces apprentissages bien plus qu’essentiels dans mes ateliers de lecture et d’écriture ? Comment mettre de l’avant la richesse culturelle de ma classe de Saint-Léonard afin de leur enseigner la bienveillance les uns envers les autres ?

D’abord, j’ai constaté les pas que j’avais déjà pris dans cette direction :

  • Les partenariats riches amènent mes élèves à apprendre l’un de l’autre et à comprendre que tous ont un rôle important dans notre classe.
  • La diversité de ma classe (tous des immigrants de 1re ou 2e génération) nous amène naturellement une curiosité de l’autre.
  • J’ai déjà fait l’achat en début d’année de quelques albums mettant de l’avant des personnages racisés ou différents.
  • En complimentant des élèves de différentes forces dans nos partages, j’ai réussi à créer le sentiment que chacun a une place bien importante dans notre communauté.

Mais comment faire plus ? En me basant sur de beaux conseils de Kathy Collins, j’ai décidé de faire un petit module d’inquiry (j’ai traduit librement par module de recherche) sur les bons amis (ça m’aidait aussi à gérer de nombreux conflits en récréation). J’ai ciblé des livres modèles pour notre module des séries en écriture (aussi, pour notre module en lecture) qui enseignent de bons comportements à adopter pour être de bons amis. Nous avons discuté, analysé, fait des parallèles avec notre vie de classe, nous avons pris des notes, et plus on découvrait de livres, plus le discours de mes élèves évoluait positivement. Nous avons dévié naturellement du sujet de notre module de recherche vers les différences, mais surtout sur l’acceptation de la différence. En deux semaines de recherche seulement, j’ai entendu des mots magnifiques sortir de la bouche de mes élèves de 6 et 7 ans.

Nous avons pris un moment pour noter ce que nos auteurs modèles nous ont enseigné dernièrement, et voici quelques-unes de leurs réflexions:

Et en voici un qui m’a rendue si fière. Cette élève a reçu des commentaires blessants en lien avec une différence physique à l’école, à plusieurs reprises. Après vérification avec sa maman, notre module de recherche a réussi à faire cesser cette situation et voici ce qu’elle retient de tout ça.

Mes prochains pas :

  • Leur montrer que leurs différences culturelles et religieuses peuvent alimenter leur écriture en créant un livre en écriture partagée sur la fête de l’Aïd (fin du Ramadan) que mes élèves musulmans ont fêté le 13 mai dernier.
  • Intégrer des livres qui encouragent la discussion sur la différence dans mon bac de livres jumeaux.

Et moi, ce que je retiens de tout ça? Ne jamais, jamais sous-estimer l’impact de ce genre d’enseignement dans la vie de nos élèves.