Écrit par Isabelle Robert
Depuis quelques années, j’aime lire à voix haute Le roman d’Ernest et Célestine (Daniel Pennac, 2012) à mes élèves de première année. Cette année ne fait pas exception. Je le trouve parfait, entre autres, pour réfléchir aux personnages et à la relation qui se développe entre eux. La longueur est idéale pour une lecture étalée sur plusieurs jours et le rythme du récit nous tient en haleine jusqu’à la fin. Chaque jour, ou parfois deux fois par jour, on poursuit la lecture du récit de Daniel Pennac si bien rédigé et remarquablement bien ficelé.
Quand on entreprend la lecture d’un livre, les premières phrases, les premières pages sont cruciales pour accrocher le lecteur. C’est comme le début d’un film ou d’une série. D’ailleurs, dans Le roman d’Ernest et Célestine, les chapitres se comparent facilement aux épisodes d’une série télévisée. Si vous êtes comme moi, ce sont les premières minutes qui sont les plus importantes pour déterminer si on aime ou si on n’aime pas la série qu’on s’apprête à regarder. Parfois, on alloue quelques épisodes à la série pour nous séduire, mais pas plus. On se tient prêt à explorer une autre possibilité…
Sachant cela, il est essentiel de sélectionner avec soin les œuvres qu’on souhaite faire découvrir aux élèves. Une bonne préparation s’avère nécessaire pour faire vibrer l’œuvre choisie : trouver la voix qu’on veut adopter et le rythme qu’on veut donner pour exposer les élèves à l’expérience esthétique de la lecture, pour susciter des émotions, des questionnements… Une bonne préparation permettra aussi de prévoir les passages plus difficiles à comprendre.
Pour le lancement, on pensera à choisir le bon moment dans la bonne journée. Il est important de prévoir une période assez longue pour cette première séance de lecture à voix haute. Parfois, il faudra préalablement avoir initié les élèves au genre s’ils ne sont pas habitués à celui-ci. Évidemment, il faut prévoir où s’arrêtera la lecture de ce premier segment. Ce moment sera stratégique. On veut créer un appétit, on souhaite accrocher les élèves! Pour Le roman d’Ernest et Célestine, j’ai lu quelques chapitres dès ma première séance.
Une des conditions essentielles pour que les élèves apprécient la lecture à voix haute est certainement leur capacité de visualiser ce qui se passe dans le récit. Il faut que la lecture prenne vie! Qui? Quand? Où? Quoi? Quand j’écoute Martin McGuire décrire les matchs du Canadien à la radio, je sais exactement ce qui se passe, je sais où se passe le jeu, dans quelle zone, dans quel coin. Je sais comment se déplace le jeu et qui est en possession de la rondelle. Je vois la partie dans ma tête! C’est comme si j’y étais. Dans Le roman d’Ernest et Célestine, Daniel Pennac fait aussi ce travail de description lorsqu’il raconte. On apprend rapidement sur le monde d’en haut et qui y vit. On apprend sur le monde d’en bas et qui y vit aussi. Il y a l’action qui se passe en haut, l’action qui se passe en bas. Et l’on découvre les personnages, ces personnages que je souhaite étudier avec mes élèves.
Toutes ces informations sur les lieux arrivent très tôt dans le récit et c’est important de bien les visualiser pour suivre le fil des évènements. Certains élèves figurent aisément ces détails, se font une carte mentale des lieux. Pour d’autres, ce n’est pas si simple. C’est moins limpide, car les détails sont nombreux. On aperçoit rapidement les manifestations d’un bris de compréhension menant au décrochage : agitation, signe d’ennui, désir d’aller à la toilette, besoin d’interagir avec un autre élève… Intervenir efficacement dès qu’on détecte les premiers signes d’incompréhension sera déterminant pour que les élèves s’intéressent au récit. On sait que s’ils n’accrochent pas au premier épisode, ce sera difficile de s’investir pour la suite. Créer une carte des lieux pour soutenir la compréhension peut être très pertinent. C’est ce qu’on a fait cette année. Pour éviter que certains élèves se sentent perdus et décrochent, j’ai pris soin de ralentir le rythme et, dès le début de l’histoire, j’ai pris de temps de créer avec mes élèves une carte des lieux (ça pourrait être une ligne du temps, dans un autre livre). Cette intervention a fait toute la différence pour motiver les élèves « décrocheurs » à vouloir connaitre la suite de l’histoire, à s’intéresser aux personnages et à rester accrochés au récit.

Cette carte des lieux nous sert maintenant de référence pendant la lecture à voix haute. On y ajoute des détails importants au fil de la lecture. Plusieurs élèves l’ont reproduite dans leur carnet de lecture. Quand nous allons lire à l’extérieur, ils peuvent apporter leur carnet, le consulter et même ajouter des précisions. C’est très aidant pour certains élèves qui éprouvent des difficultés à visualiser où se passe l’action. D’autres élèves le font par plaisir comme s’ils collectionnaient des informations intéressantes sur l’univers des personnages.

Ici, rendre les lieux plus clairs permet aux élèves de visualiser facilement le fil de l’histoire et fait en sorte qu’ils peuvent s’attarder à d’autres aspects du récit. Après tout, pour Le roman d’Ernest et Célestine, ce que je souhaite avant tout est de mettre de l’avant les caractéristiques des personnages et de réfléchir à la relation qu’ils développent ensemble.
Évidemment, l’utilisation d’une telle stratégie peut se faire à tout moment de la lecture à voix haute, dès que le besoin se fait sentir. Que ce soit pour faire la carte des lieux, établir une ligne du temps, faire une carte des personnages… les outils qui favorisent la visualisation font toute la différence pour soutenir la compréhension des élèves.
Une bonne préparation avant la lecture à voix haute contribue au succès de ce dispositif indispensable pour nourrir l’appétence des élèves à la lecture d’œuvres littéraires de qualité. L’attention qu’on porte à l’intérêt de nos élèves pendant la lecture à voix haute et les outils efficaces pour soutenir la visualisation donnent accès à l’histoire à tous les élèves et leur permettent ainsi de construire des sens et d’entrer dans l’univers proposé par l’auteur.
Demain, épisode 10! Enfin! C’est long quelques jours de congé quand la fin de l’épisode 9 nous laisse en suspens…
