Un article de Martine Arpin

Dans un monde idéal, ma mini-leçon dure 12 minutes. Pendant que les élèves sont en écriture autonome, je vois deux sous-groupes d’élèves, planifiés et préparés selon les besoins de chacun, que je reverrai au moins deux fois dans la semaine, et je peux faire deux ou trois entretiens individuels. Ceux avec qui je ne travaille pas écrivent tous sans relâche, appliquent à la lettre la stratégie que je viens de démontrer, sans oublier les autres stratégies des leçons précédentes. Tous les élèves se réfèrent aux tableaux d’ancrage au besoin, et les partenaires s’entraident, se posent des questions, se relisent pour se donner des conseils, en chuchotant. J’ai aussi donné une petite leçon de mi-atelier et on termine avec un partage qui illustre la leçon du jour et qui aborde même un autre aspect pour amener les élèves plus loin. Et quand la période est terminée, ma coiffure est intacte (!) et je ne suis pas essoufflée.

Dans un monde idéal.

Mais pour de vrai, de vrai, je parle parfois un peu trop durant la leçon (mais de moins en moins!). Comme j’apprivoise cette année les sous-groupes en écriture (plus facile pour moi en lecture), il n’y en a qu’un dans la période, et pas tous les jours, sinon je manque de temps pour les entretiens individuels.Certains n’ont pas le volume d’écriture auquel je m’attends, d’autres ont besoin d’une aide plus soutenue, d’autres de revenir aux leçons précédentes, leçons qui, disons-le, filent à la vitesse de l’éclair. Je prends beaucoup de temps pour planifier, moi qui ai presque 20 ans d’expérience en première année. J’oublie parfois la leçon de mi-atelier, le partage est plus court que prévu et il fait parfois l’objet d’une autre leçon complète.

Même si ce n’est pas l’idéal, je sais que chaque petit pas que je fais me mène vers ce que je veux être et que je veux donner aux élèves. Et je pense à Rebecca Cronin, du TCRWP, qui disait que la première année d’expérimentation des Units of Study, on apprivoise les mini-leçons, la deuxième année, on améliore nos entretiens et ensuite on peut travailler sur l’enseignement en petit groupe. Mais que lorsqu’on décide de    se lancer, il faut plonger. À fond. Pour que les élèves s’investissent autant que nous.

Quand j’invite les élèves à se fixer des buts à différents moments de l’atelier d’écriture, je remarque que les attentes élevées et la confiance que j’ai face à leurs aptitudes d’auteurs les incitent à repousser leurs limites et à se dépasser. J’essaie de le faire moi aussi dans mon enseignement. Mon but, c’est le monde idéal…et en attendant, je plonge, j’expérimente, je m’exerce. Et chaque fois que j’entends, à la fin de la période d’écriture,  » Oh non! Pas déjà?! »…je me dis que le monde idéal, ça commence un peu par là, non?