imageUn article de Martine Arpin

L’atelier d’écriture débute toujours par une mini-leçon. Chaque mini-leçon fait partie d’une séquence réfléchie et intentionnelle, et est constituée pour offrir un enseignement explicite.

 C’est lors de la mini-leçon que l’enseignante enseigne (et oui!) explicitement une stratégie, une partie du processus d’écriture, un procédé littéraire, un comportement d’auteur, une démarche etc… Pour être efficace, la mini-leçon doit être concise et directe.  Lorsqu’on aborde un module d’enseignement, une bonne préparation est donc nécessaire quotidiennement parce qu’une mini-leçon bien menée fait partie des éléments clés qui apportent des résultats positifs sur les apprentissages et sur les écrits des élèves!

La mini-leçon suit une structure précise et prévisible en 4 parties, on l’intègre donc facilement à notre posture enseignante.

D’abord, la connexion.  C’est l’amorce de la mini-leçon. Tout comme nous enseignons à nos auteurs à accrocher leur lecteur, nous devons aussi nous assurer de capter l’attention des élèves dès le début de la mini-leçon.  Ils doivent tout de suite sentir comment la leçon du jour est en lien avec ce qu’ils ont déjà appris puisque cela permet une meilleure rétention et facilite le transfert.

On peut, tout simplement, référer précisément à un enseignement précédent :  « Les auteurs… hier, nous avons vu l’une des façons qu’ont les auteurs de rendre leur histoire plus vivante et réelle. Aujourd’hui, je vais vous en dévoiler une autre! ». Ou revoir le tableau d’ancrage et annoncer que nous allons y ajouter une stratégie.

Il est aussi intéressant de donner l’exemple d’un élève qui a utilisé, dans les ateliers précédents et de façon autonome, la stratégie que nous voulons enseigner et ajouter à leur bagage. « Hier, lors de mon entretien avec Élodie, j’ai remarqué qu’elle avait utilisé un mot d’expert pour parler des chevaux. Et bien, c’est ce que les auteurs font lorsqu’ils veulent bien informer les lecteurs sur leur sujet! » En montrant, bien sûr, le travail de l’élève.

Il est possible,  aussi, de raconter une histoire pour captiver les élèves dès les premières minutes de la leçon. Ça peut être une histoire personnelle ou une histoire qui met en lumière votre lien avec les élèves:  « Hier, mon garçon avait une pratique de hockey, et j’ai remarqué que… ça m’a fait penser que les auteurs aussi…». Ou bien :  «Hier soir, chez moi, en lisant vos textes, j’ai remarqué que… Je crois que vous êtes prêts à … »

Il faut y mettre de la personnalité! Par exemple, en baissant la voix et en demandant aux élèves de s’approcher, pour leur faire ressentir qu’ils sont privilégiés d’entendre le truc que nous allons leur enseigner, en étant un peu théâtrale, ou toute autre façon de faire ressentir les choses aux élèves.

Puis, il faut nommer le point d’enseignement de façon directe, claire et précise, idéalement en une phrase. « Aujourd’hui, je veux vous enseigner que les auteurs… ». Ce point d’enseignement est important, et la façon de l’énoncer aussi.  Il sera répété à chaque partie de la mini-leçon, et les mots que nous utilisons seront souvent ceux écrits sur le tableau d’ancrage.  Ils seront aussi repris lors des entretiens, de l’enseignement en petits groupes, du partage, … Il doit être fort, c’est-à-dire qu’idéalement, il comprend le « quoi, pourquoi, comment et quand » de la stratégie. En une phrase.

Et tout ça (connexion et point d’enseignement) en trois minutes chrono…

Ensuite vient la partie enseignement de la mini-leçon. C’est le moment de démontrer aux élèves de façon explicite comment s’y prendre pour mettre en pratique l’enseignement que l’on vient de nommer.

On répète donc d’abord notre point d’enseignement:   « Maintenant, je vais vous montrer comment les auteurs s’y prennent pour … ».

Pour enseigner une stratégie, un procédé littéraire ou une technique, on utilise souvent le texte modèle. Un album qui démontre bien le genre enseigné et le travail attendu. Il est important que les élèves le connaissent déjà, aient eu du temps pour apprivoiser et apprécier l’histoire, pour ainsi se centrer sur les procédés littéraires que l’auteur a utilisés et que nous voulons enseigner.

J’aime particulièrement utiliser un texte personnel que je prépare à l’avance, avec une partie à ajouter « en direct », ou un texte de classe écrit avec les élèves lors d’une autre leçon. Quand j’écris un texte personnel, je choisis un sujet que je connais vraiment, une histoire qui est déjà arrivée. En plus de me mettre moi aussi dans la peau d’un auteur, les élèves y verront l’authenticité de ce que je leur enseigne et raconte. Les exemples tirés du temps où nous étions enfants sont particulièrement intéressants car les élèves peuvent s’y reconnaître, comprendre les émotions et imaginer le sujet plus facilement, et ainsi se centrer sur la stratégie enseignée.

Quant au texte de classe, tous les moments vécus ensemble, comme groupe, peuvent faire surgir l’idée: l’exercice de feu, la sortie au musée, le dîner de la rentrée, … Les enfants ont tous vécu le moment, ils peuvent donc facilement participer à l’élaboration du texte et être partie prenante de leurs apprentissages.

Comme le temps est compté et que mon but est que les élèves voient les étapes, la procédure, le processus qu’ils doivent s’approprier pour utiliser la stratégie, les élèves savent que c’est le moment où moi je parle et eux écoutent et regardent.  L’atelier d’écriture repose sur une constance dans la structure des périodes, des leçons et même du langage qui supporte l’apprentissage. Les comportements attendus ont donc été enseignés explicitement en début d’année, ce qui permet une meilleure efficacité et une meilleure gestion du temps.

Quand la démonstration commence, je montre et je dis ce qui se passe dans ma tête d’auteur. Je donne un exemple précis, je dis toutes les étapes par lesquelles je passe dans ma tête,  et je le fais, devant eux, dans mon texte. « J’ai terminé mon texte sur… Je vais commencer un nouveau texte. Sur quoi pourrais-je bien écrire? Ah oui, les auteurs, quand ils cherchent une idée, pensent aux endroits où ils aiment aller, aux activités qu’ils font, aux gens qu’ils aiment… Ah! Je pourrais écrire sur… ou sur… J’ai trouvé, je vais raconter … »  Je peux aussi démontrer une stratégie en ajoutant des détails dans mon texte de la façon enseignée. « Y a-t-il un endroit dans mon texte où je pourrais ajouter une émotion, un dialogue? Ah oui, ici, mon frère a dit… Je vais l’ajouter! »

Lors de la partie enseignement de la mini-leçon, on peut aussi  partir d’une question d’e recherche (Comment les auteurs s’y prennent pour…) et les élèves, en pratique guidée, auront à étudier les textes modèles. Textes que j’aurai préalablement choisis et préparés en marquant les pages utiles pour démontrer ce que je veux enseigner. Ils adorent jouer au détective. Les élèves sont évidemment plus actifs que lors de la démonstration explicite par l’enseignante. Par contre, cette pratique demande l’art de diriger les élèves vers les stratégies que nous recherchons, sans en avoir l’air, et de reformuler clairement et de façon précise leurs découvertes, tout en étant ouverte aux belles découvertes que nous n’avions pas anticipées.

Alors que ce soit par une démonstration, la pratique guidée, l’étude de textes modèles ou un exemple, la partie enseignement de notre mini-leçon doit être explicite, claire, précise, et aller droit au but.

Et tout ça en 5 minutes chrono…

Ensuite, place à la pratique guidée, que l’on nomme l’engagement.

C’est le moment où les élèves s’exercent.  Tout le monde essaie la stratégie, avec son partenaire.

Encore une fois, je répète le point d’enseignement:  « Maintenant, à votre tour de … ».

Les partenaires discutent. Selon la leçon, les élèves sont engagés de différentes façons.  Je peux demander aux élèves de réfléchir à la façon d’appliquer la stratégie dans leur texte et de lever le pouce pour me montrer qu’ils ont leur idée:  « Lève le pouce si tu as trouvé une idée d’endroit où tu es déjà allé et dont tu pourrais nous parler. Ou une personne qui est importante pour toi… »  Je peux aussi les inviter à partager leur idée avec leur partenaire: avec l’atelier d’écriture, la phrase « Dis-le à ton partenaire » devient un automatisme et une routine pour les élèves!  Parfois, l’engagement se traduit par un peu de théâtre. Par exemple, pour que les élèves s’exercent à montrer une émotion au lieu de la nommer. Ou pour décortiquer les étapes d’un comment faire. À deux, ils s’aident et se donnent des idées. Je peux aussi leur proposer de s’exercer là, tout de suite, dans leur texte. Parfois, un seul des partenaires a le temps de pratiquer la stratégie. L’autre partenaire apprend quand même, il voit le modèle.  La fois suivante, ce sera son tour. Les élèves partagent leurs idées, se posent des questions, parlent de ce qu’ils remarquent. Mais chaque fois, ils sont en action. Tous.

L’enseignante aussi est engagée:  elle circule, elle écoute, elle répète, elle pose une question, elle encourage, elle félicite.

C’est un temps de pratique court et rapide. L’enseignante laisse environ 2 minutes de discussion, ensuite, elle reprend les rênes.  « Les auteurs, vos yeux et vos oreilles ici. Les belles discussions que j’ai entendues!  J’ai entendu que … et que… . C’est exactement ce que les auteurs se disent quand … (et elle répète, vous l’aurez deviné, le point d’enseignement). »  Peu importe qu’elle l’ait entendu ou pas, l’enseignante donne un exemple de ce qui était attendu comme réflexion ou discussion.  Et si elle l’a entendu pour vrai, alors là, il faut nommer l’élève! Quelle fierté!

Dans ma pratique, c’est l’un des changements qui me plaît le plus, et que j’applique maintenant bien au-delà de l’atelier d’écriture. Les élèves ne sont plus en attente. Ceux qui parlent beaucoup on du temps pour parler. Ceux qui n’osent pas s’exprimer en groupe se sentent plus à l’aise parce qu’ils discutent avec un partenaire avec qui ils sont habitués de travailler. Ceux qui ont tendance à éviter, pour toutes sortes de raisons, lorsque les questions sont posées au groupe, sont happés par l’action:  le rythme de la leçon les stimule.

Et tout ça en 5 minutes chrono…

Puis, il reste une dernière partie à la mini-leçon. La plus courte. Souvent une phrase ou deux. Mais non moins importante que les autres.

Le lien est la partie où je m’assure du transfert, non seulement dans le texte sur lequel l’élève travaille présentement, mais aussi, et surtout, chaque fois que cette stratégie pourra lui être utile.  C’est une partie qui permet de favoriser le travail sur l’auteur et non sur un texte seulement, pour maximiser la pratique à long terme.

Dans le lien, je m’assure de répéter (encore!) l’enseignement visé, en utilisant (encore!) les mêmes mots.  Je rappelle aux élèves quand et pourquoi les auteurs utilisent cette stratégie. Ensuite, j’invite les élèves à l’essayer. C’est une invitation, et non une exigence: la nuance est importante. Certains élèves ne seront pas prêts à l’utiliser immédiatement. Parce qu’ils travaillent une autre partie du processus d’écriture pour le moment, parce qu’ils ne sont pas prêts pour cet apprentissage présentement, ou pour toute autre raison.  Mais ils ont entendu la leçon et l’expérience permet de constater que souvent, lorsque l’enfant est prêt, quelques semaines plus tard, on voit apparaître dans ses textes des éléments que nous croyions qui n’avaient pas été intégrés.

Encore une fois, je m’assure d’être explicite dans les suggestions que je fais aux élèves. « Tout de suite, vous pouvez aller ajouter… dans votre texte. » « Nous avons travaillé …., alors vous allez peut-être choisir de ressortir les textes que vous pensiez avoir terminés et voir comment vous pouvez ajouter … dans ceux-ci ». « À toutes les fois où vous voudrez…, souvenez-vous que vous pouvez… » et mon préféré:  « À partir d’aujourd’hui et pour le reste de votre vie, vous pourrez… »

Puis, je les invite à aller travailler:  « Au boulot, les auteurs! »

Chaque jour, c’est ainsi. Chaque jour, une nouvelle leçon s’ajoute au bagage des élèves: des leçons sur la structure du texte, sur l’élaboration, les procédés littéraires, les conventions. Grâce à la connexion, des liens se tissent entre les apprentissages précédents et entre mes élèves et moi, le point d’enseignement est toujours annoncé de façon claire et précise, puis j’enseigne (c’est ce que j’ai toujours voulu faire après tout!), de façon explicite, en faisant une démonstration. Après, les élèves sont invités à s’exercer avec leur partenaire, en discussion, dans le texte modèle ou dans leur propre texte. Puis, je rappelle aux élèves la stratégie enseignée et les invite à l’utiliser eux aussi comme auteur.

Cette structure de la mini-leçon est l’une des forces de l’atelier d’écriture. La routine, la préparation, le choix de leçon ciblée et la fréquence régulière et élevée des leçons dans une semaine permettent aux élèves de se centrer sur les stratégies enseignées et favorisent le transfert d’un texte à l’autre. Au fil de mes rencontres avec plusieurs enseignantes de différents milieux pour échanger sur l’atelier d’écriture, je me rends compte que cette structure répond à un besoin que plusieurs d’entre nous avions. Même si nous avions déjà entendu parlé et expérimenté l’enseignement explicite, notamment en lecture, il nous manquait le petit quelque chose pour nous permettre d’être efficace dans notre enseignement de l’écriture. Et une  partie de ce petit « quelque chose » se trouve assurément dans la structure de la mini-leçon…