Un article de Martine Arpin

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L’atelier d’écriture, c’est enseigner aux auteurs ce que font les auteurs, et comment ils le font. Les livres modèles, ces livres que l’on aime et qu’on choisit avec soin en pensant aux leçons qui s’en viennent, sont donc indispensables pour montrer aux élèves l’authenticité de ce qu’on leur enseigne, et pour démontrer de façon explicite le processus, les stratégies et les procédés littéraires à enseigner. Et quand un livre nous permet d’aborder plusieurs leçons, nous gagnons en efficacité car les enfants le connaissent tellement bien qu’ils font des liens plus facilement. Et, on le sait, les enfants adorent se faire lire et relire les histoires qu’ils aiment et s’attachent aux personnage qu’on leur présentent…

En début d’année, on prend le temps d’enseigner aux élèves le processus d’écriture. Chaque fois qu’il écrit, un auteur pense à une idée, planifie son texte, écrit, relit, révise et corrige…Peu importe le type de texte. Peu importe le moment de l’année. Peu importe l’âge ou l’expérience de l’auteur. Un auteur pense, planifie, écrit, relit, révise, corrige, puis écrit encore. Quel apprentissage important!

J’ai découvert cette année l’album Rocket écrit une histoire (T. Hills, éditions Scholastic).  Parfois, il y a un livre qui est là, dans la classe, on ne sait pas trop pourquoi ni quand on l’a acheté. Puis, on le redécouvre…et on est agréablement surpris. Et les élèves tombent en amour…

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« Rocket aime même l’odeur des livres. Quand il en ouvre un nouveau, son odeur ressemble à celle d’un lieu où il n’est jamais allé, à celle d’un ami qu’il ne connaît pas encore. »

Rocket aime tellement les livres qu’il décide d’écrire une histoire. Mais il ne sait pas quoi écrire. Son enseignant, le petit oiseau jaune, l’invite à parler de ce qu’il a vu, de ce qu’il aime, de quelque chose qui lui est arrivé, des gens qu’il connaît, des endroits qu’il a vus, d’utiliser ses sens… C’est exactement ce qu’on enseigne aux élèves pour trouver des idées à l’étape de planification!

Puis, Rocket écrit.  Il ajoute des mots, il rature, il relit, il écrit plus. Tout le processus y est.

On peut aussi faire référence au livre de Rocket pour plusieurs autres aspects de l’atelier d’écriture. Par exemple, son enseignant lui pose des questions pour l’aider à ajouter des informations et Rocket lit son histoire à hibou, qui a hâte de savoir la suite: tout cela motive l’auteur qu’il est…Intéressant lorsqu’on aborde l’importance d’un partenaire d’écriture!  Et Rocket n’abandonne jamais. Même lorsqu’il est en panne, il trouve des solutions: On enseigne aussi l’endurance à nos auteurs!

Il aime les mots:  il a un arbre à mots! Avec les petits, lorsqu’on enseigne à étirer les sons pour écrire les mots que l’on ne connaît pas encore  ou qui ne sont pas affichés en classe, on peut y revenir. Et pourquoi pas avoir un arbre à mots nous aussi?

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Dans ce livre, il y a aussi des dialogues, des mots avec une graphie différente, un vocabulaire varié (demande, déclare, crie, explique, s’exclame, …), il y a des actions décrites petit à petit. L’auteur nous montre aussi ce que pense Rocket et ce qu’il ressent, sans toujours le nommer. Ce sont tous des procédés littéraires que nous pouvons enseigner aux élèves.

Et quand on met bien en place le processus d’écriture dès la rentrée, dès les premières leçons, on est gagnant puisque la beauté de la chose, c’est que ce processus reste le même pour tous les types de textes que nous travaillerons durant l’année, et à travers les années:  les auteurs pensent à une idée, planifient ce qu’ils vont écrire, écrivent, relisent, révisent, corrigent puis recommencent… Les techniques et stratégies se raffinent, sont adaptés au texte et à l’âge des auteurs, mais le processus demeure. Alors, lorsqu’on change de module, on peut toujours revenir au même tableau d’ancrage du processus d’écriture, pour que les élèves puissent s’appuyer sur les connaissances qu’ils ont déjà et mieux intégrer les nouveaux apprentissages. Par exemple, lorsque nous travaillerons les textes informatifs, nous garderons le même tableau. Ce sont les stratégies et les procédés littéraires qui changeront, puisqu’on n’ajoute pas des détails de la même façon dans un texte informatif que dans un texte narratif. Mais le processus restera le même:  il devront penser à une idée, planifier, écrire, relire, réviser et corriger, puis commencer un autre texte…

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Il est donc gagnant, dès les premiers instants de l’atelier d’écriture, d’avoir une vision globale des enseignements qui suivront dans l’année, et même de s’intéresser à ce qui suit ou ce qui a précédé dans les autres niveaux, pour s’assurer que nous metttons bien en place toutes les bases qui serviront les élèves durant toute leur vie d’auteur, ou que l’on s’appuie sur ce qu’ils connaissent déjà pour y ajouter de nouvelles connaissances.

Bon. J’ai trouvé une idée d’article. J’ai planifié. J’ai écrit, relu, révisé, réécrit, relu, fait lire à ma partenaire, relu, réécrit, révisé, corrigé…ne reste plus qu’à publier…et recommencer!  Parce que tout comme Rocket, j’aime tellement les mots et ce qu’ils apportent!

Ça, c’était la fin géniale (!) que j’avais trouvée pour cet article…jusqu’à cette conversation avec un élève jeudi dernier:

-Martine, tu les as achetés où les livres de Rocket?

-À la librairie. Tu sais Alexis, par ici, il y a les Éditions Vaudreuil et la Librairie Boyer où j’aime acheter mes livres. Et quand ils n’ont pas le livre que tu cherches, la libraire le commande juste pour toi! Et tu peux aussi aller voir à la bibliothèque.

-Tu peux les écrire sur un papier?  Je vais demander à ma mère d’aller les acheter parce que moi, je l’aime Rocket. Et à la bibliothèque, je vais être obligé de le redonner. (Tiens, il me fait penser à quelqu’un…)

-Ah oui, c’est une bonne idée! Mais en attendant, aimerais-tu en apporter un à la maison ce soir?

Et Alexis qui ouvre les yeux tout grand, hoche la tête vite, vite… Alexis qui a beaucoup de textes commencés, tout plein d’idées, mais peu de mots sur les pages. Parfois même peu de croquis. Qui, un peu pressé, oublie de planifier avant d’écrire. Qui en connaît déjà beaucoup sur la langue mais ne veut pas se tromper, alors il écrit seulement la première lettre des mots car il sait que c’est la bonne, et il copie déjà bien les mots qui sont affichés dans la classe. Qui préfère parfois que son crayon devienne une fusée ou un gratte-nez, ou s’amuser avec la feuille de Megan pour la taquiner.

Et là, tout de suite,  je sais que lors de mon prochain entretien avec lui, Rocket et son livre seront mes meilleurs alliés pour lui démontrer ce qu’il fait déjà d’extraordinaire et ce que je vais lui enseigner pour l’amener à avancer et à relever les défis, un à la fois.

Et que mon article est vraiment terminé…