Un article de Diane Bernier-Ouellette

Tout le travail qui s’effectue présentement dans nos écoles en lien avec les ateliers d’écriture et de lecture entraine des discussions par rapport à l’accompagnement à offrir aux enseignants.

Certes, plusieurs enseignantes plongent d’elles-mêmes, trouvent des réponses, mais il reste que pour assurer que chaque enfant, de chaque classe, de chaque école ait droit à cet enseignement exemplaire, il est essentiel que les directeurs d’école et de commissions scolaires soient intentionnels dans leur approche et assurent l’appui, le temps et les ressources, ainsi qu’une communauté d’apprentissage et de pratique pour les enseignants. Cela doit devenir un engagement de toute l’école, idéalement de la commission scolaire.

Nous apprenons à partir de modèles, d’enseignement, de pratique, de rétroaction, au sein d’une équipe qui nous appuie et qui nous inspire continuellement à dépasser notre propre niveau de compétence.

Dans mon milieu, il y a des mentors en littératie à temps partiel dans chaque école. Il se peut que dans le vôtre, cette personne soit nommée autrement. Pour nous, un mentor en littératie est un leader qui travaille de concert avec les enseignants, les administrateurs, le personnel scolaire pour améliorer le rendement des élèves en littératie. Voir le document ci-joint: Mentorat en littératie.

Notre équipe de mentors passe beaucoup de temps présentement à appuyer les ateliers d’écriture, car c’est le domaine qui fut identifié dans notre province comme ayant le plus besoin d’amélioration. Les modules appuient ce travail.

 

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L’équipe de mentors discute suite à un perfectionnement commun. Comment est-ce que nos nouveaux apprentissages informeront notre pratique?

Ce dont nous discuterons dans le présent article dépendra largement du leadership de la direction qui fera l’objet d’un autre article.

Par exemple, il va sans dire que l’alignement au niveau des croyances, de la vision et des attentes, la disponibilité des ressources et du temps sont tous des éléments indispensables. Pour l’instant, concentrons-nous sur un des éléments qu’un mentor peut appuyer dans une école afin d’assurer que chaque élève ait droit à cet enseignement exemplaire : le perfectionnement.

Fournir du perfectionnement pour toute l’école

Au début de l’implantation et tout au long, il est important de regrouper tout le personnel et de construire une compréhension commune des connaissances reliées à l’atelier : le quoi, le pourquoi. Le mentor peut fournir ce perfectionnement, mais nous pourrions aussi inviter une personne de l’extérieur.

La salle de classe : le terrain d’apprentissage idéal

Une fois le court perfectionnement de base complété, l’approche que nous privilégions est d’aller en salle de classe et d’apprendre côte à côte avec l’enseignante.

Oui, nous avons besoin de nous parler sans que les élèves soient présents et il y aura d’autres ateliers génériques, mais ceux-ci seront nourris par notre travail collaboratif en classe.

Voici comment nous avons approché l’implantation des modules d’écriture au cours des deux dernières années. Pour en savoir plus au sujet de notre travail collaboratif, voir l’article publié dans Vivre le primaire intitulé (été 2017) intitulé : Le mentorat : un exemple de collaboration professionnelle appliquée à l’atelier d’écriture.

Pour les nouvelles enseignantes, l’accompagnement est un incontournable. Pour les autres, notre accompagnement se fait d’abord auprès des personnes qui veulent continuer d’approfondir leur enseignement. Nous n’imposons rien. D’ailleurs, tout comme l’évaluation du personnel, ça ne tomberait jamais dans notre rôle de faire cela. Nous préférons créer un engouement, des communautés de pratique passionnées.

Préparation

Une à deux semaines avant le début de l’enseignement, une première rencontre a lieu entre le mentor et l’enseignante (parfois 2 ou 3 enseignantes) afin de faire un survol des grandes lignes du module. À cette rencontre, nous arrivons avec calendriers, cafés et chocolats et nous :

  • examinons le tableau-synthèse des leçons;
  •  visionnons la vidéo d’introduction au module du Teachers College;
  •  choisissons une date de début et de fin du module et identifions des dates fermes pour la première partie et pour les autres;
  • faisons un survol des premières leçons;
  • décidons qui enseignera quoi les premiers jours;
  • identifions le matériel nécessaire.

Une deuxième rencontre peut avoir lieu afin de lire et comprendre les autres leçons. Lorsque nous manquons de temps, nous les lisons chacune de notre côté, sachant que, en les vivant et en les discutant, nous nous les approprierons.

Avant le début du travail en classe, enseignants et mentors rassemblent le matériel : livres modèles, stylos, papier, dossiers, etc.

 

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Des enseignantes planifient leurs mini-leçons.

 

Enseignement dans la classe

Lorsqu’il s’agit de nouvelles enseignantes ou de collègues qui sont nouveaux aux modules, il se peut que le mentor enseigne les premières leçons tout en faisant place à la discussion tout au long. C’est un modelage commenté. Cela dit, nous mettons au clair dès le départ, qu’un transfert graduel se fera et que tous enseigneront, car pour apprendre … il faut pratiquer.

Donc assez rapidement, le mentor et l’enseignante feront plutôt du co-enseignement. Souvent les personnes nouvelles aux ateliers, choisiront d’abord de faire la mise en commun et le mi-atelier, puis elles s’approprient la mini-leçon et l’entretien.

Ce partenariat est gagnant-gagnant : il aide l’enseignante à comprendre la philosophie derrière la ressource ainsi que son utilisation à mesure que nous avançons et le mentor développe des compétences qu’elle peut réinvestir.

Cela aide aussi dans les ateliers génériques : en tant que mentor je cumule des exemples d’élèves, des conseils, etc. Cette classe que je partage avec une collègue peut devenir un «laboratoire» d’apprentissage pour d’autres enseignants. L’enseignante de la classe devient également une personne à qui les autres enseignants peuvent s’adresser pour de l’appui et ainsi la communauté se développe.

Lorsque j’accompagne à l’aide d’un module que je n’ai jamais essayé, je participe au co-enseignement de plusieurs leçons afin de me l’approprier. Lorsque c’est un module que j’ai déjà enseigné ou lorsque l’enseignante en est à sa deuxième ronde, je participerai à quelques leçons seulement, ciblant l’approfondissement d’un point en particulier.

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L’enseignante et le mentor pendant la mini-leçon. L’enseignante enseigne.
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L’enseignante et le mentor pendant la mini-leçon. Le mentor enseigne.

Objectivation

En situation de perfectionnement, nous discutons tout au long de l’atelier. Cela dure une minute ici et là mais c’est important. En fait, nous modelons les questions que devrait se poser une enseignante une fois seule. Exemples : Pourquoi avons-nous dépassé le temps de la mini-leçon? Basé sur l’engagement actif, avec qui voulons-nous débuter les entretiens?

Après la leçon, d’autres questions s’imposent: Que manque-t-il pour demain? La leçon du milieu devrait-elle être faite sur mesure?

Parfois, les discussions entre les leçons se font par courriel ou via Google Doc. Après chaque partie par contre, nous nous rencontrons face à face et faisons le bilan du progrès des élèves, décidons si nous devrions intercaler une leçon, changer quelque chose dans la liste de vérification, ce que nous devons lire.

Des observations surgiront qui auront un impact dans d’autres parties du programme de littératie. Exemples : Nous devrons enseigner davantage à étirer les mots pendant l’écriture interactive, nous devons développer certaines structures à l’oral ou encore nos élèves porteront davantage attention aux conclusions lors des lectures à haute voix.

L’accompagnement – quelques leçons apprises

Nous sommes loin d’être des expertes mais nous commençons à cumuler des principes qui nous guident. En voici quelques-uns :

Principes généraux:

  •  Nous enseignons des élèves et non des modules. Nous apprenons à enseigner l’écriture À L’AIDE des modules.
  • La première année qu’on s’approprie un module, le travail peut être accablant et désordonné. Après, c’est beaucoup plus facile.
  • Nous allons tous être déstabilisés : enseignants ET mentors. C’est ça apprendre!
  • Demeurons positives tout en restant à l’écoute des inquiétudes.
  • La magie s’opère pendant les entretiens et le travail indépendant.
  • Garder en tête les grandes idées/point d’enseignement de chaque leçon.
  • Il faut des bons livres mentors.
  • Garder des traces afin de se monter des trousses pour les entretiens pour la prochaine ronde.

Lorsqu’on débute:

  • Pas de jugement, juste du temps pour essayer.
  • Rassurer les enseignantes que les élèves ne sont pas censés maitriser les habiletés enseignées dans les mini-leçons le même jour. Tout revient en spirale : gardez l’énergie et le rythme, vous verrez des résultats.
  • Au début, se préoccuper surtout de la mini-leçon et amener les élèves à écrire avec indépendance afin que vous puissiez faire des entretiens.

La 2e fois et + qu’on enseigne avec les modules:

  • Enseigner une partie du module de l’année précédente peut « mettre la table » pour le nouveau module.
  • Visionner/discuter des vidéos.
  • Être plus vigilant à garder la mini-leçon « mini ».
  • Perfectionner nos mini-leçons  et nos entretiens. Ensuite, ajouter le travail de petits groupes et examiner l’évolution des compétences d’une année à l’autre.
  • Développer davantage le travail d’autorégulation (s’autoévaluer, se fixer des buts, etc.)
  • Se monter des trousses pour les entretiens et les petits groupes.
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Des mentors et des enseignantes pratiquent leur mini-leçon.

Cela prend des années à installer des pratiques complexes qui assurent la réussite de tous. Je crois qu’un de nos plus grands rôles comme leadeur, une fois que nous avons établi la bonne vision, est d’encourager et rassurer les gens que nous visons le progrès et non la perfection. C’est correct de ne pas savoir, de faire des erreurs, de ne pas avoir tout en place au début.

Il s’agit de continuer de surveiller l’impact de notre enseignement sur l’apprentissage des élèves, de demeurer concentrés sur nos buts ambitieux, éviter les distractions, sachant que si nous persévérons, les élèves les atteindront.

Encourager une culture de collaboration où tous les adultes sont des étudiants de leurs propres pratiques et qui se réalignent lorsque l’apprentissage ne se réalise pas, ce n’est pas facile mais c’est un des petits miracles que peuvent accomplir des mentors qui sont appuyés par la direction scolaire.