Un article d’Isabelle Robert
C’est à la fin du mois de septembre que mes élèves ont vécu leur première célébration. Ils ont travaillé fort en écriture pendant les quatre premières semaines de classe. C’est énormément d’apprentissages et de temps de pratique pour ces petits de première année qui ont tant à découvrir à propos de la lecture et de l’écriture. Mes élèves écrivent depuis le premier jour, et moi, j’enseigne ce qu’ils ont besoin de savoir pour être plus efficaces, plus clairs, plus précis et pour que la créativité puisse prendre son élan. Ils écrivent. Je regarde leurs écrits. J’enseigne. Ils écrivent. Je regarde leurs écrits. J’enseigne. Ils écrivent… Et je vois les écrits se transformer sous mes yeux.
Quatre semaines, c’est parfait pour s’arrêter et publier un premier texte. C’est parfait pour s’arrêter et réfléchir au chemin parcouru. C’est parfait pour que les élèves prennent conscience du genre d’auteur qu’ils deviennent.
On a donc célébré les auteurs qu’ils sont.
Comparer le premier texte de l’année avec le texte publié quatre semaines plus tard fut vraiment amusant pour certains élèves, une révélation pour d’autres et une tape dans le dos pour plusieurs. Tout ce temps d’écriture est payant, c’est unanime. Écrire demande beaucoup d’effort et de travail, c’est unanime aussi. Et le plus important, c’est qu’ils savent maintenant qu’ils ont un contrôle sur ce qu’ils produisent.
Mais quel style d’auteur es-tu devenu? Quand tu regardes ton travail, qu’est-ce qui te rend fier? Voilà les questions qui étaient au centre de cette célébration.
Et ils ont nommé une foule de raisons d’être fiers de leur travail. Ces fiertés (ou accomplissements) je les ai notées sur une grande feuille de mon chevalet.
Je mets beaucoup de détails.
J’écris sur plusieurs pages.
Je fais des espaces entre les mots.
J’écris beaucoup.
J’écris plusieurs phrases par page.
J’utilise bien les mots du mur.
J’étire mes mots pour écrire tous les sons.
Je travaille vraiment fort.
J’aime mon texte!
J’enseigne beaucoup aux lecteurs.
J’ai beaucoup d’idées.
Mes illustrations sont belles.
C’est facile de lire mon texte.
Je trace de belles lettres.
…
Écrire est une activité cognitive complexe. Encore plus quand on apprend à écrire. Écrire, c’est orchestrer plusieurs habiletés et stratégies pour arriver à communiquer par écrit un message quelconque avec une intention quelconque. Nommer ce que les élèves font permet de mettre des mots sur les actions qu’ils posent et sur les décisions qu’ils prennent, car souvent ils n’ont pas conscience de tout ce qu’ils font quand ils écrivent. En entretien, il suffit de leur demander : « Que fais-tu aujourd’hui en tant qu’auteur? », « Euh, j’écris… », répondent-ils souvent. Quand on identifie avec les élèves tous les gestes qu’ils posent, petits et grands, cela leur permet de se connaitre en tant qu’auteur et de réaliser qu’ils ont le contrôle sur la tâche. C’est immense.
En plus de nommer leurs accomplissements, la liste des fiertés représente des possibilités, des habiletés, des stratégies, des attitudes à adopter: faire des espaces entre les mots, utiliser les mots du mur, écrire plusieurs pages, écrire plusieurs phrases par page, mettre beaucoup de détails… Ceci nous sera utile pour la suite des choses.
Après avoir énuméré tous ces gestes, j’ai invité mes élèves à observer à nouveau leur texte dans le but d’y trouver toutes les raisons qu’ils avaient d’être fiers. Leurs accomplissements personnels. Ce qui les définit en tant qu’auteur. Et chaque élève a écrit ses propres fiertés sur une feuille que nous avons agrafée au dos de son livre avant de nous rendre à la maternelle. Vous pouvez imaginer comment ils se sont sentis au moment de montrer à leur enseignante de l’année dernière les auteurs qu’ils sont devenus. Ce fut un grand moment.
Il n’y a rien de mieux que d’être reconnu pour ce que l’on fait et d’être célébré pour qui on est.
Le jour suivant cette belle célébration, nous étions de retour au travail. Tant de choses à apprendre encore sur l’écriture. Faudra y mettre beaucoup de temps, tous les jours. Les élèves se connaissent mieux et cela leur permet de viser de nouveaux objectifs. La fluidité viendra bientôt, mais le plaisir à se dépasser est déjà bien présent.