Un article d’Isabelle Robert
En janvier dernier, dans ma classe de première année, nous avons vécu notre deuxième bloc de clubs de lecteurs. Cette fois-ci, nous avons lu des documentaires. Pour m’aider à planifier ce bloc, j’ai relu le livre de Kathy Collins, Reading for Real, j’ai lu le livre de Manon Hébert, Lire et apprécier des romans en classe, j’ai eu des discussions avec mes collègues et je me suis posé la fameuse question : qu’est ce que je veux que mes élèves apprennent lors de ces clubs de lecteurs?
Ce qui est intéressant dans tout ça, c’est que je ne suis pas la seule enseignante de mon école à avoir de l’intérêt pour faire vivre des clubs de lecteurs à ses élèves. Mettre en valeur les lecteurs est notre but ultime, c’est ce qui guide nos actions chaque jour. J’ai l’occasion d’en discuter avec mes collègues, avec des conseillères pédagogiques et aussi avec Martin Lépine, un chercheur de l’Université de Sherbrooke très impliqué dans le développement de la littératie. Le partage de nos expériences, les échanges à propos de nos stratégies et de la façon dont on s’y prend enrichissent nos pratiques.
Pour les clubs de lecteurs de documentaires, les élèves devaient choisir un sujet à étudier plus en profondeur et se mettre en équipe avec les lecteurs qui avaient choisi le même sujet qu’eux. Ce qui est bien avec les documentaires, c’est que des livres sur les grenouilles, sur le système solaire, sur les loups ou sur d’autres sujets intéressants comme ceux-ci, on en trouve pour tous les lecteurs, peu importe leur niveau de lecture. C’est le choix des élèves pour un sujet à propos duquel ils veulent en savoir plus qui guide la formation des clubs. Une belle façon de favoriser l’engagement de tous. Si j’avais opté pour un club de lecture, cela aurait été plus compliqué, car mes lecteurs de première année ne lisent pas tous des livres du même niveau de lecture. C’est ce qui distingue les clubs de lecteurs, différents livres sur un même sujet, des clubs de lecture, même livre pour tous les membres du groupe.
Pour la formation des groupes, j’ai opté pour des clubs de trois ou quatre élèves. Je trouve ainsi qu’il est plus facile pour eux de prendre la parole, d’attendre leur tour et de s’écouter (le fait d’être tout près l’un de l’autre, ça aide).
Mes objectifs d’apprentissage:
- Transférer les apprentissages faits lors des ateliers de lecture et mettre à profit les stratégies de lecture apprises, sans le soutien de l’enseignante;
- développer l’habileté à coopérer: travailler de façon harmonieuse ensemble, s’écouter, participer activement, attendre son tour, se préparer pour le club;
- développer l’habileté à converser à propos de lecture : parler de ses lectures, se référer au répertoire de façons de débuter une conversation (au besoin), donner des exemples dans le texte;
- développer l’habileté à collaborer: faire grandir les conversations en ajoutant des propos à la conversation, demander de clarifier quand on ne comprend pas…;
- réagir à ses lectures et partager des appréciations;
- développer un sentiment d’appartenance à une communauté de lecteurs.
J’ai planifié des leçons de club pour deux semaines. Je trouve que pour des petits, parler d’un même sujet durant deux semaines est suffisant. J’ai d’abord fait la liste des points d’enseignement, j’ai ensuite choisi plusieurs livres modèles d’un même sujet pour mes démonstrations et enfin, j’ai trouvé un titre pour mon tableau d’ancrage.
Voici ma première leçon :
Le point de départ
Point d’enseignement: Aujourd’hui, je veux vous enseigner que lorsqu’on fait partie d’un club de lecteurs, on n’oublie pas ce qu’on a déjà appris en tant que lecteur pendant l’atelier de lecture. On peut donc regarder une stratégie de notre tableau d’ancrage comme celle-ci (pointer la première stratégie) et se rappeler qu’on commence à apprendre en jetant un coup d’œil aux livres. Ensemble, on peut donc examiner nos livres et échanger sur ce qu’on apprend dès maintenant.
Lors d’un club de lecteurs, la période de lecture qui suit immédiatement la mini-leçon est habituellement consacrée aux échanges avec les partenaires du club. Ensuite, on laisse du temps pour la lecture indépendante. Avoir des conversations de lecture, c’est super, mais il ne fait pas oublier d’offrir du temps de lecture individuelle aux élèves. C’est essentiel!
Les entretiens de clubs sont vraiment importants, car c’est lorsque les élèves sont en action qu’on peut réellement savoir ce qui s’y passe et relever ce qu’ils ont besoin d’apprendre pour devenir plus efficaces dans leurs échanges, ce qu’il faudra leur enseigner. Il y aura sans doute des conflits au sein des clubs. Ce sera l’occasion de leur rappeler que vous avez confiance en eux dans la résolution de leurs problèmes. On peut les assister, présenter des choix, mais au bout de tout ça, on voudra qu’ils trouvent eux-mêmes une solution.
J’aime bien filmer des bouts de conversations pour les analyser avec les élèves par la suite. Avant le visionnement avec le groupe, je cible un objectif d’observation tel que l’implication de chacun à la conversation, la façon de s’écouter, comment rester dans le sujet ou sur quoi ils ont conversé… Cela aide les élèves à se faire une idée de ce qu’on attend d’eux. Après le visionnement, on ajoute parfois une nouvelle stratégie sur un de nos tableaux d’ancrage ou on nomme les stratégies qui ont été utilisées dans la conversation pour associer ce que l’on voit à un élément du ou des tableaux d’ancrage.
Voici d’autres points d’enseignement de mini-leçons de clubs de lecteurs :
Parler de lecture
Point d’enseignement: Aujourd’hui, je veux vous enseigner que lorsqu’on rencontre d’autres lecteurs qui étudient le même sujet, on peut parler d’un passage du livre et dire ce qu’on en pense. On peut dire : Dans cette partie, on parle de _____________. Ça m’a fait réfléchir sur____________. Ensuite, les autres lecteurs peuvent ajouter ce qu’ils en pensent aussi.
S’assurer de bien comprendre
Point d’enseignement : Aujourd’hui, je veux vous rappeler qu’il est important de toujours surveiller sa lecture pour s’assurer qu’on a bien compris ce que le livre nous apprend pour pouvoir en parler aux autres lecteurs. Lorsqu’on n’est pas certain de comprendre et qu’on a utilisé toutes les stratégies que l’on connaît pour essayer de comprendre, on peut demander l’aide des autres lecteurs du club en marquant le passage qui nous pose problème pour en discuter ensemble.
Faire grandir une conversation sur un sujet
Point d’enseignement: Aujourd’hui, je veux vous enseigner qu’un club de lecteurs peut parler d’un sujet très longtemps pour permettre aux lecteurs de faire grandir leurs idées avec celles des autres. Pour y arriver, les lecteurs choisissent ensemble un sujet précis qui se retrouvent dans plusieurs de leurs livres et disent tout de qu’ils connaissent à ce sujet et tout ce qu’ils en pensent.
Se questionner et partager ses questionnements pour essayer de trouver des réponses
Point d’enseignement : Aujourd’hui, je veux vous enseigner que lorsqu’on lit des documentaires, il est important de chercher à apprendre toujours plus. L’une des façons d’y arriver est de s’arrêter de temps en temps pour se poser des questions sur ce qu’on vient de lire. Ensuite, on peut noter ces questions pour les partager aux autres lecteurs du club afin d’essayer d’y répondre ensemble.
Toutes ces leçons représentent des possibilités qui se trouvent dans un répertoire. Ultimement, on souhaite que les membres du club décident eux-mêmes ce qu’ils feront dans leur club. Pour l’instant, on apprend une possibilité à la fois, mais chacune d’elle demeure disponible pour toutes les rencontres qui suivront et pour tous les autres clubs de lecture que les lecteurs vivront.
À la fin des deux semaines, on doit trouver une façon de partager ce qu’on a tiré de nos conversations. On souhaite présenter le fruit de nos apprentissages, de nos découvertes, peut-être même donner le goût aux autres d’aller lire à ce sujet. On veut célébrer notre travail de lecteurs. Cette fois-ci, pour se préparer au partage, les élèves se sont regroupés en club de lecteurs et ils ont écrit dans leur carnet de lecture. Ils ont fait des croquis, écrit des mots-clés, dessiné ce qui les avait marqués… Ce carnet est nouveau dans leur vie de lecteur, c’est pourquoi un travail de partage d’idées et de moyens de les représenter est nécessaire. Ensuite, ils ont partagé ce travail avec d’autres lecteurs de la classe.
Deux semaines de clubs de lecteurs, c’est loin d’être suffisant pour atteindre tous ces objectifs. Il y aura d’autres clubs de lecteurs. D’ici là, plusieurs habiletés seront travaillées lors des lectures en tandem, lors du travail dans d’autres matières et à différentes occasions pendant la journée.
Les discussions en grand groupe à la suite d’une lecture à voix haute ou interactive contribuent grandement à développer leurs habiletés de conversations de lecture. Lors de ces séances, on développe notre répertoire d’idées à partager lors des conversations et on s’exerce à le faire avec fluidité. Les élèves apprennent à se donner la parole et à s’écouter pour pouvoir poursuivre la conversation. Après la lecture d’un texte narratif, ils partagent des théories sur la leçon qu’apprend le personnage, ils parlent des caractéristiques des personnages, ils font des liens avec leur vie ou avec d’autres lectures et plus encore. À six ans, on peut faire ça… et ça m’épate!
Ces conversations de lecture ne sont pas parfaites. Il y en a de meilleures que d’autres. Je travaille sur les objectifs que je me suis fixés et je m’ajuste quand il le faut. Je travaille pour le long terme aussi. Je pense à mes collègues qui amèneront les élèves encore plus loin dans les conversations de lecture. On travaille ensemble pour leur vie de lecteur. Pour former des lecteurs réflexifs. Pour qu’ils profitent des échanges avec les autres pour mieux comprendre, interpréter, réagir et apprécier… Pour grandir en tant que lecteur.