Un article de Marlyn Grant

La lecture à voix haute fait partie d’un modèle de littératie équilibrée. Elle soutient l’enseignement réalisé dans le cadre des ateliers de lecture.

Premièrement, pour la lecture à voix haute animée par l’enseignant, on choisit un livre intéressant et accessible pour développer une conversation avec les élèves. On peut utiliser à peu près tous les genres de livres: narratifs, informatifs, nivelés, des poèmes, des chansons, etc. Le but est d’amener les élèves à faire une réflexion plus profonde sur le texte et de les aider à développer leur pensée, les faire aller plus loin. Cela les aide à mieux comprendre et à mieux interpréter le livre, à y réfléchir en groupe et, bien sûr, à faire des liens qu’ils n’auraient pas pu faire seuls, en lecture autonome. En les accompagnant dans ce processus, nous travaillons, entre autres, la compréhension en lecture. On dit que lire c’est construire du sens, et construire du sens passe notamment par une compréhension fine du livre. Essayons donc, lors de lectures à voix haute, d’être explicite et de leur montrer comment le faire en grand groupe pour qu’ils y arrivent ensuite avec leur partenaire et enfin seul, de façon autonome.

Deuxièmement, on doit prendre le temps de bien préparer la lecture du livre, de bien le connaitre, et ce, sous toutes ses coutures. On commence par noter quelques pistes de discussion, des questions, on choisit certains endroits dans le livre qui nous semblent propices à des arrêts stratégiques, et aux interrogations qu’on pense que les élèves auront.  On doit faire un juste mélange de questions, de commentaires personnels, de réflexions, de  « Tourne et Parle » ¹, de passages qu’on veut souligner, d’illustrations qu’on veut qu’ils remarquent, de mots plus difficiles qu’on veut expliquer.
En ce sens, on ne fait pas un arrêt à toutes les pages pour garder un certain rythme de lecture. Les enfants doivent être engagés. On veut qu’ils deviennent de bons «auditeurs ».  Notre but est d’augmenter le niveau de questionnement et de réflexion des élèves. Il faut personnaliser son enseignement de la lecture, l’adapter à ses élèves.

La durée des lectures à voix haute avec conversations est d’environ 20 minutes, à une fréquence d’une fois semaine. Cette lecture se doit d’être préparée. Il y a un avant, un pendant et un après la lecture. En voici la description:

Avant la lecture

On explique ce qui a motivé notre choix:  Pourquoi ce livre? On peut raconter l’histoire du livre, comment on l’a découvert. C’est un détail personnel intéressant à partager avec nos élèves , d’une durée de quelques secondes, qui permet aux élèves de nous connaitre un peu plus. Mais ce n’est pas une obligation… Voici quelques exemples :
« C’est un de mes livres préférés parce que …. »
« J’étais dans la librairie et dès que j’ai vu la couverture de ce livre j’ai été attiré! »
« C’est une bonne copine qui me l’a offert… »

On peut faire des liens avec d’autres livres, d’autres auteurs, et même en inventer!

Aussi, on peut faire une courte introduction du livre pour donner du support aux lecteurs avant la lecture si c’est nécessaire. On lit le titre, on nomme l’auteur, l’illustrateur. On prend le temps d’observer la page couverture, de lire le résumé s’il y en a un. On peut commenter la page de garde, relire le titre, dire un peu ce que l’on pense. On peut déjà leur poser des questions sur ce qu’ils pensent qui va se passer, et leur demander de le partager avec leur partenaire (tourne et parle), ou tout simplement le modéliser en verbalisant à voix haute notre façon d’y réfléchir.

En fait, on veut les aider à prédire et à déjà commencer à comprendre le livre. On connait nos élèves, on peut donc anticiper, mais rester à l’écoute, être souple et ne pas hésiter à modifier nos plans. On travaille à amener les élèves là où on veut aller.

Pendant la lecture
Il faut être le plus naturel possible lors des conversations, être authentique. On peut essayer de le voir comme un jeu de « tague »: on commente ou pose des questions et eux pensent, répondent, ou partagent avec leur partenaire. On peut parfois leur demander de penser seulement, sans parler et ensuite on partage ou pas, et on essaie de ne pas trop faire de « Tourne et parle ».

Quelles sont les questions qu’on doit choisir, les commentaires qu’on peut dire ?

Ce n’est pas toujours facile de décider. Il faut être flexible pendant la discussion, ne pas s’en tenir qu’à nos questions, qu’à notre préparation.
La conversation doit être à propos du texte, on doit rester dans le sujet, sinon on les ramène. On pense à donner du crédit aux enfants en leur demandant ce qu’ils en pensent, les faire participer, on peut même leur dire que nous ne comprenons pas trop : « Pouvez-vous m’aider? » L’auteur a pris des décisions, on peut essayer de les comprendre. On donne notre opinion. On peut leur faire imiter le personnage, par exemple, s’il est fâché, leur demander de faire un visage fâché. Et on peut en profiter pour discuter des moments où nous sommes fâchés.

Après la lecture
À la fin du livre, on va leur demander ce qu’ils ont retenu. En fait, on veut faire un bref rappel. Rapide, intéressant. Et si quelqu’un ne comprend pas quelque chose, on peut préciser et expliquer. On rassemble ses pensées, ses idées. Ensuite, on peut leur demander de dire à leur partenaire leur pensée. On tente d’équilibrer la discussion entre les enfants et l’enseignant, et redire les propos des élèves. On peut commencer la conversation, pour qu’ensuite eux la poursuivent. On peut « mentir » pour apporter des propos comme : « J’ai entendu un élève dire que … ».
Idéalement, on va poser une question « profonde » à la fin. Par exemple : Qu’est-ce qui a changé pour ce personnage? C’est une façon d’installer la discussion. On peut revenir sur ce qu’on a dit, utiliser les preuves ou indices du texte. On peut en parler et les montrer dans le livre, utiliser un langage spécifique, celui du livre. « Pourquoi aimes-tu cette page? Tu dis que c’est drôle? Montre-moi ce que tu trouves drôle. » Quand un enfant apporte un autre point de vue, on essaie de l’alimenter si c’est possible, qui sait, cela génèrera peut-être d’autres questions ou, cela poussera peut-être la discussion plus loin. Par exemple:  » Est-ce qu’il y a une autre façon de voir ce personnage? » Et si personne ne le dit … Provoquer! Leur permettre d’entendre d’autres alternatives, d’autres hypothèses. Si on parle trop, les enfants ne participeront pas beaucoup, d’où l’importance du rythme, de l’échange.

Pour conclure, ce type de lecture peut prendre quelque temps avant d’être efficace. Encore une fois, c’est en enseignant aux élèves comment le faire explicitement, et en leur lisant régulièrement qu’ils développeront leurs habiletés à comprendre ce qu’ils lisent, à développer leur pensée.

Voici quelques titres que j’utilise pour la lecture à voix haute :
Guili lapin, de Mo Willem
Stella, de Marie-Louise Gay
Histoires d’animaux, Le loup Bayard Éditions
Mon chapeau, de John Klassen

Et voici une vidéo qui vous aidera à voir comment ça se traduit en salle de classe.
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(1) Explication des « Tourne et Parle » : Chaque fois que nous lisons à voix haute, je demande aux élèves de se placer à côté de leur partenaire de lecture. À certains moments pendant la lecture, je vais demander aux élèves de discuter avec leur partenaire. Comme je ne peux pas écouter tous les propos des élèves, cela leur permet d’être entendus, de pouvoir échanger, d’écouter une opinion qui peut être différente. C’est d’une durée maximale de 2 à 3 minutes. Pendant ce temps, on s’approche des élèves pour les écouter, et on peut ensuite, si nécessaire, reprendre leur propos.

Article inspiré de plus d’une conférence avec l’auteure et professeure au TCRWP Kathy Collins