Un article de Martine Arpin
La nouvelle année, c’est le temps des bilans, des réflexions, des nouveaux défis. Je ne prends pas de résolutions: je ne les tiens pas (ma nouvelle tuque et mon nouveau « kit » pour aller courir l’hiver (on se motive comme on peut…) ont toujours leur étiquette du magasin et se sentent très bien, au chaud, dans mon armoire…). Par contre, j’aime bien prendre le temps de réfléchir, de m’inspirer de certaines citations et lectures, de prendre du temps, dans le tourbillon de ma vie, pour penser à ce que je veux et que je ne veux pas…
Janvier, c’est un bon temps pour voir si ce qu’on a mis en place depuis la rentrée porte fruit, si notre classe roule comme on l’avait souhaité et imaginé. On peut apporter des changements si nécessaire, puisqu’il reste encore de beaux mois devant nous. Quand je réfléchis à ce que je fais, ce qui se passe dans ma classe et ce qui s’en vient, voici mes 10 résolutions (que j’espère bien tenir…):
- Équilibrer mon enseignement de l’écriture
La balance, c’est une image que j’aime. Dans la vie, tout est une question d’équilibre : le vin, le chocolat, le nombre de robes, les visites à la librairie…
Je dis souvent : « Pas toujours, mais pas jamais non plus… »
L’écriture est l’une des activités qui demande de mobiliser le plus de concepts en même temps. Il faut d’abord penser à son idée, mais la mettre sur papier aussi: la calligraphie, l’automatisation du geste, le nom et le son des lettres, la grammaire, l’orthographe, la syntaxe, les genres littéraires, le processus d’écriture, les procédés littéraires, les techniques d’auteur… Autant dans mes leçons d’enseignement explicite que dans mes entretiens avec les élèves et les autres aspects de ma routine de classe axés sur la littératie, je veux m’assurer de bien équilibrer mes interventions en fonction des besoins, des objectifs, des défis de chacun dans le cadre d’enseignement de mon programme d’étude mais aussi avec tout ce que je connais maintenant de l’écriture.
- Bien gérer mon temps
Mon amie et collègue Julie a assisté cet été, au Teachers’ College, à des ateliers avec Natalie Louis. Celle-ci faisait remarquer aux enseignants qu’il n’est pas logique de passer une heure à préparer une mini-leçon qui devrait durer 10 minutes en classe, et alors de ne plus avoir de temps pour préparer les entretiens, qui sont pourtant une partie essentielle de notre travail pour améliorer les compétences des élèves. Et elle a bien raison! Oui, au départ, on se familiarise avec une nouvelle approche, on aime voir comment sont construites les leçons et surtout, comment les enseignantes si compétentes qui les ont construites s’y prennent pour engager les élèves et enseigner d’une façon si puissante, mais, expérience aidant, non, je ne veux plus passer plus d’une heure à planifier ce qui est déjà planifié dans les modules! J’ai lu quelque part (je crois que ça vient de Lucy Calkins…), que les modules sont là pour permettre aux enseignants d’arrêter de planifier pour pouvoir enfin enseigner… j’adore cette image!
- Continuer à cultiver un esprit de groupe et une ambiance de classe propices aux apprentissages
En 2017, ma rencontre coup de cœur a été celle avec Peter H. Johnston (vous pouvez consulter l’article ici ). Cet homme inspirant a amené plus loin mes réflexions sur le milieu de vie que je crée pour mes élèves. L’authenticité, le respect, le droit à l’erreur, le besoin de l’autre, les forces de chacun… C’est dans cet esprit que les apprentissages peuvent s’élever mais aussi que les élèves peuvent grandir en tant que personnes et humains.
- Apprendre à écouter les élèves
Apprendre à les écouter vraiment. Apprendre à accueillir ce qu’ils me disent lors des entretiens et à saisir l’opportunité de leur enseigner quelque chose pour les amener plus loin dans leur travail d’auteur. L’expérience me permet de mieux connaitre les genres littéraires que j’enseigne et des techniques et procédés pour chaque partie du processus d’écriture, ce qui me donne un bagage dans lequel puiser pour décider quoi enseigner, tout en sachant que je me trompe parfois, et que l’élève ne s’en trouvera pas plus mal. Trouver l’outil de consignation qui me convient et me servir de celui-ci pour mieux planifier mes entretiens et mon enseignement. Comme la rétroaction en cours d’apprentissage est un moteur puissant pour l’amélioration des compétences, je doit m’assurer que suis efficace dans ce domaine. Ce qui est bon pour les élèves l’est pour nous aussi : pour s’améliorer, ça prend de la pratique. Alors je ferai des entretiens, des entretiens et des entretiens.
- Lire et découvrir de nouveaux auteurs, ou redécouvrir ceux que j’aime
L’atelier d’écriture amène un nouveau regard sur les livres que je connais ou que je découvre. Les livres des auteurs qu’on aime nous servent de modèles et peuvent devenir des collègues parfaits pour nous aider à enseigner l’écriture! Et mieux encore, j’aime faire venir les auteurs à nous! Cette année, nous recevrons à l’école Marisol Sarrazin, Marianne Dubuc et Mathieu Lavoie. Il est important pour moi de mettre mes élèves en contact avec des auteurs et illustrateurs professionnels. Ils ont déjà hâte de les rencontrer et ils seront prêts. Je vais aussi rencontrer, au congrès De mots et de craie, Quentin Gréban et Ève Tharlet (entre autres…), et j’ai hâte de parler de ces rencontres avec mes élèves. Je me plais aussi à leur partager mon amour des livres. Ces jours-ci, j’attends avec impatience le quatrième tome de la série L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante. Les élèves le savent. Mon libraire me connait et sait que je l’attends. Il m’a même avisée:
« Bonjour Martine,
Pour « L’amie prodigieuse » T.4:
15 janvier date de parution
16 janvier départ des livraisons du fournisseur

- Continuer à apprendre
Des formations, des vidéos, des rencontres avec des collègues, des échanges, des lectures. Ça me nourrit. À notre école, on s’est promis de se visiter plus souvent… aller dans la classe d’une collègue pour voir comment elle s’y prend, peu importe l’expérience avec l’atelier d’écriture, nous permet d’avoir une vision plus large, de confronter nos habitudes et d’en valider d’autres. Ça demande beaucoup d’humilité et de vulnérabilité. Mais il n’y a rien de plus fort pour bonifier ses pratiques. Et je me souhaite New York, encore, pour vivre une semaine intense et si riche auprès des maîtres (et bien sûr, pour Broadway, les bons restos et les jolies boutiques…).
- Encourager l’autonomie
Continuer de travailler fort pour favoriser l’autonomie des élèves. C’est le meilleur service à leur rendre (et à moi aussi!). Lâcher prise sur certains aspects qu’ils peuvent contrôler. Ils seront ainsi plus engagés dans leurs propres apprentissages. Moi, j’aurai plus de temps pour faire des entretiens efficaces. Par exemple, je sais qu’une chose que je veux travailler avec eux est l’utilisation des tableaux d’ancrage. Ils sont si présents dans mon enseignement, mais ils doivent d’abord et surtout être un soutien à l’apprentissage. Je dois enseigner aux élèves à les utiliser, le répéter, leur faire penser souvent et encourager ceux qui le font pour qu’ils continuent à le faire et servent de modèles.
- Maximiser l’enseignement en petit groupes
Une autre façon de fournir aux élèves la rétroaction et la pratique supplémentaire dont ils ont besoin est de mener des entretiens en petits groupes. Je veux m’assurer de bien planifier ces périodes riches en apprentissage différencié pour pouvoir aider plus d’élèves à relever leurs défis. J’ai la chance cette année de travailler en étroite collaboration avec l’orthopédagogue (mon amie Stéphanie!), et nous réfléchissons ensemble aux différentes façons de soutenir les élèves,notamment ceux en difficulté d’apprentissage, dans le contexte de l’atelier d’écriture.
- Écrire plus
J’aime écrire. J’écris depuis toujours, je pense. Je note des mots qui m’inspirent, j’écris des phrases qui passent dans ma tête, des bouts d’histoires, des articles, des textes… Par moments beaucoup, parfois pas du tout. L’atelier d’écriture m’a appris que je dois protéger mon temps d’écriture comme je protège celui des élèves. Je sais maintenant que lorsque je m’engage moi-même dans un processus d’écriture, je peux mieux comprendre les élèves, leurs besoins, leurs défis, la complexité de l’acte d’écrire. Même si ce n’est que pour présenter des textes modèles aux élèves. Écrire me permet de prévoir certains problèmes qu’ils pourraient avoir. De comprendre les procédés, de voir l’authenticité de ce que je fais. Cette année, j’aimerais même pouvoir garder un petit temps, au début de la période d’écriture autonome, pour écrire moi aussi, en même temps qu’eux. Et faire référence plus souvent, dans me mini-leçons, au fait que j’écrive aussi: « Hier, quand j’écrivais mon petit moment sur la fois où je suis allée glisser avec mon frère… » Cela me permettra d’être vraiment partie prenante de cette communauté d’auteurs que nous formons. Je me promets de l’essayer.
- Me faire confiance
Je vais continuer de faire des essais, des erreurs, des approximations. D’avoir des réussites et des difficultés. Des journées où je suis la reine de l’écriture et des journées ou je voudrais me cacher dans un petit coin… Mais j’apprends à être l’enseignante que je veux être, et je suis beaucoup plus près d’elle chaque jour qui passe que le jour d’avant…