Un article de Martine Arpin

« Martine, je pense que toi aussi tu devrais faire du ménage, pendant qu’on range nos pochettes de chaises… ». Il n’y a pas une année où je ne l’entends pas, celle-là!

À la fin de la journée, des piles partout, des post-its, des feuilles, des livres, des notes d’entretiens, un tableau d’ancrage tombé… À la fin du mois aussi. Et de l’étape. Tiens, des enseignantes viennent visiter la classe aujourd’hui ? Heureusement que j’ai ma grande armoire bleue pour camoufler quelques trucs… Mais quand une collègue cherche quelque chose, c’est à moi qu’elle vient demander (hein, Jacynthe !). Ma classe, elle est un peu comme ma tête : toujours pleine et un peu désordonnée, mais bien organisée !

Mais peu importe qu’il y ait des choses un peu partout, je pense que ce n’est pas ce qu’on remarque d’abord en entrant dans ma classe. Quand on entre dans une classe, on en apprend beaucoup sur la personne qu’est l’enseignant qui l’habite, mais surtout sur ce qui est important (ou pas) pour lui.

 

 

 

 

 

 

 

Plusieurs enseignants, dont je suis, ont été inspirés par la visite ou les images de la classe d’Yves Nadon (et attristés de la destruction de sa magnifique mezzanine il y a quelques années). Cette classe représentait une vision, une idéologie de l’éducation. Elle était la représentation physique des croyances pédagogiques qui animaient l’enseignant. Tout, dans cet espace, dictait que la lecture et l’écriture vivaient en dehors des murs de cette classe, de l’école.

 

Quand je regarde les images de la classe de Marco Lévesque, je suis happée dans son monde. Les livres, évidemment, partout, mais aussi la citation sur le mur, le choix du mobilier. Je peux tout de suite sentir l’environnement familial, le milieu de vie et son amour de la littérature, des auteurs et des illustrateurs. Et lorsqu’il me parle de sa classe, Marco précise « notre classe ». Le choix des mots représente sa vision. Ce n’est pas sa classe, c’est l’environnement qu’il partage avec ses élèves. Un jour, je visiterai leur classe !

 

Dans la classe d’Isabelle Robert, chaque chose est à sa place. Tout est centré sur l’enfant. Les genres littéraires qu’elle travaille dictent l’emplacement des livres, qui n’est pas figé durant l’année, et ce qu’on peut voir, entre autres, sur les murs. Son centre d’écriture est un modèle d’organisation et d’efficacité centré sur l’autonomie des élèves. Sur les photos de sa classe, je reconnais l’Isabelle organisée et structurée que je connais. Je sens que les élèves sont dans un milieu sécurisant et invitant, créé par une enseignante qui a toujours leurs besoins et leur autonomie en tête.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus qu’un espace qui nous est attitré dans une école, c’est un milieu de vie que nous créons pour (et idéalement avec) les enfants qui vivent dans ce lieu plusieurs heures par semaine. Alors que longtemps, on a pensé que « faire joli », ajouter des bordures de couleur, afficher de belles pancartes préfabriquées, colorées et plastifiées, etc. permettait aux élèves d’être motivés, on sait maintenant tous les bénéfices à utiliser le peu d’espace dont nous disposons de façon réfléchie, efficace et surtout, intentionnelle.

Quand on entre dans une classe pour y faire une promenade d’observation, on peut voir ce que l’enseignant enseigne, mais aussi ce que les élèves apprennent. On peut sentir l’efficacité de l’enseignant et la façon dont la classe devient un fil conducteur pour les apprentissages. Et si l’on veut pousser plus loin, quand on étire la promenade d’observation dans toutes les classes de l’école, on peut voir la cohésion (ou son absence) parmi un niveau ou même toute une école.

Et quand on observe bien, que nous dit la classe ?

La classe nous dit d’abord ce qui est au cœur de l’enseignement. On veut y voir des livres, des livres et encore des livres, évidemment. Classés par niveau, par auteur, par thème. Des livres partout, et à la disposition des élèves. Y a-t-il des textes d’élèves affichés dans la classe ? Et sur les tableaux d’affichage de l’école, comme on le fait pour les œuvres d’art ? Est-ce que l’apprentissage est au centre des préoccupations ? Les buts d’apprentissages des élèves sont-ils mis en évidence ?

 

 

Elle nous dit aussi la place de l’élève dans l’apprentissage, dans la vie de la classe : l’aménagement et l’ameublement favorisent-ils les échanges et l’apprentissage par les pairs ? On entend beaucoup parler dernièrement de l’environnement flexible. C’est un concept intéressant qui permet à certains élèves de mieux travailler, mais la flexibilité se reflète-t-elle aussi dans les contenus d’apprentissage ? Les élèves ont-ils d’autres choix que l’emplacement ? L’enseignement donné en classe permet-il d’abord la différenciation ? La flexibilité leur permet-elle de mieux apprendre ?

Y a-t-il un coin de rassemblement commun, si important à la communauté d’apprentissage. Peut-on voir la participation des élèves à l’organisation ? Par exemple, ce sont les élèves qui ont étiqueté les différents coins de la classe, ou même écrit les titres des tableaux d’ancrage (quelle bonne idée d’écriture partagée ou interactive !). Même chez les plus grands, comment peut-on voir qu’ils s’approprient la classe ? Est-ce que des exemples de textes d’élèves sont intégrés aux tableaux d’ancrage pour illustrer une stratégie enseignée ? La classe leur dit-elle que leurs voix comptent ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La classe nous montre le degré d’autonomie souhaité par l’enseignant : ce qu’il y a sur les murs aide-t-il à l’apprentissage ? Est-ce que ça favorise l’autonomie ? Peut-on voir des tableaux d’ancrage personnalisés avec les élèves, des routines, des procédures ? Un mur de mots adapté à chaque niveau? Le matériel est-il à leur disposition, accessible et bien organisé ?

La classe peut aussi nous parler de l’organisation et des transitions : est-ce que tout le matériel nécessaire à l’enseignement est à portée de main? Par exemple, autour du coin rassemblement où l’enseignante donne ses mini-leçons, est-ce que la caméra à documents (si l’enseignante y a accès) est accessible facilement, il y a des crayons, des livres pour les démonstrations, le dossier d’écriture de l’enseignante, etc. Pour ma part, c’est mon plus grand défi! Et le fameux bureau de l’enseignant, qui devient souvent un meuble de rangement et prend tellement de place… La solution serait-elle de trouver un bon meuble de rangement (un vrai !) et de choisir un espace pour travailler avec les élèves, au centre de la classe, par exemple ? Ou un meuble de rangement et un chariot à roulette avec le matériel pratique qu’on peut apporter avec nous lors des entretiens aux tables des élèves ? Certains aiment bien aussi la table haricot pour travailler en petits groupes (en autant qu’elle ne devienne pas elle aussi un meuble de rangement!).

 

 

 

 

 

 

Et puisque ce blogue est particulièrement inspiré des ateliers d’écriture, qu’en est-il du coin écriture de la classe? Est-il fonctionnel et bien organisé?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et qu’en est-il des éléments de distraction ? Les couleurs, les fonds de babillard sur lesquels on dispose les objets d’enseignement… Servent-ils les élèves? Empêchent-ils de se centrer sur ce à quoi on doit vraiment porter attention? On a si peu d’espace sur les murs, d’où l’importance d’utiliser chaque parcelle de cet espace de façon intentionnelle et réfléchie, afin de créer un milieu inspirant. Quand je cherche comment rendre ma classe plus efficace, je me demande : « Est-ce que l’environnement physique fait son travail, c’est-à-dire appuyer mon enseignement et refléter ma vision pédagogique ? »

Et vous, si quelqu’un qui ne vous connait pas faisait un petit tour de votre classe demain ? Qu’apprendrait-il sur vous et sur vos intentions ?

 

Merci à Yves Nadon, Marco Lévesque, Isabelle Robert, Janique Arsenault, Isabelle Denis et les enseignants de l’école PS-59 de NY pour les photos inspirantes.