Un article de Martine Arpin

Série Réflexions pédagogiques en temps de pandémie

Quand j’ai commencé cet article, je commençais à enseigner virtuellement, je finissais mon institut avec le Teachers College sur l’enseignement à distance en temps de pandémie. Le temps passe. Entre les capsules, les visioconférences, les adaptations de nouveaux modules, les enfants et le beau temps qui revient, il n’est pas encore publié. Les choses changent au jour le jour, je réécris, modifie, relis (tiens, tiens, la révision…). À la parution de l’article, plusieurs retourneront en classe pour préparer l’arrivée de leurs élèves dans une semaine. Pour ma part, ce sera dans deux semaines. À moins que ça change encore d’ici là ? Peu importe, finalement. Que l’on enseigne virtuellement ou que l’on enseigne  en classe pour les prochaines semaines et peut-être les prochains mois, nous savons très bien que nous ne pouvons pas faire exactement « comme avant ». Il faudra user d’imagination pour rendre ce retour agréable pour tous malgré les conditions imposées et l’interprétation des consignes. Nous commençons déjà à imaginer les « comment », pour préserver les valeurs pédagogiques importantes qui guident nos interventions et nos choix pédagogiques depuis des années. Réinventer les échanges avec un partenaire, le « magasinage » de livres, les possibilités pour offrir des choix  aux élèves, la manipulation, la rétroaction en cours d’apprentissage…

Même chose pour les contenus. Il faut choisir, aller à l’essentiel, être assez précis et ciblé dans les leçons. Se coller à la vie. On a avantage à miser sur les bonnes habitudes de lecteurs et d’auteurs, les habiletés générales qui seront facilement transférables :

• Des leçons d’organisation, qui favorisent l’engagement dans le travail à la maison en continuité avec le travail de la classe ou qui permettent de s’approprier le nouvel espace-classe : boite d’apprentissage, plan de lecture, comment lire un livre numérique, se fixer des objectifs…
• Un projet qui se poursuit de leçon en leçon : Par exemple, en écriture, un projet de journal de confinement. Chaque nouvelle leçon présente une nouvelle entrée possible dans la continuité du journal. Ou un recueil des petits moments de la classe.
• Des leçons ou des capsules de rappel visant la compréhension et la fluidité en lecture, notamment par la réflexion sur les personnages, leurs émotions et leurs interactions, en lien avec la vie courante. On peut penser aux différentes façons de lire à deux, à ce qu’on peut faire avant ou après une lecture, aux façons de comprendre un mot compliqué même quand on peut le décoder, aux façons de rendre sa lecture vivante…
• Des leçons permettant aux élèves de passer à travers le processus d’écriture dans un temps limité (une à deux semaines), dans un genre donné qu’ils ont déjà travaillé auparavant.
• Des lectures et des écritures interactives
• Des lectures et des écritures partagées
• De l’étude de mots

 

Les mini-leçons (virtuelles ou sans rassemblement)

Une mini-leçon virtuelle ou sans rassemblement devrait durer au maximum 8 minutes, et certains points d’enseignement peuvent même devenir des microleçons de moins de 5 minutes. On peut apprendre de cette efficacité pour laquelle nous nous sommes exercés virtuellement et rendre nos leçons aussi efficaces en classe. Le tableau suivant peut nous aider à planifier ces leçons :

Les essentiels à prioriser en ce moment pourraient ressembler à ceci :

Un exemple de séquence de mini-leçons pour passer à travers le processus d’écriture dans un projet de courte durée : Écrire sur nos passions

Les leçons peuvent être préenregistrées ou données en visioconférence. J’ai choisi l’écriture de textes informatifs en lien avec la vie personnelle : Écrire sur nos passions. La séquence a été vue sur deux semaines.

Leçon 1 : Planification

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Leçon 2 : Relire pour réviser et ajouter des détails (Tableau d’ancrage du module Écrire des textes informatifs à chapitres, 6-7 ans)

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Leçon 3:  Relire pour réviser et ajouter des détails (en visioconférence, retour sur la leçon précédente, ajouts dans un nouveau chapitre ou essai d’une nouvelle technique).

Leçon 4 : Révision, Les textes informatifs peuvent contenir différents genres de textes

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Leçon 5 : Relire pour réviser la ponctuation

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Leçon 6 : La correction

Cette leçon a été donnée en visioconférence. Les tableaux d’ancrage sur la correction avaient été déposés sur le Padlet de classe pour que les enfants puissent s’y référer.

 

Alors, que ce soit par visioconférence, en capsules ou mini-leçons préenregistrées ou avec de petits groupes en classe, et pour répondre aux besoins de nos élèves vulnérables tout en continuant de stimuler ceux qui volent tout seuls, mais dont notre souffle magique leur permet d’aller plus haut et plus loin, on doit aussi penser à ce drôle de retour d’un point de vue pédagogique. Peter Johnston démontre que les mots et les gestes d’un enseignant envers ses élèves ont une grande part à jouer dans les croyances et les idées que ceux-ci se font à propos de leur relation avec l’enseignant, à propos de l’école et à propos d’eux-mêmes. Par ses mots et ses gestes, par ses choix, un enseignant peut faire ressentir à chaque élève qu’il se préoccupe de lui, qu’il est important. Mais surtout, Peter Johnston, tout comme d’autres chercheurs et praticiens, a démontré que « les croyances des enseignants sur leurs élèves et sur ce qu’ils peuvent accomplir ont un impact substantiel sur les apprentissages et les progrès de leurs élèves ». Les recherches montrent que, tout comme les enseignants ont des attentes envers chaque élève individuellement, ils en ont aussi sur le groupe classe. En cette période d’instabilité humaine et pédagogique, il faut se reposer la question : « Quelles sont mes attentes pour mon groupe, d’ici la fin de l’année ? Quelles sont mes attentes envers chaque élève ? » Et il faut aussi envisager : « Ces attentes sont-elles trop basses ? Trop grandes ? ». Pour qu’elles soient « juste parfaites », comme le gruau, la chaise et le lit de Bébé Ours, nous devons nous assurer que nous fournissons un défi intellectuel de haut niveau ainsi que le soutien nécessaire pour permettre à chacun de relever ce défi.

Je ne mets pas la tête dans le sable. Je sais que je dois me faire à l’idée que, pour un petit bout, tout sera bien différent d’avant. Mais je ne peux pas me faire à l’idée que je vais me transformer en surveillante d’enfants, en chipie qui épie chaque faits et gestes à longueur de journée, ou en maîtresse d’école des années 50 (malgré les rangs d’oignons qu’il semblerait que je vais devoir semer…).

Je suis enseignante.

Je vais trouver le moyen d’enseigner.

Et pas n’importe comment. Ce sera différent, mais ce sera vivant et en accord avec mes valeurs profondes. Mon environnement va changer, pas mon cœur, ni ma tête, ni mes valeurs pédagogiques.

 

Réflexions personnelles alimentées par ma participation à l’institut virtuel : Rising to the Challenge, Teaching Litteracy Virtually and with Magic, Teachers College Reading and Writing Project, 8 au 10 Avril 2020.