Un article d’Isabelle Robert
Une nouvelle année scolaire est sur le point de commencer. Comme chaque année, je pense à mes objectifs personnels et à ce que j’aimerais faire avec mes élèves. Mes dernières lectures, ma semaine au Teachers College et le fait de faire le vide et de m’arrêter pour faire autre chose m’inspirent et me donnent le gout d’entamer cette nouvelle année scolaire. Comme vous peut-être, j’ai commencé à planifier mon année. Ma planification est dans ma tête pour l’instant, mais bientôt, ce sera plus défini. C’est une tâche qui n’est pas si évidente. Il faut faire des choix. Il faut que je réfléchisse à ce qui est important pour moi, que je détermine mes priorités, que je protège ce qui est essentiel à mes yeux.
Et j’ai vraiment hâte de rencontrer mes élèves…
Cet été, j’ai lu le dernier livre de Michel Tremblay Le peintre d’aquarelle. Vous l’avez lu? Dans ce livre, Marcel, le personnage principal du récit, tient un journal personnel et Tremblay nous amène de temps à autre dans le processus d’écriture de celui-ci. J’ai trouvé vraiment très rafraichissant de lire les pensées de Marcel pendant qu’il écrit. Il réfléchit parfois au contenu de son texte, mais aussi aux choix qu’il fait en tant qu’auteur. Pour vous donner un exemple du livre, à la suite d’une phrase de presque neuf lignes, Marcel réfléchit à celle-ci et il poursuit comme ceci: « Je viens d’écrire ma première phrase longue. J’ignore si elle tient debout, mais je l’ai relue trois fois et je la trouve belle. J’en ferai d’autres! T’nez ben vos tuques! »
Ce Marcel me pousse à remarquer tout ce qui se passe dans ma tête lorsque j’écris. J’avoue que ce n’est pas toujours reposant… Il y en a des doutes, des questionnements… Mais ça me donne vraiment le gout de connaitre ce qui se passe dans la tête de mes élèves lorsqu’ils écrivent. Je crois que c’est ce que je garderai en mémoire pour faire des entretiens centrés sur l’auteur. Oui, des questions telles que « Que fais-tu en tant qu’auteur aujourd’hui? » et aussi « Pourquoi?, Comment tu t’y prends? Que trouves-tu difficile en ce moment? » sont importantes, mais ce qui l’est encore plus, c’est l’écoute attentive des réponses de l’élève. Ma priorité sera de comprendre exactement ce qu’il fait en tant l’auteur, de comprendre son intention, de m’assurer de bien saisir sa démarche et surtout, surtout, de prendre le temps de le faire. Si je comprends exactement ce qui se passe dans la tête de l’élève, je serai en mesure de lui enseigner ce dont il a réellement besoin maintenant. Je penserai donc à Marcel lors de mes entretiens cette année.
J’ai une idée de ce que je veux faire cette année. J’ai tellement hâte de faire vivre les ateliers d’écriture à mes nouveaux élèves. Les ateliers de lecture aussi. Quels sont les modules que je ferai, je ne le sais pas vraiment. En fait, oui, je le sais… mais pas exactement exactement. Ce que j’ai hâte de rencontrer mes élèves!
J’ai hâte parce que je saurai un peu plus ce que j’enseignerai. En lecture, par exemple, je vais devoir les regarder lire, les écouter et les observer quand ils parlent de leurs livres à leur partenaire pour savoir encore plus ce que je vais leur enseigner. Qui sont-ils en tant que lecteurs? Où en sont-ils? De quoi ont-ils besoin maintenant? Quels sont leurs champs d’intérêt?
En juin dernier, à l’institut d’été du Teachers College, nous étions, Stéphanie, Annie, Marlyn et moi, dans le cours de Kathy Collins. Quelle enseignante extraordinaire, Kathy Collins! Cinq matinées d’enseignement puissant et de discussions enrichissantes afin d’amener les partenaires de lecture à avoir des conversations profondes et intéressantes. Le concept de Clubs de lecture a aussi été abordé. Ah… Les Clubs de lecture… Un coup de cœur pour moi! Je vous en parlerai surement dans un prochain texte, car évidemment, je désire intégrer ces fameux Clubs de lecture dans ma salle de classe cette année. Et si on se demande comment les intégrer dans l’horaire des ateliers de lecture, Kathy répond : « L’atelier de lecture, c’est ferme comme du Jell-O, pas comme du ciment. » C’est la première fois que j’entendais cette comparaison et je l’aime beaucoup. Je l’aime parce que c’est vraiment ça! Les ateliers de lecture (et d’écriture) sont très bien définis, très bien structurés, mais aussi malléables, comme le Jell-O!
Ce qui fait surtout bouger le Jell-O ce sont les élèves, leurs champs d’intérêt, leurs besoins. Des projets comme les Clubs de lecture peuvent parfois se glisser à travers les ateliers de lecture. Peut-être qu’on fera plus d’études d’auteurs ou peut-être qu’on étudiera plus longuement un genre littéraire. Peut-être aussi que ce sera un sujet en particulier qu’on explorera davantage. Ce seront les forces et les difficultés de mes élèves qui guideront mes choix. M’inspirer de leurs gouts et m’adapter à leurs besoins est important pour moi. J’ai déjà planifié mes ateliers de lecture et mes Clubs de lecture, mais tout ça est malléable, comme un bon Jell-O! Ah…Ce que j’ai hâte de connaitre mes élèves!
Au départ, ce qui m’aidera à les connaitre en tant que scripteurs, ce sont les séances quotidiennes d’écriture et les textes sur demande. Vous connaissez le principe des textes sur demande? Au début des modules, on en parle tout le temps. On demande aux élèves de réfléchir à un sujet pour la production d’un texte sur un genre littéraire (narratif, informatif…) et on détermine un temps précis pour la rédaction de ce texte (généralement 45 minutes). Ils doivent le planifier, l’écrire, le réviser et le corriger. Ils doivent utiliser tout ce qu’ils savent de l’écriture de ce genre de texte.
Au début de l’année, de plus en plus d’enseignants en demandent trois à leurs élèves. Un texte narratif, un texte informatif et un texte d’opinion. Il est recommandé de procéder ainsi. C’est avantageux, car on peut pousser plus loin l’analyse des textes en ayant une vue plus large d’une composante précise comme, par exemple, la structure des textes. Est-ce que l’élève a de la difficulté à bien structurer ses textes en général ou est-ce que la structure lui pose problème seulement dans un texte narratif? Vous comprenez qu’on aura un portrait beaucoup plus précis avec une analyse plus élargie.
On invite aussi les enseignants de maternelle à demander à leurs élèves d’écrire un court texte pour chacun des genres littéraires qui seront travaillés au cours de l’année. Un par jour. Cela vous étonne? On peut effectivement être sceptique quant à cette démarche qui demande aux élèves de faire quelque chose qu’ils n’ont pas commencé à apprendre. Même si on ne s’attend pas à des productions élaborées, on peut parfois avoir des surprises. Les enseignants qui ont tenté l’expérience ont découvert une démarche puissante. Ces productions permettent non seulement d’évaluer où chacun est rendu et de constater que les élèves ne sont pas tous rendus au même stade de développement de l’écriture, mais elles serviront aussi tout au long de l’année à démontrer leurs progrès. Ils verront à quel point ils grandissent en tant qu’auteurs.
C’est l’introduction du livre Les premiers pas en atelier d’écriture que j’ai relu cet été qui m’a amenée à réfléchir un peu plus sur cette question de l’évaluation et des textes sur demande. Je comprends mieux l’utilité et la portée de la démarche. Cette année, avant de commencer les ateliers d’écriture, je vais demander à mes élèves d’écrire trois textes sur demande, et ce, même s’ils ne sont qu’en première année. Cela me permettra de faire une évaluation plus complète pour mieux connaitre mes élèves et pour avoir un portrait global de chacun. L’an dernier, mes élèves ne rédigeaient qu’un texte sur demande au début et à la fin de chaque module. Cette année, ce sera différent. J’ai hâte de voir les textes que j’aurai entre les mains. J’ai aussi hâte de voir les élèves à la tâche. Ce que j’ai hâte de les connaitre!
Donc, j’ai une bonne idée de ce que je ferai cette année, mais pas exactement exactement, car je ne connais pas encore mes élèves. Ce sont eux qui me guideront. J’observerai, je serai à l’écoute et je m’ajusterai. Marcel, le Jell-O et mes lectures sur les textes sur demande m’inspirent. Et en attendant cette nouvelle année qui s’en vient, je continue de lire, de profiter des derniers jours de vacances et je me prépare tranquillement.
Ce que j’ai hâte de rencontrer mes élèves!