Un article d’Isabelle Robert

Chaque jour, on lit. Chaque jour, on discute de lecture, de livres. Je considère que l’un ne va pas sans l’autre pour cultiver le goût de la lecture chez mes élèves. Mes élèves sont en première année, alors ils ont beaucoup à apprendre à cet égard. Tout d’abord, je m’assure d’être un modèle de lectrice inspirant pour eux. Je parle de mes lectures, de mes habitudes, de mes amies qui me suggèrent des livres, de mes visites à la bibliothèque ou à la librairie, de mes conversations littéraires avec mes amis lecteurs, de mes coups de cœur, de mes découvertes, du prochain livre que je lirai…  Je m’assure également de lire à voix haute tous les jours. La lecture à voix haute me permet de démontrer différentes conversations que l’on peut avoir à propos d’une œuvre.

Les élèves ont eux aussi l’occasion de lire et de parler de leurs lectures. Ils le font chaque jour. Ils le font avec leur partenaire lors de l’atelier de lecture. Ils ont aussi de belles conversations littéraires à l’occasion des Clubs de lecture qui s’organisent à quelques reprises au cours de l’année. Et bientôt, je réserverai un temps de « jasette de lecture » dans la routine du matin, un temps où les élèves pourront parler de ce qu’ils ont lu à la maison, la veille. Bref, les occasions de parler de lecture sont quotidiennes.

Pour que ces temps d’échanges soient riches et efficaces,  l’enseignement du travail entre partenaires est essentiel. Quelquefois, j’aime bien y consacrer une semaine entière.  Travailler le partenariat de façon intensive permet d’enrichir rapidement cet aspect important de la lecture: se réunir pour lire et partager sur la lecture. J’enseigne régulièrement le travail de partenariat, mais je trouve vraiment intéressant de planifier occasionnellement des semaines Partenaires de lecture en vedette!  Au cours de ces semaines, pour bien intégrer le travail de partenariat, le déroulement de l’atelier de lecture est différent de la structure habituelle: la période de lecture en dyade suit immédiatement une mini-leçon qui porte sur le travail de partenariat.  Vient ensuite la période de lecture autonome où chacun lit seul dans son espace de lecture personnel.

J’ai appris avec l’expérience qu’il ne faut rien tenir pour acquis. Vaut mieux enseigner explicitement le comportement à adopter ou la stratégie à développer si on souhaite voir l’élève l’intégrer. Pour déterminer ce que je vais enseigner, je pense à ce que j’aimerais voir lors des périodes de lecture avec le partenaire. Je visualise le comportement attendu!  Et je suis cette direction, un pas à la fois. Je priorise l’enseignement des habitudes qui facilitent le travail en coopération, c’est-à-dire les stratégies qui permettent de bien travailler ensemble. Chez les petits, on y travaillera et on y reviendra souvent, tandis que dans une classe de troisième année, ce sera généralement plus rapide.

Certaines habiletés de coopération peuvent être travaillées à plusieurs occasions dans la journée. Voici quelques exemples en première année.

  • Regarder la personne qui parle
  • Parler clairement avec un ton de voix « parfait » pour le partenaire
  • Écouter attentivement quand le partenaire parle
  • S’asseoir côte à côte
  • Tenir un livre au milieu des deux partenaires pour que l’attention soit dirigée sur un seul livre
  • Décider ensemble de quelle façon sera faite la lecture (chacun son tour, en écho, à voix haute, lecture chorale…)
  • Trouver ensemble des solutions à un problème

 

On travaillera à résoudre les problèmes qui se présenteront, car il y en aura. C’est inévitable. Un partenaire qui prend toute la place, un partenaire qui veut toujours être le premier, un partenaire qui ne se prépare pas rapidement… Ce sera l’occasion d’impliquer les élèves dans la recherche de solutions, car ces rencontres en tandem leur permettent d’apprendre beaucoup sur le vivre ensemble.

Chez les petits, lors de la lecture à deux, les lecteurs seront amenés à :

-Lire de différentes façons ;

-Vérifier la lecture du partenaire en se demandant :

  • Est-ce que ça a du sens? (indices de sens… par exemple, en regardant si ce qui est lu correspond à l’image)
  • Est-ce que ça sonne bien? (indices syntaxiques… en écoutant attentivement)
  • Est-ce que ça semble bon? (indices visuels… en regardant les lettres des mots lus)

-Aider le partenaire (on peut partager nos connaissances sur la lecture);

-Lui rappeler les bonnes habitudes des lecteurs (stratégies déjà enseignées);

-Encourager notre partenaire en lui faisant un pouce en l’air quand ça va bien ou lui dire « Essaie encore! » s’il semble avoir fait une erreur;

-…

Les lectures à voix haute avec conversations littéraires sont très riches pour enseigner à développer ces échanges, ces discussions entre lecteurs, à propos des livres. On pourra faire des prédictions, discuter des personnages, parler des émotions qu’ils vivent, faire un rappel des événements, réfléchir aux leçons que l’auteur nous enseigne, établir des liens avec notre vie… Les moments de lecture en partenariat seront des occasions parfaites pour enseigner à des petits groupes de lecteurs des stratégies pour bien converser. Ultimement, on cherchera à faire grandir les conversations pour qu’elles soient toujours plus riches. Pour y arriver, des stratégies comme celles-ci seront enseignées :

-Afin de s’assurer que l’on comprend bien ce que le partenaire dit, on peut :

  • Lui poser une question
  • Lui demander d’expliquer
  • Lui demander de nous montrer

-Afin de réagir à ce que notre partenaire dit, on peut:

  • Lui poser une question
  • Ajouter une idée

-Afin de se préparer à rencontrer son partenaire, on peut :

  • Noter une question que l’on se pose
  • Identifier un passage qui nous fait vivre une émotion
  • Cibler un passage qui nous fait penser à quelque chose

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Et pour engager notre partenaire dans la conversation, on l’invitera à entrer dans notre livre : on lui présentera, on lui donnera un aperçu… on lui donnera notre appréciation, on pourra même lui suggérer de le lire en lui disant pourquoi on le recommande.

Évidemment, on souhaite voir la collaboration s’installer pour faire grandir les idées et trouver de nouvelles façons de parler des livres. Ces conversations, de plus en plus riches, permettront aux lecteurs de passer de la compréhension de surface vers une compréhension plus profonde. Elles amèneront les partenaires à approfondir leur compréhension des personnages, de l’intrigue, de l’histoire et des thèmes abordés. On essayera de créer un environnement où les lecteurs se poseront des questions et réfléchiront ensemble sur un aspect d’un livre, où les lecteurs liront en pensant au partenaire, à ce qu’ils pourront discuter ensemble. Ce qui est important, c’est de garder en tête que la lecture, c’est comprendre au-delà des mots, c’est s’approprier le texte et partager ce qu’on en comprend. Elle nous permet d’apprendre à s’exprimer et à penser. Elle nous ouvre sur le monde.

La coopération, les conversations littéraires et la collaboration évolueront en même temps que les lecteurs. Les partenaires de lecture puiseront dans un large répertoire de possibilités de travail avec leur partenaire et nous serons flexibles. Et nous dirons: « Voici ce dont vous pourriez discuter avec votre partenaire aujourd’hui» plutôt que: « C’est ce dont vous devez discuter avec votre partenaire aujourd’hui». Ces rencontres seront des moments où un lecteur rencontra un autre lecteur. Un comportement authentique de gens qui partagent la joie de lire. Nous serons témoins d’une communauté de lecteurs qui évolueront en lisant, en pensant et en parlant des livres!