Un texte d’Isabelle Robert

Il y a plusieurs années, alors que j’étais à la recherche de stratégies efficaces pour enseigner l’écriture, j’ai découvert les ateliers d’écriture du Teachers College, et ce, avant même que les ouvrages ne soient traduits et adaptés en français. Dès l’expérimentation des premiers ateliers, j’ai été témoin de changements importants dans ma classe: des élèves plus motivés, rapidement engagés, compétents, et surtout, des auteurs qui éprouvent du plaisir à écrire.

Enfin, j’avais trouvé des stratégies d’enseignement efficaces pour cultiver le gout d’écrire et rendre les apprentissages durables! Ce que j’observais me réjouissait : une communauté d’auteurs qui réfléchissent, qui prennent des risques et qui aiment partager ce qu’ils font ou ce qu’ils essaient de faire. Je n’enseignerais plus autrement.

Lorsque je mentionne que je n’enseignerais plus autrement, ce n’est pas parce qu’il s’agit de la méthode la plus facile pour enseigner l’écriture. Au contraire! En privilégiant les ateliers d’écriture, on ne contrôle pas le produit comme c’est le cas lorsque tous les élèves écrivent à propos du même sujet, qu’ils le font dans un cadre commun et qu’ils vivent chacune des étapes du processus d’écriture au même moment. Il faut exercer un certain lâcher-prise, laisser les élèves faire leurs propres choix, faire confiance, se préparer à offrir l’enseignement en petits groupes et individuellement. Pour voir progresser les élèves, il est important d’avoir l’œil sur leur travail d’auteurs afin de leur offrir les leçons dont ils ont besoin. Cela est exigeant, assurément, mais si gagnant que je ne ferais pas autrement.

Cela étant dit, tout n’est pas parfait dans ma classe malgré ma grande expérience avec les ateliers d’écriture. Parfois, je m’aperçois qu’un élève piétine dans son texte. D’autres fois, je vois un élève qui oublie de se relire et de réviser ses idées. Il arrive aussi que je ne parvienne pas à lire le texte d’un élève qui ne parvient pas se relire lui-même. J’observe également des élèves qui manquent de concentration ou qui éprouvent beaucoup de difficultés et nécessitent un accompagnement constant pour progresser. Je peux dire que c’est parfaitement imparfait dans ma classe. J’accepte que ce soit ainsi. Ça ne pourrait pas être autrement.

Que j’accepte cette imperfection ne signifie pas que je baisse les bras. J’aide tous mes élèves à évoluer, quels que soient les défis qu’ils rencontrent. Je veux qu’ils deviennent tous plus compétents. La production est la clé de la progression. Je prends cela au sérieux alors je tente différents moyens. Parfois, ça aide un peu et d’autres fois, plus je ne l’aurais imaginé.

Aujourd’hui, j’avais le gout de partager des moyens qui ont du succès auprès de mes élèves. Voici donc cinq astuces pour aider les élèves qui rencontrent des difficultés à écrire plus, et ce, de façon autonome.

  1. Un tableau d’ancrage adapté

Personnaliser un tableau d’ancrage en changeant la disposition des éléments qui y figurent peut aider des élèves à mieux évoluer à travers celui-ci. C’est ce que j’ai fait pour aider un élève TSA qui fonctionne plus facilement à l’aide de procédures disposées en séquences horizontales. J’ai adapté pour lui le tableau du processus d’écriture en disposant chaque phase de gauche à droite plutôt que de façon circulaire. L’élève identifie la phase sur laquelle il travaille à l’aide d’une bande colorée transparente (ou d’une flèche autocollante). Quand le travail est fait, il déplace cette bande à la prochaine étape du processus. En plus de permettre à l’élève de voir clairement le travail à faire à chacune des étapes, celui-ci est en mesure de les franchir plus aisément. Il augmente sa productivité et évite de sauter des étapes importantes du processus. Cet outil, adapté au travail que l’élève peut faire en tant qu’auteur, est placé dans son dossier d’écriture. Ce genre de tableau peut donc être utile aux élèves qui ont besoin d’un support plus détaillé pour être plus efficaces au travail.

Un tableau du processus d’écriture

2. Un enregistreur vocal

Pour aider les élèves qui éprouvent des difficultés de langage, j’aime parfois utiliser l’enregistreur vocal. Cet appareil enregistre la voix de l’enseignante ou d’un pair qui formule la phrase que l’élève souhaite écrire, mais qu’il ne parvient pas à énoncer correctement. Grâce à l’enregistreur, l’élève peut écouter à maintes reprises la phrase qu’il tente d’écrire. Qu’il s’agisse d’une difficulté de prononciation, d’un problème de structure de phrase (ou du discours) ou encore d’un ensemble de difficultés langagières, l’élève peut avoir besoin qu’on reformule son idée pour avoir accès à un modèle qu’il pourra écouter à sa guise et écrire. Connaissant bien les difficultés particulières de mes élèves, c’est souvent moi qui enregistre la phrase que veut écrire l’élève en mettant l’accent sur ce qui lui pose un problème. Un autre élève de la classe, assis à proximité de lui et qui comprend bien comment aider son compagnon, peut également apporter son soutien.

Pour enregistrer, il est possible d’utiliser le dictaphone d’un vieux téléphone intelligent ou d’une tablette numérique (prend plus de place cependant), ou un petit appareil appelé bouton enregistreur vocal. Lorsqu’il maitrise l’utilisation de l’outil, l’élève peut travailler seul plus longtemps et la qualité de son travail est meilleure.

Une élève qui écrit à l’aide de ses outils dont un bouton enregistreur vocal.

3. Un plan de match

Des élèves se sentent parfois perdus lorsqu’ils se trouvent seuls à leur espace de travail. Ils prennent de longues minutes avant de se mettre au travail. Ils sont hésitants, car l’écriture est une tâche difficile pour eux. Ils le savent même si l’on tente de les rassurer, de les encourager et de mettre en valeur ce qu’ils parviennent à bien faire.

Pour aider ces élèves à se faire confiance et à travailler de manière plus soutenue, il est parfois utile de segmenter le travail en petites étapes et de rendre visible le travail à accomplir à chacune des étapes.

C’est l’élève qui planifie le travail qu’il fera pendant la période d’écriture autonome. À partir d’un tableau du processus d’écriture simplifié et adapté, l’élève pointe ce qu’il fera en premier, en deuxième et en troisième. Le tableau comporte donc plusieurs petites étapes. En planifiant son travail de cette façon, l’élève se fixe des buts et sait ce qu’il doit entreprendre. Il prend conscience de tout ce qu’il peut accomplir pendant une période d’écriture. C’est encourageant et ça donne confiance.

Un tel outil de planification peut faire une grande différence pour amener des élèves qui manquent de confiance à travailler plus, et ce, de façon autonome. Se fixer des objectifs de travail pour se mettre rapidement à la tâche et voir clairement le chemin à prendre pour progresser permettra à l’élève d’adopter un meilleur rythme de travail.

4. Un espace de travail mieux adapté

Sans rappels fréquents, un élève qui a un niveau de concentration faible ou qui a un besoin constant de bouger produit peu. Adapter son espace de travail peut contribuer à le rendre plus autonome. Différents outils peuvent favoriser son attention. Bien identifier son besoin guidera le choix de l’outil. À vous de voir si un lézard lourd, un élastique attaché aux pattes de la chaise ou une assise spéciale comme un coussin de type disco seat peut aider. D’autres outils peuvent aussi être recommandés par un intervenant spécialisé de l’école.

Si ces outils ne sont pas suffisamment efficaces, comme c’est parfois le cas, il faudra faire une étude plus approfondie des besoins de l’élève et envisager d’autres options telles que lui offrir de porter des coquilles pour couper les bruits environnants, lui permettre de se réfugier dans un coin sur une table basse ou lui permettre de travailler debout sur une table haute, ou encore isoler son espace de travail derrière un écran (paravent, isoloir…).

Dans tous les cas, il est essentiel d’expliquer à l’élève l’importance de produire beaucoup pour progresser et de l’impliquer dans le choix des moyens à mettre en place pour y parvenir.

Exiger d’un élève qui présente un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité qu’il s’installe comme les autres et se concentre pour écrire beaucoup, sans être outillé, est rarement efficace. Il ne faut pas s’attendre à ce que les moyens mis en place donnent des résultats miraculeux, mais il est tout à fait réaliste de viser une amélioration dans la production de son travail.

5. L’écriture guidée et l’écriture partagée

Dès que je commence un nouveau module, cibler un petit groupe d’élèves (environ quatre) qui bénéficieraient d’un soutien plus important est une stratégie que je privilégie. Je les guide pas à pas dans le processus d’écriture. Parfois, chacun trouve son idée et je les accompagne à mettre en œuvre les stratégies essentielles de mise en texte. D’autres fois, ils trouvent une idée commune et mon travail est de guider chacun d’eux dans l’élaboration de cette idée.

L’écriture partagée est aussi un dispositif que je privilégie pour modéliser le travail à accomplir tout en impliquant les élèves. Les élèves du petit groupe, guidés par l’enseignante, réfléchissent ensemble au texte à produire et partagent leurs idées. C’est l’enseignante qui écrit le texte, devant les élèves, en verbalisant les stratégies importantes qu’elle utilise. Les élèves énoncent les idées et l’enseignante écrit. Il peut arriver que l’enseignante partage le crayon avec les élèves. On parle alors d’écriture interactive.

Lorsque je cible un petit groupe d’élèves, il est important de réfléchir au travail prioritaire à faire avec eux. Après avoir établi la priorité d’apprentissage, je consacre environ dix minutes par jour pendant quelques jours, dès le début de la période d’écriture autonome, pour les accompagner. Lorsque je quitte les élèves du sous-groupe pour aller vers d’autres élèves de ma classe, je détermine la tâche qu’ils auront à faire sans aide pour le reste de la période d’écriture. Les encadrer ainsi favorise leur engagement, car ils ont un but commun et savent quoi faire. Les laisser travailler de façon autonome leur envoie le message qu’ils sont capables de travailler seuls et que je leur fais confiance.

Par ailleurs, l’écriture partagée et l’écriture interactive sont des dispositifs à privilégier avec l’ensemble des élèves de la classe. Des articles complets sur ces pratiques sont disponibles sur le blogue. Les liens vers ces textes apparaissent à la fin de cet article.

Bien entendu, il existe d’autres moyens pour aider les élèves qui rencontrent des difficultés à travailler avec plus d’autonomie. Les tableaux de microprogression sont de bons exemples d’outils efficaces. Des liens pour en savoir plus sur ces outils se trouvent à la fin de cet article.

Les outils présentés dans cet article ne règleront probablement pas tout, mais ils aideront certainement des élèves à avoir un meilleur rythme de travail pendant que vous ferez vos entretiens et vos rencontres en petit groupe. Parfois, prendre un pas de recul pour réfléchir à ce qui pose le plus problème à un élève peut aider à trouver un support qui lui permettra de palier à sa difficulté pour continuer à progresser en tant qu’auteur.

Et… avec tous les défis qu’apportent les ateliers d’écriture, rappelez-vous que cette stratégie d’enseignement conduit vers de grandes réussites. Ça ne peut pas faire autrement!


Au sujet des tableaux de microprogression:

Amener les élèves à travailler fort

Aider les élèves à faire mieux

Au sujet de l’écriture partagée et interactive

L’écriture partagée et l’écriture interactive: un support pour l’atelier d’écriture (partie 1)

L‘écriture partagée et l’écriture interactive: un support pour l’atelier d’écriture (partie 2)